Paul, 87 ans, consulte pour une « boule » apparue au bord de l’oreille droite depuis quelques semaines. L’examen clinique retrouve une tuméfaction ovoïde de l’hélix, rénitente et indurée, d’aspect inflammatoire, de 1,5 cm de diamètre, non ulcérée, hémorragique au contact (figure).

Une biopsie est réalisée concluant à un carcinome épidermoïde cutané dit aussi spinocellulaire. Il n’est pas retrouvé d’adénopathies satellites.

Une exérèse chirurgicale est effectuée avec reconstruction du pavillon de l’oreille dans un second temps.

discussion

Les carcinomes épidermoïdes cutanés (CEC) ou spinocellulaires sont des tumeurs épithéliales malignes primitives qui expriment une différenciation malpighienne et sont distinctes des carcinomes basocellulaires. L’incidence annuelle en France est estimée à 30/100 000 dans la population générale. L’âge moyen de découverte est de 76 ans. La prévalence augmente du fait du vieillissement de la population et des habitudes d’exposition solaire (notamment en cabines à UV). Ils représentent 20 % des cancers cutanés. À la différence des basocellulaires, ils ont un potentiel évolutif locorégional et à distance pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
Le phénotype est un important facteur de risque : les sujets à peau et yeux clairs, à cheveux roux ou blonds et ayant une incapacité à bronzer sont les plus à risque. Principal facteur extrinsèque : l’exposition solaire cumulée. Certaines professions sont ainsi plus exposées (agriculteurs, marins, ouvriers du bâtiment…). À noter : ce cancer est aussi favorisé par l’exposition aux radiations ionisantes, l’immunodépression (VIH, greffe), les infections à HPV…
Dans ce contexte, l’examen de toutes les zones photo- exposées (extrémité céphalique, dos des mains, avant-bras) doit être minutieux, à la recherche d’autres lésions à évolution potentiellement maligne. On palpe aussi les aires ganglionnaires (adénopathies dans le territoire de drainage).
Les CEC proviennent le plus souvent de l’évolution péjorative de lésions de kératose actinique (rosées ou brunes, palpables, rugueuses, sur peau insolée) ou d’une maladie de Bowen (carcinome in situ qui peut être cutané ou muqueux). Ce dernier a l’aspect d’une macule rosée bien limitée, plus ou moins squameuse, voire kératosique, dont la chronicité conduit à biopsier. Au stade invasif, le CEC est typiquement une plaque infiltrée ou un nodule chronique pouvant évoluer vers une authentique tumeur bourgeonnante. Il peut aussi prendre l’aspect d’une corne cutanée. Forme particulière, le kérato-acanthome est un nodule en dôme d’évolution rapide dont le centre se creuse progressivement d’un cratère rempli de kératine avant une phase de régression spontanée complète laissant place à une cicatrice.
La majorité des CEC sont de bon pronostic. Mais il est crucial d’identifier ceux à haut risque d’évolutivité : récidive, adhérence de la tumeur au plan profond, envahissement local, notamment nerveux, topographie (nez, lèvres, oreilles, paupières, cuir chevelu sont à risque), diamètre, critères histologiques comme la dédifférenciation cellulaire ou l’extension en profondeur… Le risque métastatique est de 5 %.
La chirurgie avec contrôle histologique des berges est le traitement de référence. Elle donne un taux élevé de guérison. Le curage ganglionnaire prophylactique n’est pas recommandé. Il est réalisé en cas de lésions (adénopathies) décelées cliniquement ou par imagerie, notamment par échographie. Si le cancer survient sur un terrain de kératoses actiniques multiples, il est indispensable de traiter ce champ de cancérisation.
Par la suite, une inspection régulière des zones découvertesest recommandée. Protéger de l’exposition solaire est primordial pour éviter les éventuelles récidives (un tiers des patients) ou la transformation des autres lésions à risque.
pour en savoir plus
– Guyot A, Maubec E. Carcinome épidermoïde cutané : mise au point. Rev Prat Med Gen 2017;31:363-5.

– Colboc H, Meaume S. Kératose actinique et carcinomes épidermoïdes du sujet âgé. Une augmentation d’incidence et une gravité potentielle à ne pas négliger. Rev Prat 2017;67:1084-8.

– INCa-HAS. Carcinome épidermoïde cutané : prise en charge diagnostique et thérapeutique. https://bit.ly/2t2og9h

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