L’histoire du service de santé des armées résulte d’adaptations incessantes aux besoins des armées elles-mêmes imposées par les événements de l’histoire du pays.
Le service de santé des armées (SSA) est une institution dont la mission est le soutien médico-chirurgical des forces armées françaises en métropole et en opérations extérieures (Opex). Son histoire s’étend sur plus de trois siècles qui ont vu la constitution d’une structure résiliente se divisant en cinq composantes :1
– la médecine des forces qui est le pivot du soutien des combattants ;
– la médecine hospitalière qui garantit une chaîne de soins complète et autonome tout en participant à la mission de service public ;
– le ravitaillement sanitaire qui assure la conception, la production et l’approvisionnement des produits indispensables à la délivrance des soins ;
– la recherche, qui permet de répondre aux besoins spécifiques des armées ;
– la formation, qui assure le renouvellement, l’adaptation et donc la pérennité de ce système.
Toutefois, la mise en place d’une telle ossature nécessita le travail et le dévouement de nombreux médecins, chirurgiens, pharmaciens, infirmiers et autres personnels du service de santé. La maturation de la médecine militaire s’est faite au gré de périodes de rayonnement, mais aussi de périodes difficiles nécessitant une évolution permanente du service.
Naissance de la médecine des armées française
L’édit royal du 17 janvier 1708 porta la création des médecins et chirurgiens des armées.2 Cet édit signé par Louis XIV est considéré comme l’acte de naissance de la médecine militaire française. Il assure l’entretien permanent de cadres (médecins et chirurgiens) responsables de la gestion d’un service de santé. Avant cette décision, deux précurseurs avaient déjà mis en avant le soutien sanitaire aux forces armées.
Un siècle plus tôt, en 1597, au siège d’Amiens, le duc de Sully, ministre d’Henri IV, s’était attaché au perfectionnement de l’intendance et des services de l’armée royale.3 Il mit en place des hôpitaux sédentaires, situés dans les places fortes, et des hôpitaux ambulatoires dont le rôle était de suivre le mouvement des armées. Il participa également à la création de la Maison royale de la Charité chrétienne du faubourg Saint-Marceau à Paris ; 70 ans avant l’hôtel des Invalides, cette maison fut la première institution de retraite destinée aux vétérans.4 Malheureusement, ces avancées ne furent pas confirmées sous la régence de Marie de Médicis intervenue en 1610. La Maison royale de la Charité fut dissoute moins de dix ans après sa création.
L’arrivée au pouvoir de Richelieu donnera un nouvel élan à la prise en charge sanitaire des armées. Celui-ci imposa, pendant la campagne d’Italie de 1624, la présence d’hôpitaux ambulatoires comprenant médecins, chirurgiens et pharmaciens. Les conflits des XVIIe-XVIIIe siècles réaffirmèrent la nécessaire présence d’hôpitaux provisoires en marge des combats. Cependant, ces hospices situés dans les villes voisines ne permettaient pas une prise en charge immédiate des blessés, et il n’existait pas encore de système de ramassage perfectionné.
L’édit de 1708 est donc la concrétisation de plus d’un siècle de démarches pour la création d’un service médical permanent. Par la suite, plusieurs ordonnances, dont celle du 20 juillet 1788 organisèrent le service en hôpitaux ambulants, sédentaires et intérieurs prenant successivement en charge les blessés (
La Révolution et le Premier Empire : une chirurgie toujours plus proche des combats
La Révolution provoqua de profonds bouleversements au sein du service de santé des armées. L’enrôlement massif de soldats pour faire face à la Première coalition amena au recrutement hâtif de médecins et chirurgiens dont le niveau de compétence était variable.5 D’une part, parce que l’étude de la médecine en France, bien que réglementée par l’édit de Marly de 1707, manquait d’uniformité et de contrôle. D’autre part, parce que, du fait de la nécessité de recruter en urgence plusieurs milliers de chirurgiens, les praticiens candidats au service dans les armées ne devaient justifier que d’un an d’études médicales. Ces jeunes chirurgiens allaient être confrontés à une difficulté majeure de l’époque, celle de la prise en charge des blessés au sein même du champ de bataille, puisque les ambulances de l’époque ne permettaient d’apporter les premiers soins qu’après la fin des affrontements.
Dominique Larrey (1766-1842), alors chirurgien aide-major à l’armée du Rhin, reconnut rapidement cette carence de formation au sein du personnel chirurgical (
Pierre-François Percy (1754-1825), futur chirurgien en chef de la Grande Armée, participa aussi à l’amélioration de la mobilité des chirurgiens. Il mit au point une voiture, le « würst », capable de transporter sur le terrain huit chirurgiens, leurs infirmiers et le matériel opératoire. Il fut aussi à l’origine de la création des premières compagnies d’infirmiers, appelés en 1813 les « despotats » de l’Empire. Chirurgien expérimenté avant tout, il fut le premier à réaliser une résection de la tête humérale et conçut le « tribulcon » ou tire-balle de Percy.
Sur le plan médical, les longues guerres révolutionnaires puis napoléoniennes confrontèrent les armées françaises à de nombreuses épidémies. C’est dans ces conditions que s’illustra René Nicolas Desgenettes (1762-1837). Pour lutter contre le typhus et la peste, il fut un grand défenseur des mesures d’hygiène et de prophylaxie afin de limiter l’apparition des pathologies infectieuses.
Ces trois barons de l’Empire, dont le nom est gravé sur l’arc de Triomphe, illustrent le mieux l’engagement des médecins et chirurgiens des armées de cette époque.
Du Second Empire à la IIIe République
La longue conquête de l’autonomie
La transition entre la Seconde République et le Second Empire fut une période difficile pour le service de santé des armées. Depuis 1850 et la fermeture des hôpitaux militaires d’instructions de Lille, Metz, Strasbourg et Toulon, les médecins étaient recrutés parmi les civils diplômés à la sortie des études, puis envoyés en formation militaire pendant un an à l’école d’application du Val-de-Grâce.7
Le désastre sanitaire de la guerre de Crimée (1853-1856) et de la bataille de Solférino (1859) soulignèrent à la fois un cruel manque d’effectif ainsi que le besoin d’améliorer la qualité de ce modèle de formation. La réforme du service de santé porta notamment sur la création d’écoles et l’acquisition de l’autonomie vis-à-vis de l’intendance. L’École impériale du service de santé militaire de Strasbourg fut créée en 1856 pour l’armée de terre, mais elle fut précocement fermée à la suite de la guerre franco-prussienne. En 1888, l’École du service de santé militaire de Lyon ouvrit ses portes. À cette date, la Marine disposait encore des trois écoles de médecine navale des ports de Rochefort, Brest et Toulon. Elles perdront leur rôle de formation initiale au profit de la nouvelle école principale du service de santé de la marine qui s’ouvrira à Bordeaux en 1890 et que l’on appellera vite « Santé navale ».
Jusque-là intégré à l’intendance, le service de santé des armées acquit son autonomie en 1889. Cette décision qui intervint après plus d’une décennie de débats houleux allait enfin permettre au personnel médical d’avoir autorité sur ses propres ressources.
Dans l’Empire colonial
Cette période est aussi celle de la médecine pionnière du Second Empire colonial français qui sort du cadre de cet article. Initialement dévolue aux médecins de la marine exerçant dans les ports des colonies, il devint vite évident que la médecine d’outre-mer nécessitait une indépendance de formation et d’organisation.8 Pour cela est créé en 1890 le « corps de santé des colonies et pays de protectorat » par scission avec le corps de santé de la Marine. En 1905 est fondée l’école d’application du service de santé des troupes coloniales ou « École du Pharo » à Marseille.
Le choc de la Grande Guerre
Comme chaque grand conflit, la Première Guerre mondiale ébranla les doctrines sanitaires préétablies. Les guerres russo-japonaises et des Balkans avaient amené à l’élaboration du « règlement sur le service de santé en campagne » de 1910.9 Celui-ci érigeait en principe l’évacuation rapide de tous les blessés transportables vers les hôpitaux de l’intérieur. Seuls les blessés gravement atteints devaient être gérés sur place. Ce schéma d’action incitait à privilégier l’équipement des structures de soins de l’arrière au détriment de la médecine de l’avant.
Il dérivait toutefois d’un axiome incorrect. Les blessures générées par les armes à feu modernes étaient communément considérées comme « propres » et ne devaient pas nécessiter d’interventions chirurgicales lourdes. Malheureusement, l’utilisation massive de l’artillerie allait modifier le profil des lésions rencontrées. Les trois quarts des blessures de la Grande Guerre furent secondaires à des éclats.10 Les délabrements engendrés par les blasts et les lésions multiples secondaires aux shrapnels provoquaient des entailles à orifice large et à haut risque de surinfection.
L’afflux des blessés dès les premiers mois de la guerre conduisit à un désastre sanitaire et satura rapidement les moyens de santé. Cela amena le service de santé des armées à repenser sa stratégie :10 celle-ci passa en premier lieu par une restructuration de la chaîne d’évacuation. Des postes de secours avancés furent établis dès que la guerre devint statique. Ces postes installés juste derrière la ligne de front étaient le premier arrêt pour les brancardiers transportant les blessés. Après avoir reçu les premiers soins (bandage, contrôle des hémorragies) et reçu une fiche médicale de l’avant, les hommes étaient transférés par voie motorisée vers les ambulances (divisionnaires ou de corps d’armée) situées hors de portée de l’artillerie. Là, les plaies étaient débridées et les fractures stabilisées. Enfin, les blessés ne pouvant récupérer rapidement étaient orientés vers des hôpitaux d’évacuation (nommés hôpitaux d’origine d’étapes [HOE]) situés à proximité des voies ferroviaires (
La sévérité du conflit favorisa l’émergence de nouvelles thérapeutiques. L’emploi de l’eau de Dakin pour désinfecter les plaies, promu par Alexis Carrel, fut implémenté par le service de santé des armées dès 1916. Il permit de limiter la gangrène gazeuse à une époque où la seule alternative était l’amputation.* Les premières techniques de chirurgie réparatrice au profit des « gueules cassées » se développèrent (
Le service de santé des armées sut s’adapter aux nouvelles conditions de l’exercice guerrier et sortit grandi du conflit. Son efficacité sur le terrain fut fortement saluée par les armées alliées.
La Seconde Guerre mondiale, une restructuration influencée par le modèle américain
La défaite des armées françaises en 1940 prit le service de santé des armées de court. Le manque de mobilité des structures sanitaires les rendit inadaptées à la guerre éclair menée par l’Allemagne, et elles tombèrent rapidement aux mains de l’adversaire. C’est au sein des forces françaises libres que le service sanitaire put se reconstituer. La nouvelle armée française intégrée au dispositif allié dut cependant respecter le modèle militaire américain. La doctrine des États-Unis accordait une place importante au soutien du combattant. Le « tooth-to-tail » (ratio non-combattant/combattant) de l’armée américaine était de 1,6 pour 1 sur le théâtre d’opérations européen.12 Ainsi, en 1945, la 1re Armée française Rhin et Danube commandée par le maréchal de Lattre de Tassigny disposait pour chaque division combattante d’un bataillon médical capable de réaliser le triage médico-chirurgical et le traitement initial des blessés. L’ensemble de l’armée était soutenu par plusieurs formations chirurgicales mobiles, neuf hôpitaux d’évacuation et trois hôpitaux de campagne qui assuraient la continuité de la prise en charge.13
En métropole, malgré l’occupation, le service de santé parvint à continuer son développement. L’essor de l’aviation nécessitait des centres d’expertises avec des personnels formés à la médecine aéronautique. Le service de santé de l’air (initialement commun aux milieux civils et militaires) fut créé en 1940 sous la direction du médecin général Goett (1886-1979).14
L’évacuation sanitaire aérienne, tentée de manière infructueuse pendant la Première Guerre mondiale, prit son envol durant la Seconde. Déjà durant l’entre-deux-guerres, le Dr Chassaing (1876-1968) et le médecin principal Robert Picqué (1877-1927) avaient chacun promu l’emploi de l’aviation pour le rapatriement des blessés notamment lors de la colonisation du Maroc.15 Durant la guerre du Pacifique, l’armée américaine utilisa l’aviation pour transporter les blessés depuis le champ de bataille ou les hôpitaux de l’avant vers les structures de l’intérieur. Ce concept séduisit le médecin colonel Raoul Chavialle (1897-1991), alors directeur du service de santé de la 4e division marocaine de montagne, qui milita pour l’importer sur le front européen. Il mit en avant l’utilisation des avions sanitaires légers Piper HE-1 pour le transport des blessés durant la campagne d’Italie.
La Seconde Guerre mondiale fut une période de grande avancée sur le plan médical. Les connaissances sur la physiopathologie des états de choc furent approfondies, et on réalisa les premiers remplissages vasculaires. La transfusion sanguine prit son essor avec la création par les Britanniques et Américains des premières banques de sang. L’antibiothérapie se répandit à la suite de la découverte de la pénicilline et surtout de l’utilisation large des sulfamides durant le conflit.
Des guerres de décolonisation à la médecine moderne
Les guerres de décolonisation ont marqué une transition entre les engagements organisés de la Seconde Guerre mondiale et les conflits dissymétriques modernes (tactiques relevant de la guérilla, vastes zones géographiques à contrôler). Ces combats éprouvants coûtèrent la vie à 57 médecins durant la guerre d’Indochine et 49 durant la guerre d’Algérie.8 Chaque bataillon (environ 1 000 hommes) se voyait affecté d’un médecin, parfois d’un jeune lieutenant récemment sorti de l’école.
Les formations chirurgicales créées au cours du dernier conflit mondial furent allégées. On développa des « antennes chirurgicales mobiles » et des « antennes chirurgicales parachutables ». Celles-ci, plus mobiles, avaient pour mission la stabilisation des blessés urgents et leur conditionnement en vue d’une évacuation. Le transport du blessé vers un hôpital restait une mission difficile, en particulier en Indochine. L’évacuation aéroportée amena une solution partielle à cette situation. L’usage nouveau de l’hélicoptère permit l’extraction rapide des blessés dans les zones les plus reculées.
Le service de santé des armées continua sa perpétuelle mutation qui suivit celle de la défense, réunis en un seul ministère en 1948. Les différentes composantes de direction (terre, mer, air et troupes de marine) fusionnèrent au début des années 1960. D’autres restructurations permirent une autonomisation de plus en plus marquée du service. Ces réformes aboutirent à terme à faire du service de santé et de ses écoles un service interarmes.
Période actuelle : professionnalisation des armées et médecine de l’avant
La doctrine militaire évolua à la fin du XXe siècle avec la chute du bloc de l’Est et la fin de la Guerre froide. Les conflits modernes sont devenus régionaux et consistent en des missions de maintien de la paix ou d’interposition au profit de l’ONU ou de l’OTAN. L’armée doit désormais disposer d’unités militaires bien équipées, rapidement projetables hors métropole, bénéficiant d’un soutien médical mobile. C’est dans ce contexte qu’est décidée la fin du service national en 1997, car celui-ci ne répondait plus aux besoins de la défense nationale. Cette décision s’accompagna d’une importante baisse des effectifs du service de santé (un tiers des personnels étaient issus du contingent) ; mais cette baisse est à mettre en parallèle avec une forte réduction de sa patientèle.16
La qualité des soins dispensés aux militaires est aujourd’hui une priorité. La couverture médicale des malades et blessés se doit d’être identique à celle de la métropole. Le concept de médicalisation de l’avant est devenu la pierre angulaire de la stratégie sanitaire du service de santé des armées.17 Ce concept découle du constat suivant : 90 % des décès au combat surviennent dans les 30 minutes suivant la blessure. Les principales causes de décès sont le choc hémorragique, l’obstruction des voies aériennes et le pneumothorax compressif.18 Une prise en charge rapide est donc nécessaire. Le « damage control» est le nouveau mot d’ordre du sauvetage au combat. Celui-ci implique différents intervenants successifs : les combattants eux-mêmes sont chargés de la mise en sécurité du blessé et de la pose d’un garrot tactique ; les auxiliaires sanitaires réalisent les gestes d’urgence fondamentaux ; le binôme infirmier-médecin est responsable de l’ensemble du « combat damage control» ; et l’équipe médico-chirurgicale de proximité réalise au plus tôt les gestes chirurgicaux salvateurs.19, 20 On trouve dans cette organisation de nombreuses similitudes avec la traumatologie préhospitalière civile. Toutes deux respectent la règle de la « golden hour », qui vise à délivrer les soins d’urgence au blessé et à le transporter en moins d’une heure vers une équipe chirurgicale.
Les hôpitaux d’instruction des armées sont actuellement au nombre de huit. Parmi eux, deux sont des « trauma-centers » de niveau 1. Ils assurent l’accueil, la prise en charge médico-chirurgicale et la réadaptation des personnels rapatriés depuis les théâtres d’Opex. Ils constituent une réserve de personnels projetables en opération, comme ce fut le cas lors de l’épidémie Ebola (2013-2015). Ils peuvent participer au soutien médical de la population civile en cas de crise sanitaire, comme l’actuelle épidémie de coronavirus (Covid-19). Ils fournissent des expertises spécialisées au bénéfice de la médecine des forces en métropole ou en Opex. Enfin, ils permettent aux personnels du service de santé d’entretenir leurs compétences tout en participant à l’offre de soins nationale. Ces structures ont accueilli en leur sein de prestigieux praticiens. Parmi eux, on citera le médecin général inspecteur Jean-Étienne Touze (1949-2018), dont les travaux en pathologie infectieuse et en cardiologie ont notamment permis de cerner les effets indésirables cardiaques des antipaludéens.
Médecine navale
Précédée par des textes d’organisation antérieurs et notamment l’Ordonnance de Colbert sur la marine marchande en 1681, la Grande Ordonnance de Louis XIV pour les armées navales et les arsenaux de la Marine est le texte fondamental de l’organisation de la Marine. Il en décrit tous les aspects, notamment celui de son service de santé : chirurgien navigant, « apothicaire », hôpital à la suite des armées navales, hôpitaux des ports et écoles de médecine et chirurgie des ports. Sur ce socle se construit une histoire médicale et scientifique particulièrement riche.
Ces médecins, pharmaciens, infirmiers de marine ont lutté contre les grandes épidémies qui ravageaient les équipages et les ports, contre le scorbut, la dysenterie et se sont révélés de grands hygiénistes. Certains ont fait partie au XIXe siècle des grandes navigations de découverte enrichissant les connaissances de la géographie, de la flore, de la faune et du peuplement de notre planète. Ils en furent récompensés par des améliorations statutaires comme l’acquisition d’un statut militaire pour les médecins et pharmaciens en 1835, et aidés par la création d’un corps d’infirmiers en 1850. Ils furent les premiers responsables du service de santé au sein des colonies. Enfin, de nombreux chirurgiens issus des écoles de médecine navale, dont le baron Dominique Larrey, s’illustrèrent ensuite dans l’armée de terre.
Certains de ces médecins exercèrent sur des navires-hôpitaux, dont le rôle fut défini en 1689 par l’ordonnance du roi Louis XIV pour les armées navales. Ils assurèrent initialement le soutien de la flotte, à raison d’un navire-hôpital pour dix navires.21 Leur rôle a depuis grandement évolué selon la période et les besoins. Ils furent tantôt utilisés comme hôpitaux mobiles dans les colonies, tantôt comme des vaisseaux de transport pour blessés et malades. Ils eurent un rôle crucial au cours de la Grande Guerre pour le rapatriement des blessés de l’armée française d’Orient. Aujourd’hui plusieurs bâtiments de la marine possèdent des capacités sanitaires comparables à celles d’un hôpital. Les porte-hélicoptères amphibies disposent notamment d’une salle de triage des blessés, d’une tomodensitométrie et de deux blocs opératoires, complétés par une capacité d’hospitalisation minimale de 69 lits, dont des lits de soins intensifs (
« Sur mer et au-delà des mers… »
Riche d’une histoire de trois siècles, le service de santé des armées françaises est une institution en perpétuelle mutation qui a dû s’adapter constamment à l’évolution des armées et de ses besoins sanitaires en temps de paix et de guerre. Son organisation actuelle résulte d’une profonde réflexion et d’une remise en cause organisationnelle qui garde comme objectif la très belle devise de l’actuelle École de santé des armées : « Mari transve mare, pro patria et humanitate, hominibus semper prodesse » (Sur mer et au-delà des mers, pour la patrie et l’humanité, toujours au service des hommes). Les événements récents ont montré la nécessité d’anticiper les conflits et de se tenir prêt à soutenir la Nation dans la lutte contre un ennemi viral, domaine de compétence qui est aussi le sien.
* Amélioration des résultats de la chirurgie au cours de la guerre : en 1914, une plaie ostéo-articulaire du genou entraînait le plus souvent la mort ; en 1915, elle coûtait l’amputation ; à la fin de la guerre, la fonction était préservée au prix d’une raideur résiduelle.
1. Direction centrale du service de santé des armées. Le projet de service SSA 2020. DCSSA, 2013.
2. Wey R. Le service de santé des armées au centre du champ de bataille. Med Armees 2008;36:409‑20.
3. Wauthoz HA. Les Ambulances et les Ambulanciers à travers les siècles - Histoire des blessés militaires chez tous les peuples depuis le siège de Troie jusqu’à la convention de Genève. Collection XIX, 2016.
4. Keralio LFG, Panckoucke C, Plomteux C. Art militaire. Encyclopédie Panckoucke, 1787.
5. Meylemans R. L’Histoire et le service de santé : de la Révolution à l’Empire. La Plaine-Saint Denis : Éditions Edilivre, 2015.
6. Larrey DJ. Mémoires de chirurgie militaire, et campagnes de D. J. Larrey. J. Smith, 1812.
7. Touze JE, Ferrandis JJ. L’Édit royal du 17 janvier 1708 : évolution de l’enseignement et de la formation au sein du Service de santé des armées. Med Armees 2008;36:435‑44.
8. Héraut LA. La médecine militaire coloniale française. Une aventure médicale de trois quarts de siècle (1890-1968). Hist Sci Med 2006;40:381‑92.
9. Wey R. 1914 : de l’offensive à outrance au désastre sanitaire. Med Armees 2015;1:11‑6.
10. Fernandis JJ. la restructuration du service de santé aux armées françaises de 1915 à 1918. Med Armees 2015;44:17‑23.
11. Delaporte S. Les gueules cassées : les blessés de la face de la Grande Guerre. Paris : Agnès Vienot Éditions, 1996.
12. McGrath J. The other end of the spear: The tooth-to-tail ratio (T3R) in modern military operations. Army Command and General Staff College. Fort Leavenworth, KS: Combat Studies Institute, 2007.
13. de Lattre de Tassigny J. Histoire de la première armée française : Rhin et Danube. Paris : Plon, 1949.
14. Timbal J. Le service de santé de l’armée de l’Air pendant la Deuxième Guerre mondiale. Rev Hist Armées 2008;250:108‑19.
15. Haller JS. Battlefield medicine: a history of the military ambulance from the Napoleonic wars through World War I. Carbodlae (Ill): Southern Illinois University Press, 2011.
16. Godart P. Le service de santé des armées : histoire, enjeux et défis. Inflexions 2012;20:165‑75.
17. Travers S, Ramdani E, Dubourg O, et al. Médicalisation de l’avant en opérations extérieures. 9e Congrès de la Société française de médecine d’urgence. Session SFMU/CARUM, 2015 : enseignement des conflits récents.
18. Eastridge BJ, Mabry RL, Seguin P, et al. Death on the battlefield (2001-2011): implications for the future of combat casualty care. J Trauma Acute Care Surg 2012;73(6 Suppl 5):S431-7.
19. Aigle L, Castello R, Corcostegui S, David M. Prise en charge préhospitalière du blessé de guerre : la médicalisation de l’avant. Rev Prat 2016;66:778‑82.
20. Mérat S. Le blessé de guerre. Paris : Arnette, 2014.
21. Brisou B. Trois cents ans de médecine navale. Med Armees 2008;36:507‑16.
22. Abadie J, Bertillon Brieux J, Brouardel G, et al. Science et dévouement : le Service de santé, la Croix-Rouge, les œuvres de solidarité de guerre et d’après-guerre. Paris : A. Quillet, 1918. https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?45_85
Dans cet article
- Naissance de la médecine des armées française
- La Révolution et le Premier Empire : une chirurgie toujours plus proche des combats
- Du Second Empire à la IIIe République
- Le choc de la Grande Guerre
- La Seconde Guerre mondiale, une restructuration influencée par le modèle américain
- Des guerres de décolonisation à la médecine moderne
- Période actuelle : professionnalisation des armées et médecine de l’avant
- Médecine navale
- « Sur mer et au-delà des mers… »
Une question, un commentaire ?