Mireille, 65 ans, est très anxieuse ; elle ne tient pas en place, se lève de sa chaise, puis se rassoit. Au cours de la consultation, elle explique être sans domicile fixe depuis cinq ans, et souhaite recevoir un traitement anxiolytique pour mieux affronter ses conditions de vie. Elle révèle avoir été initiée à la prise de cocaïne, puis au crack, auquel elle est actuellement très dépendante ; elle explique ne pas pouvoir s’en passer et être très irascible dès lors qu’elle est en manque. L’examen clinique montre de multiples excoriations sur tout le corps, lésions en rapport avec un prurit incessant (figure).

Le crack est une drogue dérivée de la cocaïne que l’on nomme parfois cocaïne de base, ou freebase :1 il provient de la transformation de la pâte de coca ou de la poudre de cocaïne associée à du bicarbonate ou de l’ammoniaque, et de l’eau. Après avoir chauffé ce mélange, et donc fait évaporer l’eau qu’il contient, on obtient un composé huileux ayant un aspect de cristal jaune dès lors qu’il est refroidi. Le crack agit sur la dopamine par le biais de la voie mésolimbique. Son effet est plus rapide et plus important que celui de la cocaïne. Le toxicomane utilise une pipe (confectionnée à partir de canettes de bière, ou de dosettes de pastis, par exemple) dans laquelle il dispose ces cristaux, qu’il peut mélanger à du tabac ou de la marijuana. 

Sur le plan épidémiologique, en 2019, l’Inserm recensait près de 42 800 consommateurs réguliers de crack – nombre qui était bien plus faible en 2011 (15 400). Une augmentation de plus de 52 % a été constatée entre 2010 et 2017.1,2

Différentes manifestations cliniques sont observées après la prise de crack.3,4 Le retentissement psychique est prépondérant lors de la consommation : période d’euphorie suivie rapidement par des manifestations d’anxiété, de panique, de dépression, de paranoïa, de délire. Il est aussi possible d’observer un prurit secondaire à des hallucinations (sensation de fourmis qui cheminent au niveau de la peau). Une consommation de crack au long cours peut avoir des conséquences à différents niveaux : cardiaque (HTA, arythmie), digestif (dyspepsie, modification de l’appétit, colopathie), pulmonaire (insuffisance respiratoire, embolie pulmonaire), neurologique (comitialité, accident vasculaire cérébral), dermatologique (hyperkératose des mains, brûlure des sourcils, nécrose nasale ou de la lèvre supérieure), ORL (rhinite chronique, sinusite ostéolytique). Enfin, le surdosage peut être à l’origine du décès du patient.

La prise en charge est complexe, et ce d’autant plus que le crack est une drogue au potentiel addictif très important (état de manque démultiplié par rapport à la cocaïne).2,3 Dans de nombreux cas, ces toxicomanes bénéficient d’un traitement de substitution aux opiacés (TSO) ou associent le crack à d’autres drogues (héroïne notamment). La consommation de crack est également observée chez des personnes en situation de précarité (cas des migrants, par exemple, qui, outre un parcours de vie souvent traumatique, peuvent être difficilement pris en charge du fait de la barrière linguistique et culturelle). Actuellement, aucune thérapeutique n’est commercialisée pour effectuer le sevrage du crack. Il s’agit avant tout de créer un lien avec ces patients pour pouvoir les accompagner médicalement et socialement en équipe pluridis­ciplinaire. Il existe des lieux de consommation à moindre risque comme les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (CAARUD) vers lesquels les orienter. Dans certains cas, le recours à une thérapie cognitive et comportementale peut permettre un sevrage ou la prévention d’une éventuelle rechute. 

Références
1. Académie nationale de médecine. Le défi de l’addiction au crack. Avis du 7 novembre 2022.
2. Janssen E, Cadet-Tairou A, Gerome C, et al. Estimating the size of crack cocaine users in France : Methods for an elusive population with high heterogeneity. Int J Drug Policy 2020;76:102637.
3. Karila L. Les addictions. Ed. Le Cavalier bleu 2008.
4. Bertolini M. Dépistage, par l’observation clinique, des signes et symptômes d’une addiction à l’usage du somaticien. Rev Med Suisse 2011;7:1789-93.

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