Un patient tabagique de 47 ans consulte pour l’apparition, depuis deux semaines, d’une tuméfaction dure et douloureuse de la région sous-mandibulaire droite (fig. 1), sans signe associé. Il précise que les douleurs sont majorées au décours des repas jusqu’à lui imposer une diminution de la prise alimentaire.
L’examen clinique met en évidence une masse dure, mobile, non adhérente sur le plan profond. Les aires ganglionnaires sont libres. La cavité buccale est normale, sans aspect inflammatoire ni lésion.
L’examen biologique est normal : absence de syndrome inflammatoire, hémogramme sans anomalie. La tomodensitométrie cervicale (fig. 2 et 3) montre une volumineuse formation calcifiée (20 × 15 mm). Cette masse correspond à la glande salivaire sous-mandibulaire droite totalement calcifiée, sans caractéristiques péjoratives.
Le patient est adressé à un chirurgien ORL pour extraction chirurgicale, compte tenu de la profondeur et de la taille de la calcification. Les suites postopératoires seront simples.
Devant la découverte d’une masse latérocervicale chez un fumeur de 47 ans, plusieurs diagnostics doivent être évoqués.
Il convient notamment d’éliminer un cancer des voies aérodigestives supérieures, pouvant se révéler par la découverte d’une adénopathie indolente, fixe et dure. La mobilité de la masse, la normalité de l’examen endobuccal et les résultats de la tomodensitométrie permettent d’invalider cette hypothèse. L’origine infectieuse est également peu probable (pas de notion de contage, pas de signes généraux ni de syndrome inflammatoire). Enfin, l’hémogramme normal et le caractère isolé de la lésion ne sont pas en faveur d’une hémopathie.
Il s’agit donc bien d’une lithiase sous-mandibulaire (ou sous-maxillaire) droite, pathologie la plus fréquente des glandes salivaires. Elle est observée à tout âge, avec une moyenne à 40 ans.1
Les facteurs favorisants sont la stase salivaire, les variations morphologiques, les pathologies inflammatoires et les infections dentaires.
Les signes cliniques au stade précoce de la pathologie lithiasique sont mécaniques et rythmés par les repas : hernie salivaire (avec gonflement de la loge et sensation de tension) et douleur concomitante appelée colique salivaire.2 L’examen doit comprendre une palpation bidigitale et bilatérale de la glande sous-maxillaire.3
Il faut s’assurer de l’absence de complications infectieuses locales : sialodochite (intracanalaire), périsialodochite (abcès péricanalaire) ; ou de complications infectieuses locorégionales, plus sévères, comme la submandibulite aiguë, voire la cellulite cervicale.
L’imagerie permet de confirmer le diagnostic. Les radio­graphies sans préparation ne sont plus pratiquées. L’orthopantomogramme peut contribuer à éliminer une pathologie non salivaire, notamment dentaire, mais n’est pas suffisant. L’échographie est un bon examen de débrouillage réalisable en cabinet de médecine générale, mais sa rentabilité dépend de l’opérateur et ne permet pas le diagnostic de calculs de moins de 2 mm. Bien qu’irradiante, la tomodensitométrie non injectée est la technique la plus performante. La sialendoscopie sous anesthésie locale ou générale est invasive, mais elle a l’intérêt de pouvoir être diagnostique et thérapeutique en un seul temps.
Le traitement repose sur l’extraction du calcul. En attendant cette intervention, il s’agit de prendre en charge la douleur : antalgiques de palier I ou II, associés à des anti­spasmodiques (phloroglucinol). En cas d’infection, une antibiothérapie est instaurée (amoxicilline ou macrolides1 per os et, dans les formes sévères, amoxicilline-acide clavulanique par voie intraveineuse). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et corticoïdes sont contre-indiqués dans ce contexte. En complément, on peut proposer des bains de bouche anti­septiques, des aliments stimulant la production salivaire (jus de citron) et des massages de la glande salivaire concernée. Tout geste invasif doit être réalisé à « froid » (à distance d’un épisode infectieux aigu), et le choix de la technique chirurgicale dépend du diamètre du calcul :
– en deçà de 4 mm, la sialendoscopie, peu invasive et conservatrice, est possible seule ;4
– au-delà, il faut associer une lithotripsie extra- ou intra-­corporelle ;
– si le calcul n’est pas accessible ou supérieur à 8 mm, on réalise une « taille » endobuccale.
Pour en savoir plus
1. Chossegros C, Varoquaux A, Collet C. Lithiases et sténoses salivaires. EMC Médecine buccale 2015;10:1-18.
2. Perrillat A, Qarbal J, Foletti JM, et al. Item 88. Pathologie des glandes salivaires. Rev Prat 2020;70(4):e135-142.
3. Vergez S, Vairel B, Bonnecaze GD, et al. Pathologies salivaires médicales. EMC Oto-rhino-laryngol 2014;9(1):1-15.
4. Faure F, Boem A, Taffin C, et al. Sialendoscopie diagnostique et interventionnelle. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2005;106(4):250‑2.

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