Marie-Alix, 68 ans, consulte pour des douleurs abdominales, des nausées et une diarrhée apparues depuis quelques heures. Sa situation sociale précaire l’a poussée à ingérer des pommes de terre mal cuites, récupérées dans un conteneur de supermarché. Certaines avaient germé (flèche verte) et apparaissaient vertes (flèche rouge).
À l’examen, l’abdomen est souple et distendu avec des douleurs en regard du cadre colique gauche. Le diagnostic est une intoxication à la solanine, au vu des manifestations cliniques évoquées.

La solanine, toxine de la famille des saponines, est présente dans diverses plantes (pommes de terre, aubergines, tomates).1,2 Elle est utilisée pour protéger les plantes de certains prédateurs (animaux, insectes ou bactéries). L’alphachaconine et l’alphasolanine sont les deux glycoalcaloïdes retrouvés sur la pomme de terre. Leur couleur verte est un signal préjugeant d’une concentration importante en solanine.
Cliniquement, après ingestion, plusieurs manifestations sont classiquement observées et découlent de l’action inhibitrice de l’acétylcholinestérase de la solanine ;1-3 elles surviennent le plus souvent dans les sept à quatorze heures suivant l’absorption. La présence de solanine donne à la pomme de terre un goût amer plus ou moins prononcé en fonction de la concentration de la toxine. Après des troubles oropharyngés peuvent apparaître des sueurs intenses, des nausées, des vomissements, des céphalées et des diarrhées – secondaires à l’action cytotoxique de la solanine sur la membrane cellulaire, modifiant l’absorption intestinale – avec parfois de la fièvre, voire un malaise, une perte de connaissance, une détresse respiratoire. Des hallucinations, une agitation et des sensations ébrieuses peuvent compléter le tableau clinique.
Les symptômes peuvent survenir à partir de la dose ingérée de 1 mg de glycoalcaloïdes/kg de masse corporelle.4 Des doses entre 3 et 6 mg/kg de poids corporel peuvent être fatales. Compte tenu de la faible concentration de cet agent glycoalcaloïde dans les pommes de terre, il faudrait que le patient en mange plusieurs kilos en un repas pour en mourir.
Le traitement est avant tout symptomatique : antispasmodiques, antiémétiques et antalgiques de palier 1.2,3
Bien peler les légumes permet d’éliminer toute trace de solanine ; la cuisson ne l’élimine pas, en général, puisqu’elle ne disparaît qu’à une température supérieure ou égale à 243 °C.1-3

Pour en savoir plus

Pasquier M, Dami F, Yersin B. Fruits et légumes : peuvent-ils être dangereux ? Rev Med Suisse 2013;1(394):1483-7.
Friedman M. Potato glycoalkaloids and metabolites: Roles in the plant in the diet. J Agric Food Chem 2006;54(23): 8655-81.
Barceloux DG. Potatoes, tomatoes, and solanine toxicity (Solanum tuberosum L, Solanum lycopersicum L.). Dis Mon 2009;55(6):391-402.
Anses. Note d’appui scientifique et technique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif aux intoxications liées à la consommation de tomates cerise en provenance du Maroc. Juillet 2014.

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