Thomas, 38 ans, consulte pour des vertiges d’apparition brutale lors d’un effort de poussée, associés à des acouphènes de l’oreille gauche.
Apyrétique, sans notion de contage viral ni de traumatisme crânien récent.
ROT vifs polycinétiques symétriques, sans déficit sensitivomoteur, ni céphalées. Pas de signe d’hypertension intracrânienne, hormis des nausées. Hypo-acousie gauche. Une augmentation du polygone de sustentation et des troubles de l’équilibre avec chute vers la droite.
Pas de syndrome vestibulaire franc (pas de nystagmus) ; pas de perforation, juste une légère hyperémie tympanique gauche
Aux urgences et après une IRM cérébrale, le diagnostic retenu est celui de fistule périlymphatique. Le patient est opéré le lendemain.

Les fistules périlymphatiques (FPL) sont une communication anormale entre les liquides de l’oreille interne, la périlymphe et les cavités de l’oreille moyenne (figure).
La périlymphe s’écoule dans l’oreille moyenne à travers une brèche, congénitale ou acquise (traumatique ou iatrogène). La fuite entraîne une déplétion liquidienne dans le compartiment périlymphatique, avec constitution d’un hydrops relatif du compartiment endocochléaire.1
À l’origine, des traumatismes  :
– externes :2 chirurgicaux (chirurgie de l’otospongiose) ; crâniens avec ou sans fracture de l’os temporal ; directs, de l’étrier ou de la membrane de la fenêtre ronde par un agent contondant après perforation de la membrane tympanique ;
– internes (barométriques) : soit un accroissement des pressions liquidiennes intracrâniennes transmises à la péri­lymphe au fond du conduit auditif interne ou par l’aqueduc cochléaire (voie explosive), lors d’un effort de soulèvement, soit une augmentation des pressions du volume aérien contenu dans l’oreille moyenne (voie implosive), produit par une manœuvre de Valsalva ou l’accroissement du volume aérien lors d’un blast avec rupture de la membrane tympanique.
Parfois, surviennent des FPL spontanées chez l’enfant ou l’adulte jeune.
Cliniquement, la FPL allie une surdité de perception et une instabilité (majorée par les mouvements de la tête), éventuellement associées à un nystagmus spontané. Dans le cas d’une FPL traumatique, l’étanchéité n’est assurée que par la possibilité d’une cicatrisation spontanée. Si bien qu’en l’absence de réparation, le déficit auditif évolue progressivement au fil des crises vers la cophose ; les épisodes vertigineux subintrants créent à terme un déséquilibre permanent.
La baisse progressive de l’audition est une indication à l’exploration chirurgicale de l’oreille moyenne afin de visualiser la brèche et de la colmater.
L’imagerie (TDM et IRM) permet de poser à meilleur escient l’indication chirurgicale en cas de suspicion clinique de FPL sans fracture des fenêtres rondes ou ovales ; l’IRM, d’écarter l’hypothèse d’un neurinome de l’acoustique (surdité unilatérale).
La démarche diagnostique ultime reste l’exploration chirurgicale. La décision d’intervenir repose sur la notion du traumatisme causal, de signes cochléaires (acouphènes, plénitude d’oreille, surdité), la survenue de vertiges lors d’éternuements, de toux ou de manœuvres augmentant la pression intracrânienne. Toutefois, une oreille normale ne contient que 70 µl de périlymphe, et il est difficile de détecter une fuite microscopique dans un champ chirurgical. Certains optent alors pour un colmatage systématique de la région des fenêtres, avec un résultat parfois favorable, mais toujours délicat à apprécier chez des patients ayant une surdité spontanément fluctuante.
Le traitement médical se résume au repos et à l’évitement de ce qui est susceptible de déclencher des variations de pression brutale de l’oreille interne ou moyenne : mouchage, effort à glotte fermée (lever de poids), etc.

Références

1. Nomura Y, Okuno T, Hara M, Young YH. « Floating » labyrinth. Pathophysiology and treatment of perilymph fistula. Acta Otolaryngol 1992;112:186-91.
2. Legent F, Bordure P. Fistules perilymphatiques post-traumatiques. Bull Acad Natl Med 1994;178 :35-45.

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