Sabine, 57 ans, aide-soignante depuis plus de trente ans, nous consulte en l’absence de son médecin traitant. Elle demande à être hospitalisée du fait d’une anémie récidivante (hémoglobine [Hb] à 8,1 g/100 mL ; volume globulaire moyen [VGM] à 73 µm3 ; concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine [CCMH] à 28 % ; réticulocytes à 19 000/mm3). Différentes explorations ont été réalisées par le passé mais n’ont pas permis d’en trouver la cause. La patiente est régulièrement transfusée.
L’examen met en évidence des scarifications au niveau de l’avant-bras droit (figure), attribuées à « des erreurs de jeunesse » ; la patiente refuse de découvrir son avant-bras gauche.
À l’issue de l’hospitalisation pour transfusion, Sabine consulte de nouveau à plusieurs reprises. D’abord très introvertie, elle se confie peu à peu sur son métier harassant, le manque de considération de ses collègues, et, surtout, elle explique pour la première fois avoir été victime d’inceste. En confiance, elle se laisse examiner et montre des stigmates de scarifications récentes sur son avant-bras gauche.
Le diagnostic de Lasthénie de Ferjol (anémie par déplétion volontaire) est posé.

Le syndrome de Lasthénie de Ferjol, décrit en 1967 par Jean Bernard, touche le plus souvent des patientes jeunes travaillant dans le domaine de la santé, avec parfois un vécu douloureux (conflits ou rejets familiaux ou professionnels, moqueries, violences sexuelles, etc.). L’asthénie est le symptôme le plus fréquemment observé.1,2 C’est aussi le principal motif de consultation, qui conduit à réaliser des examens biologiques mettant en évidence une anémie microcytaire hypochrome non régénérative.1-3 Les manifestations cliniques observées sont rarement proportionnelles à l’importance de l’anémie, qui peut être bien tolérée quoique majeure.
L’origine de ce comportement est à mettre en relation avec le vécu du patient.1 Il est important pour le clinicien d’évaluer son profil :
– personnalité exempte de toute pathologie psychiatrique associée, qui incite d’autant plus à rechercher une problématique personnelle associée ;
– préexistance de troubles à symptomatologie somatique ;
– personnalité borderline ou psychotique.
La prise en charge est souvent complexe, du fait d’un nomadisme médical ou d’une demande de reconnaissance de la patho­mimie par des médecins « compréhensifs ».1,2 Il est essentiel de nouer une relation de confiance, sans culpabiliser ni moraliser. En l’occurrence, l’écoute a permis à la patiente de se confier et de recevoir une prise en charge adaptée.

Références

1. Farcy L, Fillet G, Couvreur V, et al. L’anémie par spoliation sanguine volontaire : le syndrome de Lasthénie de Ferjol. Revue médicale de Liège 2005;60(9): 719-23.
2. Olry R, Haines DE. Lasthénie de Ferjol’s syndrome: a tribute paid by Jean Bernard to Jules Amédée Barbey D’Aurevilly. J Hist Neurosci 2002;11(2):181-2.
3. Bernard J, Najean Y, Alby N, et al. Les anémies hypochromes dues à des hémorragies volontairement provoquées. Syndrome de Lasthénie de Ferjol. Presse Med 1967;14:2087-90.

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