Prévention cardiovasculaire secondaire

Depuis le milieu du siècle dernier, la rencontre entre l’observation épidémiologique et la médecine fondée sur les preuves a considérablement enrichi notre connaissance des éléments favorables ou défavorables à la santé. La forte baisse en 30 ans de la morbi-mortalité cardiovasculaire en France est l’aboutissement tangible de ces progrès,1-3 de sorte que l’espérance de vie des patients ayant une maladie coronarienne stable, traitée et suivie, est très proche de celle de la population française en général.1La différenciation entre prévention primaire et prévention secondaire est artificielle. L’épidémiologie moderne montre qu’il faut plutôt raisonner en termes de niveau de risque cardiovasculaire absolu, à 10 ans avec l’échelle de risque SCORE de l’European Society of Cardiology4(v. tableau), voire tout au long de la vie5 comme l’approche britannique le propose (www.jbs3risk.com/). Ainsi un patient coronarien déjàrevascularisé, un patient diabétique asymptomatique avec une micro-albuminurie ou une rétinopathie, et un sujet non diabétique mais avec des plaques carotidiennes encore asymptomatiques sont-ils tous les trois à très haut risque cardiovasculaire,4 même si seul le premier a une manifestation athéromateuse clinique (v. tableau). Dans ce dossier, on s’intéressera donc aux patients à très haut risque cardiovasculaire (risque de décès cardiovasculaire > 10 % à 10 ans), qu’ils aient une maladie artérielle symptomatique ou non. Les stratégies de prévention décrites ici ont pour finalité d’augmenter la probabilité de survie sans événement critique.* Cette mise au point complète deux précédents articles parus dans La Revue du Praticien-Médecine générale,6, 7 quirestent tout à fait d’actualité et auxquels le lecteur pourra se référer. Dans cet article, nous nous concentrerons sur ce qui a changé depuis 2016 avec l’actualisation de plusieurs recommandations européennes4, 8-11 et française.12 Dans un souci d’homogénéité, et parce qu’elles sont beaucoup plus complètes dans le champ de la prévention cardiovasculaire, nous avons pris le parti de nous appuyer sur les recommandations européennes, en notant les quelques différences d’appréciation de la Haute Autorité de santé et qui ne concernent que la prise en charge des dyslipidémies.F. Ledru


La stratégie est conditionnée par le niveau de risque cardiovasculaire du sujet



Très haut risque
❚Une maladie cardiovasculaire documentée (antécédent de syndrome coronaire aigu, d’accident vasculaire cérébral transitoire ou constitué, d’anévrisme aortique, artériopathie des membres inférieurs, etc.) ou un antécédent de revascularisation coronaire ou artérielle…
❚ Un athérome infraclinique détecté par imagerie (angiographie ou échographie-Doppler)
❚ Un diabète (type 1 ou 2) avec au moins 1 facteur de risque (tabac, hypercholestérolémie ou HTA) ou l’atteinte d’un organe cible
❚ Une insuffisance rénale chronique sévère (clairance de la créatinine < 30 mL/min/1,73 m2)
❚ SCORE à 10 ans ≥ 10 %

Haut risque
❚ 5 % ≤ SCORE à 10 ans < 10 %
❚Au moins 1 facteur de risque très marqué : en particulier cholestérolémie totale > 8 mmol/L (> 3,10 g/L) ou PA ≥ 180/110 mmHg
❚ La plupart des patients diabétiques (sauf les sujets jeunes diabétiques de type 1 sans facteur de risque cardiovasculaire majeur)
❚ Patient ayant une insuffisance rénale chronique modérée (clairance 30-59 mL/min/1,73 m2)

Risque modéré
❚ 1 % ≤ SCORE à 10 ans < 5 %

Faible risque
❚ SCORE à 10 ans < 1 %

SCORE calculé : risque de mortalité cardiovasculaire estimé à 10 ans (v. le calculateur https://heartscore.escardio.org/2012/calc.aspx?model=europelow , adapté à la population européenne à plus « bas risque » comme le sont les populations française, belge ou suisse).
HTA : hypertension artérielle ; PA : pression artérielle. D'après ref 4.



Références



1. Bauters C, Deneve M, Tricot O, Meurice T, Lamblin N. Prognosis of patients with stable coronary artery disease (from the CORONOR study). Am J Cardiol 2014;113:1142-5.
2. Puymirat E, Simon T, Cayla G, et al. Acute myocardial infarction: changes in patient characteristics, management, and 6-month outcomes over a period of 20 years in the FAST-MI Program (French Registry of Acute ST-Elevation or Non-ST-elevation Myocardial Infarction) 1995 to 2015. Circulation 2017;136:1908-19.
3. Lecoffre C, de Peretti C, Gabet A, et al. Mortalité par accident vasculaire cérébral en France en 2013 et évolutions 2008-2013. Bull Epidemiol Hebd 2017;5:95-100.
4. Piepoli MF, Hoes AW, Agewall S, et al. 2016 European Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice: The Sixth Joint Task Force of the European Society of Cardiology and other societies on cardiovascular disease prevention in clinical practice (constituted by representatives of 10 societies and by invited experts). Developed with the special contribution of the European Association for Cardiovascular Prevention & Rehabilitation (EACPR). Eur Heart J 2016;37:2315-81.
5. Berry JD, Dyer A, Cai X, et al. Lifetime risks of cardiovascular disease. N Engl J Med 2012;366:321-9.
6. Lamar-Tanguy A, Ledru F. Prévention cardiovasculaire secondaire : le point sur le traitement médicamenteux. Rev Prat Med Gen 2014;28:725-30.
7. Ledru F, Lamar-Tanguy A, Feriel M. Prévention non médicamenteuse après un syndrome coronarien aigu. Rev Prat Med Gen 2016;30:199-205.
8. Roffi M, Patrono C, Collet JP, et al. 2015 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation task force for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent st-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2016;37:267-315.
9. Catapano AL, Graham I, De Backer G, et al. 2016 ESC/EAS guidelines for the management of dyslipidaemias. Eur Heart J 2016;37:2999-3058.
10. Aboyans V, Ricco JB, Bartelink MEL, et al. 2017 ESC guidelines on the diagnosis and treatment of peripheral arterial diseases, in collaboration with the European Society for Vascular Surgery (ESVS): document covering atherosclerotic disease of extracranial carotid and vertebral, mesenteric, renal, upper and lower extremity arteries.Endorsed by: the European Stroke Organization (ESO) the task force for the diagnosis and treatment of peripheral arterial diseases of the European Society of Cardiology (ESC) and of the European Society for Vascular Surgery (ESVS). Eur Heart J 2018;39:763-816.
11. Valgimigli M, Bueno H, Byrne RA, et al. 2017 ESC focused update on dual antiplatelet therapy in coronary artery disease developed in collaboration with EACTS: The Task Force for dual antiplatelet therapy in coronary artery disease of the European Society of Cardiology (ESC) and of the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J 2018;39:213-60.
12. Haute Autorité de santé. Principales dyslipidémies : stratégies de prise en charge. Fiche mémo, HAS 2017. www.has-sante.fr ou http://bit.ly/2IqaTqh
* La prévention cardiovasculaire secondaire cible historiquement la maladie athéromateuse, cause très prépondérante de morbi-mortalité cardiovasculaire en France, et dans le monde en général. Ce dossier reste dans ce cadre classique. Toutefois, en toute rigueur, la prévention cardiovasculaire dite secondaire intègre aussi les stratégies de réduction du risque arythmique (notamment de fibrillation atriale) et de ses conséquences (accidents emboliques), voire la réduction du risque de mort subite non ischémique de l’adulte.

Au sommaire

Stratégies de prévention cardiovasculaire secondaire

Objectifs ciblés et moyens de prévention cardiovasculaire sont synthétisés dans le tableau 1, qui rapproche ce qui relève d’une prescription médicamenteuse d’une part et de l’approche non médicamenteuse d’autre part, dans une stratégie globale de réduction des risques cardiovasculaires.1-6Certains objectifs de prévention ne…

Repères conceptuels et pratiques pour faciliter l’engagement d’un patient dans ses soins

« La santé est la capacité d’un sujet humain de vivre une vie possible pour lui. Il n’est donc pas possible de définir de l’extérieur ce que doit être la santé pour un individu singulier. Pour chacun de nous, il s’agit d’un processus, d’une adaptation, d’un engagement, dans ce qui fait sens. » Philippe Lecorps1 « Je…

Prévention cardiovasculaire secondaire : les messages clés

1 Les éléments de prévention qui ne dépen­dent pas du niveau de risque cardiovasculaire absolu sont la cessation du tabac, la pratique d’une activité physique suffisante et régulière, une alimentation équilibrée, diversifiée et quantitativement adaptée à la dépense physique, une pression artérielle ambulatoire ≤135/85 mmHg…

Les messages clés

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