Un homme de 63 ans, fumeur, est adressé pour des plaies buccales douloureuses apparues quinze jours auparavant et associées à une surdité bilatérale de survenue brutale. À l’examen clinique, des ulcérations infracentimétriques sont situées sur le versant muqueux de la lèvre inférieure (fig. 1), le palais dur, les faces dorsales et latérales linguales (fig. 2), avec des plages en prairie fauchée (fig. 3), sans adénopathies palpables. L’anamnèse révèle une infection par la syphilis traitée dix ans auparavant et un rapport sexuel oral à risque il y a six mois. Le bilan biologique confirme le diagnostic de réinfection syphilitique en phase secondaire. Un traitement par benzathine benzylpénicilline a permis la régression complète des lésions en quinze jours. Le patient a été adressé pour exploration de la surdité, possible signe d’une neurosyphilis ; cependant, il a été perdu de vue.

La syphilis, infection bactérienne sexuellement transmissible en recrudescence,1 évolue en deux temps : une phase précoce (comprenant les phases primaire, secondaire et latente précoce) et une phase tardive (comprenant les phases tertiaire et latente tardive) ; la neuro­syphilis peut survenir de façon précoce ou tardive.2
Les manifestations orales sont les plus fréquentes des manifestations extragénitales de la syphilis et prédominent chez les hommes.3 Elles peuvent être présentes à tous les stades de la maladie, mais sont sur-représentées au stade précoce secondaire. Elles peuvent être isolées ou associées à des lésions cutanées. Isolées et de formes cliniques variées, elles entraînent un retard du diagnostic, avec un risque accru de transmission et de complications.3 Les symptômes neurologiques de syphilis peuvent, quant à eux, survenir de façon précoce ou tardive.4 La sérologie est l’outil diagnostic de choix, mais elle doit être interprétée avec prudence (faux négatif, réinfection, retard de séroconversion).4 En cas de doute, elle est renouvelée après quelques semaines. Les tests tréponémiques (TPHA) et non tréponémiques (VDRL) sont encore aujourd’hui les plus utilisés.
Le traitement de référence est la pénicilline G retard (benzathine benzylpénicilline 2,4 millions d’UI en intra­musculaire).
L’infection syphilitique n’induit pas d’immunité et ne protège donc pas le patient d’une ré­infection ultérieure.5 Enfin, la co-infection par le VIH, fréquente, doit être recherchée.6

Références

1. Spiteri G, Unemo M, Mårdh O, Amato-Gauci AJ. The resurgence of syphilis in high-income countries in the 2000s: a focus on Europe. Epidemiol Infect 2019;147:e143.
2. Forrestel AK, Kovarik CL, Katz KA. Sexually acquired syphilis. J Am Acad Dermatol 2020;82(1):1-14.
3. Lampros A, Seta V, Gerhardt P, Isnard C, Husson C, Dupin N. Oral forms of secondary syphilis : An illustration of the pitfalls set by the great imitator. J Am Acad Dermatol 2021;84(2):348-53.
4. Janier M, Unemo M, Dupin N, Tiplica GS, Potočnik M, Patel R. European guideline on the management of syphilis. J Eur Acad Dermatol Venereol 2021;35(3):574-88.
5. Matias MD, Jesus AO, Resende RG, Caldeira PC, Aguiar MC. Diagnosing acquired syphilis through oral lesions : the 12 year experience of an Oral Medicine Center. Brazilian Journal of Otorhinolaryngology 2020;86(3):358-63.
6. de Andrade BA, de Arruda JAA, Gilligan G, Piemonte E, Panico R, Molina Ávila I, et al. Acquired oral syphilis: A multicenter study of 339 patients from South America. Oral Diseases 2022;28(6):1561-72.

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