Cette femme de 82 ans consultait pour des lésions cutanées ascendantes du bras droit, progressant depuis plusieurs semaines. Elle avait un mode de vie rural et cultivait ses champs en Nouvelle-Calédonie. L’examen clinique notait une lésion distale ulcérée et bourgeonnante, indurée, non inflammatoire, de 1 cm de diamètre, associée à de multiples nodules sous-cutanés d’âges différents, suivant un trajet ascendant (figure). Certains commençaient à desquamer et à s’ulcérer. La culture, sur gélose de Sabouraud, d’un prélèvement effectué sur la lésion distale, a montré un aspect typique de Sporothrix schenckii. Un traitement par itraconazole 200 mg/j (Sporanox) a entraîné la disparition des lésions en 6 mois.

La sporotrichose (maladie de Beurmann et Gougerot) est due à un champignon dimorphique du complexe Sporothrix schenckii.1-3 Ce champignon saprophyte du sol, des végétaux et de l’eau peut aussi être trouvé sur des animaux vecteurs (chats, chiens, rongeurs). La contamination se fait par voie cutanée le plus souvent, à la suite d’un traumatisme, mais également par griffure ou morsure animale. Cette affection fungique est ubiquitaire,2-4 mais son incidence est plus élevée dans les régions tropicales et subtropicales. La forme clinique la plus fréquente est cutanéo-­lymphatique, caractérisée par un chancre initial, volontiers situé au niveau des extrémités : nodule érythémateux, indolore, d’évolution ulcérante ou végétante, apparaissant environ 15 jours après l’inoculation. Des lésions similaires peuvent ensuite apparaître sous l’aspect de gommes érythématoviolacées, ascendantes selon un trajet lymphatique régional. Des formes cutanées disséminées et des formes systémiques sont ­décrites chez les patients immunodéprimés.3 Les diagnostics différentiels de la forme cutanéo-­lymphatique sont nombreux : mycobactérioses, lèpre tuber­culoïde, tularémie, leishmaniose nodulaire, mycose endémique…3, 5, 6 La mise en culture d’un prélèvement (cutané, pus, exsudat, squame, biopsie,…) permet de poser le diagnostic.1, 3, 5
Le traitement des formes cutanées fixes et cutanéo-lymphatiques repose sur l’itraconazole, poursuivi 15 à 30 jours après la disparition des lésions, soit 3 à 6 mois au total. Les formes systémiques graves nécessitent un traitement par amphotéricine B puis un relais par itraconazole après amélioration. La thermothérapie3, 5 semble également trouver sa place dans l’arsenal thérapeutique, en cas de contre-­indication de l’itraconazole, comme chez la femme enceinte ou allaitante.

Références

1. Bourée P, Dahane N, Ensaf A, Bisaro F. La sporotrichose: une mycose en ligne. Option/Bio 2015;26:17‑8.
2. Chakrabarti A, Bonifaz A, Gutierrez-Galhardo MC, Mochizuki T, Li S. Global epidemiology of sporotrichosis. Med Mycol 2015;53:3‑14.
3. Buot G, Develoux M, Hennequin C. Sporotrichose. EMC- Mal Infect août 2017;14(3):1-10 [Article 8-604-A-10].
4. Larsabal M, Gabriel F, Pajaniapadeatchy E, et al. Sporotrichose en France. Med Mal Infect 2018;48:298‑300.
5. Ramos-e-Silva M, Vasconcelos C, Carneiro S, Cestari T. Sporotrichosis. Clin Dermatol 2007;25:181‑7.
6. Magand F, Perrot JL, Cambazard F, Raberin MH, Labeille B. Sporotrichose cutanée autochtone française. Ann Dermatol Venereol 2009;136:273‑5.

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