D’après : Doan S. Chalazions récidivants de l’enfant. Rev Prat 2019;69(8);881-3.
Le chalazion est un granulome de la paupière dû à l’obstruction du canal excréteur de la glande de Meibomius.
Clinique à la phase aiguë et évolution
Le chalazion apparaît de façon brutale, sous forme d’un œdème palpébral localisé ou diffus, hyperhémique, chaud et douloureux. Rapidement ou d’emblée, on observe une tuméfaction palpébrale arrondie faisant saillie au niveau de la face cutanée de la paupière, proche du bord libre (fig. 1), hyperhémique et sensible à la palpation. Il peut exister un point blanc à l’orifice de la glande meibomienne atteinte (à ne pas confondre avec un orgelet, v. ci-après). Parfois, le chalazion est plus visible sur le versant conjonctival palpébral, prenant la forme d’un nodule conjonctival hyperhémique.
La guérison peut survenir spontanément le jour même si la glande de Meibomius se débouche, ou sous traitement après quelques jours. Dans certains cas, il peut fistuliser à la peau (il en résulte une croûte cicatricielle qui tombe après quelques jours, fig. 2) ou s’enkyster (après quelques jours ou semaines il forme un nodule dur non inflammatoire bien mobile qui peut disparaître en quelques semaines/mois, ou persister, fig. 3).
Diagnostics différentiels
Deux diagnostics différentiels doivent être évoqués :
- l’orgelet, qui est un furoncle du follicule pilosébacé annexé à un cil (lésion infectieuse due au Staphylococcus aureus) ; il apparaît comme un point blanc à la base d’un cil, et non à l’orifice d’une glande de Meibomius (fig. 4) ;
- le molluscum contagiosum palpébral, qui est strictement cutané, non inflammatoire et indolore.
Chalazions récidivants : quelles causes ?
Classiquement, un trouble de la réfraction (astigmatisme, hypermétropie, astigmatisme) peut causer des chalazions récidivants. Il doit être systématiquement recherché et corrigé.
La rosacée oculaire est la cause principale des chalazions récidivants chez l’enfant. Elle se caractérise par une blépharite chronique uni- ou bilatérale (fig. 5), avec une rougeur chronique du bord libre, et souvent des croûtes à la base des cils. Les chalazions, parfois nombreux, peuvent laisser une atrophie palpébrale sous forme d’un creux ou d’une déformation du bord libre (fig. 6). Une rosacée cutanée du visage peut être associée, sous forme d’une érythrocouperose, ou d’une éruption papulopustuleuse évoluant par poussées et siégeant surtout au niveau des joues et du nez (pas de rhinophyma chez l’enfant). Sa complication, rare mais grave (car elle peut se compliquer de cicatrices cornéennes à l’origine d’une baisse d’acuité visuelle), est la kératoconjonctivite phlycténulaire : cette dernière se manifeste par des épisodes de rougeur oculaire, souvent unilatérale, durant plusieurs jours, avec larmoiement ; une photophobie fait redouter une kératite. L’évolution est chronique avec des poussées inflammatoires durant des mois voire des années, le diagnostic étant souvent tardif car cette maladie mal connue est sous-diagnostiquée.
Bon réflexe : devant tout œil rouge chronique associé à des chalazions récidivants, adresser l’enfant vers l’ophtalmologiste.
Traitement de la phase aiguë
Le traitement médical d’un chalazion inflammatoire comprend :
- des cataplasmes chauds suivis de massages pluriquotidiens pour diminuer mécaniquement le volume de chalazion et forcer son évacuation par « voie naturelle » ;
- une pommade corticoïde et antibiotique oculaire (Frakidex, Maxidrol, Sterdex, Tobradex), à appliquer matin et soir pendant 7 à 10 jours. En cas de persistance d’une tuméfaction après une semaine, les massages seuls suffisent ;
- certains préconisent une injection de corticoïdes dans le chalazion.
Une excision chirurgicale est indiquée en cas d’enkystement à distance de l’épisode initial, ou plus rarement sur un chalazion de grande taille à la phase aiguë.
Traitement de fond pour prévenir les récidives
Les soins des paupières doivent être quotidiens et prolongés plusieurs mois voire plusieurs années, afin de diminuer l’obstruction meibomienne chronique : réchauffement pendant 5 à 10 min des paupières suivi d’un massage appuyé des quatre paupières et d’une toilette du bord libre éventuellement aidée par l’utilisation de gels émollients ou de lingettes nettoyantes. Le réchauffement (température du bain) peut se faire par un gant de toilette, des compresses, un masque ou des lunettes chauffantes.
Une éventuelle amétropie doit être corrigée.
En cas d’échec des soins des paupières ou d’emblée dans les formes sévères (rosacée), une antibiothérapie est proposée, avec des protocoles très variables :
- par voie locale : on utilise volontiers l’azithromycine en collyre par cures de 3 jours (matin et soir), à raison d’une ou deux cures par mois pendant 6 mois, suivies d’un espacement ou de l’arrêt selon l’évolution. Cet antibiotique a des propriétés antibactériennes mais aussi anti-inflammatoires, avec en plus une demi-vie longue permettant une administration discontinue ; l’acide fusidique en gel est parfois aussi utilisé.
- ou par voie générale, en cas de rosacée cutanée et/ou oculaire : cyclines ou macrolides. Chez l’enfant avant 8 ans ou n’ayant pas toutes ses dents définitives : érythromycine 30 mg/kg/j au long cours ou azithromycine en schéma discontinu 3 jours, 1 ou 2 fois par mois ; après 8 ans et si toutes les dents sont définitives : doxycycline au long cours, un mois sur deux, en respectant les précautions d’usage. La durée est, en règle générale, de plusieurs mois, les cures étant ensuite espacées, voire arrêtées.
Doan C, Brémond-Gignac D, Castelain M, et al. Chapitre 22. Stratégies thérapeutiques dans les dysfonctionnements meibomiens et les blépharites. In : Surface occulaire. Société française d’ophtalmologie 2015.
Nobile C. Chalazion ou orgelet ? Rev Prat (en ligne) 25 mai 2022.