Prevotella : pourquoi n’est-elle pas responsable du Covid-19 ?
Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien
Prevotella : pourquoi n’est-elle pas responsable du Covid-19 ?
Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien
De fausses informations ont récemment circulé via les réseaux sociaux affirmant que la bactérie Prevotella serait responsable du Covid-19, ce qui expliquerait pourquoi la prescription d’azithromycine permettrait de guérir de la maladie !
Selon les théories qui ont circulé sur le web : « Le virus ne tuerait pas directement, mais par l’intermédiaire d’une bactérie intestinale qu’il infecterait, la Prevotella... Et c’est cette bactérie infectée qui, devenant virulente, déclencherait l’hyper-réaction immunitaire qui délabre les poumons et tue le malade ! »Prevotella étant présente en quantité plus importante dans le microbiote des sujets obèses ou diabétiques, ces patients seraient plus susceptibles de faire des formes graves !
Dans une note parue sur le site de la Société française de microbiologie, le Pr Karine Clément a tenu à démentir les rumeurs en rappelant quelques données scientifiques :
– Prevotella n’est pas une espèce de bactérie, mais un genre bactérien de la famille des bacteroïdetes composé d’un grand nombre d’espèces différentes et d’une grande diversité génétique (au moins 40 espèces différentes !). On la trouve naturellement dans la bouche et les intestins.
– Ce genre bactérien est impliqué dans l’utilisation des fibres, permettant la synthèse des acides gras à chaîne courte dont le propionate, qui a plutôt un effet métabolique bénéfique.
– Les modes alimentaires influencent fortement le genre Prevotella, avec notamment son enrichissement dans les populations consommant une grande quantité de fibres (certains pays africains) et plutôt un appauvrissement dans les pays très industrialisés (ou le genre Bacteroïdes prédomine).
– Dans l’obésité mais aussi les maladies hépatiques, les études du microbiote ont montré des résultats discordants ; le genre Prevotella peut être soit augmenté soit diminué en fonction des études et des populations. Une abondance élevée de Prevotella avant une étude d’intervention diététique semble d’ailleurs plutôt favorable à l’amaigrissement ; une espèce particulière Prevotella copri serait associée au diabète de type 2 (inconstante suivant les études) avec un effet bénéfique sur l’homéostasie glucidique.
– Le genre Prevotella a aussi été associée à des maladies inflammatoires (dont les maladies articulaires) et trouvé très augmenté chez des patients séropositifs pour le VIH. Ce sont ces associations qui sont mises en avant dans cette hypothèse avec peu de fondement scientifique et sans tenir compte des données des résultats des autres domaines scientifiques.
Prevotella n’est donc pas une bactérie mais un genre composé de plusieurs espèces. La présence d’une bactérie commensale dans un prélèvement réalisé chez un patient infecté par le SARS-CoV-2 ne signifie pas forcément qu’elle soit à l’origine de la pathologie. Un germe commensal peut devenir opportuniste et donc pathogène en situation de stress infectieux avec une défaillance immunitaire. Ce genre – et même l’espèce Prevotella copri – peut montrer des effets délétères aussi bien que bénéfiques, dépendant des écosystèmes et des situations.
Alexandra Karsenty
Clément K, Le Roy T, Note : Prevotella et microbiote intestinal : prudence ! 22 avril 2020.