Un patient de 24 ans consulte pour l’apparition brutale d’un placard inflammatoire sur la face antérieure de l’avant-bras droit, accompagnée de frissons. Nous l’avons examiné 2 semaines auparavant pour une plaie du pouce droit dont il a négligé les soins.

Constantes hémodynamiques normales, pas de fièvre ni d’adénopathie satellite.

La plaie est profonde, purulente (fig. 1). Le placard érythémateux est bien limité, douloureux, chaud, œdématié, sans nécrose (fig. 2)

discussion

L’érysipèle est une dermohypodermite aiguë bactérienne non nécrosante d’origine streptococcique.1Streptococcus pyo-genes(β-hémolytique du groupe A) est le plus souvent en cause, mais d’autres souches peuvent être impliquées.
Les facteurs de risque doivent être impérativement recherchés : lymphœdème, porte d’entrée par rupture de la barrière cutanée (intertrigo inter-orteil d’origine mycosique, ulcère de jambe, plaies chroniques…), insuffisance veineuse, obésité.
Le diagnostic est clinique : apparition brutale de frissons, fièvre, suivie quelques heures plus tard d’un placard inflammatoire parfois bulleux ou purpurique, douloureux, sans nécrose. L’atteinte prédomine le plus souvent aux membres inférieurs (plus de 85 % des cas), mais peut toucher le visage (5-10 %), les membres supérieurs (2 à 12 %) ou le tronc.
Les contours de la lésion doivent être systématiquement marqués pour en suivre l’évolution (fig. 2). Il est indispensable de rechercher une porte d’entrée locale (ici évidente). Une adénopathie inflammatoire satellite est fréquente (46 % des cas), mais l’association à une traînée de lymphangite est inconstante (26 %).
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire dans la forme typique.
Les signes de gravité évoquant une forme sévère (sepsis, nécrose, lividité, cyanose, anesthésie locale, douleurs locales très intenses) imposent le transfert vers un milieu hospitalier spécialisé.
Les diagnostics différentiels sont nombreux : fasciite nécrosante (l’infection s’étend en profondeur vers les fascias, voire vers le muscle sous-jacent, avec nécrose de l’aponévrose superficielle), phlébite, dermite de stase, dermohypodermite bactérienne aiguë non streptococcique ou à germes inhabituels. Les complications (abcès sous-cutané notamment) sont exceptionnelles.
Outre le traitement de la porte d’entrée, la prise en charge d’un érysipèle typique sans signe de gravité est ambulatoire avec surveillance quotidienne : en première intention, amoxicilline per os (Clamoxyl) à 50 mg/kg/j, soit environ 3 à 4,5 g/j pendant 10-14 jours ; en cas d’allergie aux bêtalactamines : pristinamycine 2 à 3 g/j ou lincosamide. Prévention antitétanique si nécesssaire.
Une antibiothérapie plus brève pourrait être envisagée si l’évolution locale est rapidement favorable.2
L’hospitalisation avec administration de pénicilline G IV est nécessaire en cas de doute diagnostique, décompensation de comorbidités, persistance d’une fièvre à 72 heures ou extension de la lésion malgré les antibiotiques per os.
Des antalgiques peuvent être prescrits pour soulager la douleur. En revanche, les antiseptiques et les antibiotiques locaux ne sont pas recommandés et les anti-inflammatoires sont contre-indiqués.
Les récidives sont fréquentes (> 20 %). La prévention repose sur le dépistage et le traitement de la porte d’entrée (ulcères et intertrigos notamment), une bonne hygiène cutanée, la prise en charge de la stase veineuse et lymphatique (contention, perte de poids).
références
1. Conférence de consensus. Érysipèle et fasciite nécrosante : prise en charge. Med Mal Infect 2000;30:241-5.

2. Stevens DL, Bisno AL, Chambers HF, et al. Practice guidelines for the diagnosis and management of skin and soft tissue infections: 2014 up-date by the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2014;59: e10-52.

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