Un homme d’une cinquantaine d’années, en mission en Malaisie, sollicite le service de santé au travail pour une éruption cutanée prurigineuse survenue au décours d’un déjeuner composé de sashimi de thon. Dans les minutes suivant l’ingestion, il décrit une sensation de malaise, avec nausées et picotements de la langue. Ses collègues de travail lui ont alors fait remarquer que ses yeux et son visage étaient rouges.
De retour dans sa chambre d’hôtel, il constate un érythème urticariforme du visage, du tronc et de la racine des membres (figure). Allergique aux graminées et asthmatique, il voyage toujours avec des antihistaminiques et des corticoïdes. Il décide de prendre 80 mg de prednisolone et 5 mg de lévocétirizine per os. Les symptômes disparaissent. Une discrète récidive de l’érythème en fin de soirée motive une seconde prise de lévocétirizine.

La scombroïdose est une intoxication alimentaire. Elle est due à la présence d’histamine dans la chair de poissons scombridés (thon, maquereau, bonite…) ou d’espèces apparentées (sardines, anchois…), résultant de la décarboxylation de l’histidine par l’action de bactéries à Gram négatif (Escherichia coli, Klebsiella spp.). Cette contamination bactérienne est favorisée par une mauvaise conservation (rupture de la chaîne du froid) et peut concerner du poisson frais, fumé ou en conserve.
Le diagnostic de scombroïdose est clinique, et l’anamnèse joue un rôle essentiel.
La décharge d’histamine entraîne un syndrome caractéristique, survenant généralement dans les minutes ou dans l’heure qui suit le repas : sensation de malaise avec picotements ou brûlures de la langue, céphalées, palpitations, anxiété, puis flush urticariforme du visage et du tronc. Des symptômes digestifs tels que crampes abdominales, nausées, vomissements, diarrhées et macroglossie sont fréquemment associés.1

Le dosage plasmatique de l’histamine n’est pas nécessaire.
Bien qu’il s’agisse généralement d’un syndrome bénin disparaissant rapidement (2 à 5 heures pour les manifestations cutanées ; 3 à 36 heures pour les autres symptômes), quelques cas graves sporadiques avec exacerbation d’asthme ont été décrits chez des sujets allergiques et atopiques.2 Il est donc important de rechercher de tels antécédents, pour éliminer une allergie alimentaire mais également pour surveiller d’éventuelles complications à distance.
De plus, devant un tel tableau en zone tropicale, une ciguatera doit être évoquée. Cette intoxication survient plutôt dans les heures qui suivent la consommation de poissons de lagon ou pélagiques. Le prurit est le symptôme prédominant, auquel peuvent s’associer des manifestations neurologiques et digestives.
Le traitement de la scombroïdose est symptomatique : antihistaminiques, éventuellement associés à une cortico­thérapie per os (ou intraveineuse en cas de symptômes systémiques). Il convient de bien expliquer au patient qu’il ne s’agit pas d’une allergie mais bien d’une intoxication, ne contre-­indiquant pas la consommation ultérieure de poisson.

Références

1. Harmelin Y, Hubiche T, Pharaon M, et al. Trois cas de scombroïdose. Ann Dermatol Venereol 2018;145(1):29-32.
2. Wilson BJ, Musto RJ, Ghali WA. A case of histamine fish poisoning in a young atopic woman. J Gen Intern Med 2012;27(7):878-81.

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