Les fibrillations atriales (FA) circonstancielles désignent les fibrillations secondaires à une cause aiguë et réversible.

FA postopératoire

Elles sont fréquentes après une chirurgie cardiaque car elles affectent 30 à 50 % des patients et sont associées à un risque accru de morbi-mortalité.1 Les patients concernés sont plus à risque de récidive de FA à distance de la chirurgie. Certains facteurs prédictifs ont été identifiés. Lorsqu’ils sont administrés avant l’intervention, les bêtabloquants et l’amiodarone réduisent le risque de FA postopératoire. La colchicine a également montré un intérêt dans cette indication. Aucune des stratégies « contrôle du rythme » ou « contrôle de fréquence » n’a montré de supériorité l’une par rapport à l’autre en phase aiguë. La décision thérapeutique reste donc individualisée et dépend du centre prenant en charge le patient.
Après une chirurgie non cardiaque, les FA ne concernent que 3 % des patients et sont plus fréquentes chez les sujets âgés. Elles sont également associées à un plus grand risque de complications. L’âge, le sexe masculin, un antécédent d’insuffisance cardiaque, de FA, une pneumectomie et une fréquence cardiaque pré­opératoire élevée sont prédictifs de FA postopératoire. L’inflammation, l’hypovolémie, l’anémie et l’activité sympathique liée au stress et à la libération de catécholamines sont les principales hypothèses physiopathologiques. Un traitement anticoagulant doit être prescrit dès lors que la fibrillation dure plus de 48 heures et que le score CHA2DS2-VASc est supérieur à 1, en tenant compte du risque hémorragique inhérent à l’intervention chirurgicale. Le traitement est maintenu au moins un mois, et pro­longé au cas par cas.

FA secondaire à une hypoxie

Toutes les situations aiguës s’accompagnant d’une hypoxie sont à risque d’entraîner une FA. C’est le cas des embolies pulmonaires, des pneumopathies, des états de choc et des intoxications au monoxyde carbone. Le risque est d’autant plus élevé qu’il existe une cardiopathie sous-jacente. Elles sont associées à un risque plus important de complications.

FA post-infection virale

De nombreuses pathologies virales sont associées à un risque accru de FA. Le tropisme de ces infections peut aussi bien être pulmonaire, myocardique qu’extrathoracique. L’inflammation générée par l’infection est alors le principal mécanisme de la fibrillation, en plus de la fièvre.

FA et ischémie myocardique

La FA est le trouble du rythme supraventriculaire le plus fréquent en phase aiguë de syndrome coronaire aigu.2 Sa survenue peut être inaugurale et est alors secondaire à l’ischémie. Elle est associée à un risque accru de complications (infarctus, accident vasculaire cérébral [AVC], insuffisance cardiaque et mort subite). En dehors des cas de défaillance hémodynamique où une cardioversion est envisagée, un contrôle de la fréquence cardiaque est privilégié en utilisant en première intention les bêtabloquants.

FA et hyperthyroïdie

Les FA secondaires à une hyperthyroïdie3 sont fréquentes puisqu’elles surviennent chez environ 10 à 25 % des patients. Le mécanisme est lié à une augmentation du tonus sympathique, une diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque et de la durée du potentiel d’action atriale. Un traitement anticoagulant est le plus souvent indiqué indépendamment du score CHA2DS2-VASc car le risque thromboembolique est plus important. Une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque est privilégiée à une stratégie de contrôle du rythme car environ deux tiers des patients se régularisent spontanément après retour en euthyroïdie. Les bêtabloquants sont le traitement de choix dans cette indication.

FA et alcoolisation aiguë

Bien que plus fréquente en cas de consommation chronique d’alcool, la FA peut également survenir en cas d’intoxication aiguë, notamment au vin blanc. Le mécanisme est lié à la conjonction d’une toxicité cellulaire et d’une action sur le système nerveux autonome.

FA de cause toxique

Plusieurs classes médicamenteuses4 sont à risque d’induire une FA. Là aussi, le risque est plus élevé en cas de cardiopathie sous-jacente. Les principaux médicaments incriminés sont les amines et les bêtastimulants via une stimulation adrénergique. Les autres traitements impliqués sont les corticoïdes et les diurétiques thiazidiques via l’hypokaliémie qu’ils génèrent, les agonistes dopaminergiques et les cholinergiques via la stimulation vagale, certains vasodilatateurs (dérivés nitrés, losartan) via une stimulation sympathique réflexe, certains antiarythmiques par modification des propriétés électrophysiologiques des cellules atriales (adénosine, ivabradine, vérapamil, diltiazem, digoxine) et certaines chimiothérapies par effet cytotoxique. La prise d’amphétamines et de cocaïne est associée à un risque accru de FA par mécanisme adrénergique.

FA et hypokaliémie

L’hypokaliémie, en allongeant le temps de conduction intra-atriale, est une cause bien connue de fibrillation. Le risque est d’autant plus élevé que l’hypo­kaliémie est sévère. Ces situations sont fréquentes chez les patients dialysés et/ou traités par de fortes doses de diurétiques.

FA de cause neurologique

La FA est impliquée dans la survenue de près de 25 % des AVC ischémiques.5 Inversement, une FA dite neurogénique peut se produire à la phase aiguë d’un AVC. La physiopathologie de ces fibrillations, bien qu’encore mal élucidée, reposerait sur des troubles de la régulation du système nerveux autonome secondaires à des lésions du cortex insulaire et sur l’inflammation systémique en phase aiguë. Un traitement anticoagulant est néanmoins indiqué car l’imputabilité de la FA dans l’AVC ne peut être écartée. Ce traitement est instauré après un délai qui varie en fonction de la taille de l’AVC à cause du risque initial de transformation hémorragique.
Les causes des FA circonstancielles sont donc nombreuses. Un traitement anticoagulant ad hoc doit être initié conformément au score CHA2DS2-VASc et doit être maintenu au moins un mois. Concernant la prise en charge rythmologique, une stratégie de contrôle du rythme est indiquée en cas de mauvaise tolérance hémodynamique. Dans les autres cas, une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque est privilégiée en phase aiguë, car le retour en rythme sinusal est le plus souvent obtenu après un traitement causal adapté. Enfin, une attention particulière doit être prêtée au cours du suivi, car le risque de récidive de la fibrillation est plus élevé dans cette population.
Références
1. Bessissow A, Khan J, Devereaux PJ, et al. Postoperative atrial fibrillation in non-cardiac and cardiac surgery: an overview. J Thromb Haemost 2015;13(Suppl 1):S304-12.
2. Ibanez B, James S, Agewall S, et al. 2017 ESC Guidelines for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation: the task force for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2018;39:119-77.
3. Frost L, Vestergaard P, Mosekilde L. Hyperthyroidism and risk of atrial fibrillation or flutter: a population-based study. Arch Intern Med 2004;164:1675-8.
4. Van der Hooft CS, Heeringa J, Van Herpen G. Drug-induced atrial fibrillation. J Am Coll Cardiol 2004;44:2117-24.
5. Cerasuolo JO, Cipriano LE, Sposato LA. The complexity of atrial fibrillation newly diagnosed after ischemic stroke and transient ischemic attack: advances and uncertainties. Curr Opin Neurol 2017;30:28-37.

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