Face à l’augmentation du nombre de patients atteints de cancer et au développement des thérapies orales, la prise en charge ambulatoire des patients nécessite une implication de plus en plus importante du médecin généraliste. Nous proposons ici quelques points de réflexion concernant la mise en place des soins de support de proximité en médecine générale.

Repérer et prendre en charge des effets indésirables des traitements

Les traitements anticancéreux engendrent de nombreux effets indésirables qui amènent les patients à consulter leur médecin généraliste.1, 2 Il existe des ressources telles que les fiches synthétiques (l’Institut national du cancer [INCa],3 l’Association francophone des soins oncologiques de support [AFSOS],4 les sites des réseaux régionaux de cancérologie5 et de l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique [OMéDIT]) permettant de connaître la prise en charge adaptée face à ces effets.

Prévenir et suivre les comorbidités

Le médecin généraliste a une place de choix pour s’assurer de la prise en charge globale, centrée sur le patient6 tant sur la prévention primaire (calendrier vaccinal adapté)7 que secondaire avec le dépistage d’un second cancer.8 Le suivi des comorbidités et de leur impact sur la qualité de vie reste essentiel.9

Travailler en réseau

Les réseaux régionaux de cancérologie10 permettent la coordination des opérateurs de santé à l’échelle régionale et l’amélioration continue des pratiques. Ils mettent à disposition des outils tels que les annuaires régionaux, le dossier communicant de cancérologie (DCC), les fiches d’effets indésirables, les guides d’aide à la pratique,11 les référentiels de prise en charge, ou des formations ciblées. Les réseaux territoriaux permettent d’assurer aux patients des soins coordonnés de proximité en lien avec le médecin traitant et adaptés à leurs besoins comme la prise en charge de la douleur, la gestion des événements intercurrents ou l’aide à la formulation de directives anticipées, par exemple.

Assurer un soutien psychologique

La souffrance est une douleur psychologique, physique, sociale et spirituelle. Elle se retrouve particulièrement en fin de vie et rappelle l’importance de la prise en charge globale chez les patients atteints de cancer.12 Le bien-être psychologique est un des garants de leur qualité de vie quel que soit le pronostic.9, 12 Le médecin généraliste peut s’appuyer sur des professionnels de proximité, dans son « bassin de santé »,13 afin d’orienter les patients vers les acteurs les plus pertinents (centres médico- psychologiques, psychiatres, psychologues, réseaux territoriaux, sexologues ou encore sophrologues).

Faciliter un environnement et des aides adaptés

La diminution des interactions sociales, une éventuelle perte de revenus ou d’autonomie font souvent partie de l’histoire des patients atteints de cancer. La mise en place d’aides humaines et financières peut être nécessaire. Le médecin généraliste et l’équipe médico-sociale permettent d’initier les demandes auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), l’allocation adulte handicapé (AAH), l’allocation personne âgée (APA), une invalidité auprès de la Sécurité sociale ou la reconnaissance du cancer en maladie professionnelle indemnisable14 notamment. L’ergothérapeute peut aménager le domicile ou e lieu de travail, en lien avec le médecin du travail. Les associations de patients15 peuvent également compléter ces aides pour le maintien de l’autonomie et les activités du quotidien.

Penser aux aidants

L’identification des aidants personnels et professionnels est essentielle pour la prise en charge du patient. Il peut exister un épuisement ou une souffrance des aidants. Une consultation dédiée permet d’adapter et d’assurer un maintien à domicile de qualité. Les échelles de repérage16 ou les guides pratiques17 peuvent aider à mener cette consultation de façon efficace.

Veiller sur les approches complémentaires

Certaines approches sont reconnues scientifiquement comme des aides pour la prise en charge des patients atteints de cancer. Elles font l’objet de référentiels édités par l’AFSOS4 tels que l’activité physique adaptée, l’acupuncture ou la socio-esthétique. La vigilance concernant les autres approches doit se porter sur leur innocuité et leur coût. La phytothérapie, quant à elle, a montré certaines interactions médicamenteuses nécessitant la plus grande prudence.18

Repérer la fragilité des personnes âgées

Le repérage de la fragilité permet de définir au sein d’une population de personnes âgées, la disparité d’âge physiologique.19 La réalisation du test G820 ou le test de vitesse de marche,21 réalisables aisément au cabinet, permettent au médecin traitant de repérer les patients nécessitant une évaluation complète onco-gériatrique,22 sans perte de temps pour la prise en charge oncologique.23

Et après le cancer ?

La santé globale et l’approche centrée sur le patient6 permettent de poursuivre une prise en charge adaptée et l’application des règles de prévention primaire et secondaire. Les kinésithérapeutes, ostéopathes, psychiatres, psychologues ou sexologues sont autant de personnes ressources pouvant être sollicitées pour améliorer la qualité de vie du patient et son bien-être. Les approches complémentaires peuvent être poursuivies ou mises en place si elles deviennent nécessaires.

Permettre la fin de vie à domicile

Le recueil des directives anticipées24 et l’identification de la personne de confiance permettent au médecin généraliste d’organiser la fin de vie à domicile. Les réseaux territoriaux (aide à la coordination, expertise) et/ou l’hospitalisation à domicile (soins complexes, techniques, longs ou pluriquotidiens) peuvent être nécessaires pour les situations complexes dont le recours à une sédation contrôlée.25
L’implication du médecin traitant concerne toutes les phases de la prise en charge du cancer.26 La mise en place d’une consultation « d’information et de stratégie thérapeutique » depuis le 1er novembre 2017, reconnue par l’assurance maladie, permettra aux médecins généralistes d’organiser les soins de support de proximité afin d’améliorer la prise en charge des patients atteints de cancer au plus près de leur lieu de vie. V
Références
1. Meiklejohn JA, Mimery A, Martin JH, et al. The role of the GP in follow-up cancer care: a systematic literature review. J Cancer Surviv 2016;10:990-1011.
2. Roorda C, de Bock GH, van der Veen WJ, Lindeman A, Jansen L, van der Meer K. Role of the general practitioner during the active breast cancer treatment phase: an analysis of health care use. Support Care Cancer 2012;20:705‑14.
3. Institut national du cancer. Anticancéreux par voie orale. Recommandations et outils d’aide à la pratique, INCa. www.e-cancer.fr/Recommandations-et-outils-d-aide-a-la-pratique/Anticancereux-par-voie-orale ou https://bit.ly/2Qo8Ohz
4. Association francophone des soins oncologiques de support. Découvrir tous les référentiels. www.afsos.org ou https://bit.ly/2CLw2KS
5. Rouge-Bugat ME, Lassoued D, Bacrie J, et al. Guideline sheets on the side effects of anticancer drugs are useful for general practitioners. Support Care Cancer 2015;23:3473‑80.
6. Epstein RM, Duberstein PR, Fenton JJ, et al. Effect of a patient-centered communication intervention on oncologist-patient communication, quality of life, and health care utilization in advanced cancer: the VOICE Randomized Clinical Trial. JAMA oncol 2017;3:92-100.
7. Haut Conseil de la santé publique. Vaccinations des personnes immunodéprimées ou aspléniques. Recommandations. HCSP, juillet 2012. www.hcsp.fr ou https://bit.ly/2R6vFU2
8. Wilbur J. Surveillance of the adult cancer survivor. Am Fam Physician 2015;91:29‑36.
9. Vissers PAJ, Thong MSY, Pouwer F, Zanders MMJ, Coebergh JWW, van de Poll-Franse LV. The impact of comorbidity on Health-Related Quality of Life among cancer survivors: analyses of data from the PROFILES registry. J Cancer Surviv Res Pract 2013;7:602‑13.
10. Institut national du cancer. Coordonnées des RRC - Les réseaux régionaux de cancérologie. www.e-cancer.fr ou https://bit.ly/2LMuXFx
11. Société française de psycho-oncologie, Ligue contre le cancer, Institut national du cancer. Vivre pendant et après un cancer. Guide d’information à l’usage des personnes malades et de leurs proches, 2007. www.sfpo.fr ou https://bit.ly/2R4fLtc
12. Panikulam A. Total pain management. Indian J Palliat Care 2011;17:S68‑9.
13. Centre de recherche, d’études et de documentation en économie de la santé. Territoires et accès aux soins. Credes, janvier 2003. Disponible sur : http://solidarites-sante.gouv.fr ou https://bit.ly/2SBJiab
14. Rougé-Bugat ME, Hérin F, Julien S, et al. Compensable occupational disease and cancer: how to improve the recognition rate? « Cursus Laboris » Project in Midi-Pyrenees: feasibility study. Bull Cancer 2012;99:927‑34.
15. Ligue contre le cancer. Association de lutte contre le cancer. www.ligue-cancer.net
16. Zarit SH, Reever KE, Bach-Peterson J. Relatives of the impaired elderly: correlates of feelings of burden. Gerontologist 1980;20:649‑55.
17. Ministère des Solidarités et de la Santé. Les aidants et les proches, 2015. http://solidarites-sante.gouv.fr ou https://bit.ly/2R6jFBW
18. Fondation contre le cancer (Belgique). Compléments alimentaires et cancer : Amis ET ennemis ! www.cancer.be ou https://bit.ly/2SyV3hR
19. Bergman H, Ferrucci L, Guralnik J, et al. Frailty: an emerging research and clinical paradigm--issues and controversies. J Gerontol Biol Sci Med Sci 2007;62:731‑7.
20. Petit-Monéger A, Rainfray M, Soubeyran P, Bellera CA, Mathoulin-Pélissier S. Detection of frailty in elderly cancer patients: Improvement of the G8 screening test. J Geriatr Oncol 2016;7:99-107.
21. Subra J, Rougé-Bugat ME, Balardy L, et al. Letter to the editor: Gait Speed: A new «vital sign» for older persons in primary care. J Frailty Aging 2012;1:90‑1.
22. Haute Autorité de santé. Points-clés et solutions, organisation des parcours. Comment repérer la fragilité en soins ambulatoires ? HAS, 2013. www.has-sante.fr ou https://bit.ly/2F3XViO
23. Chicoulaa B, Balardy L, Stillmunkes A, Mourey L, Oustric S, Rouge Bugat ME. French general practitioners’sense of isolation in the management of elderly cancer patients. Fam Pract 2016;33:551‑6.
24. Haute Autorité de santé. Directives anticipées : document à destination des professionnels de santé et du secteur médico-social et social. HAS, 2016. www.has-sante.fr ou https://bit.ly/2Qmowte
25. Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. www.legifrance.gouv.fr ou https://bit.ly/2cofdbk
26. Institut national du cancer. Le Plan cancer 2009-2013. www.e-cancer.fr ou https://bit.ly/2GRVWAD