Les CECOS : des missions et une expertise
L’infécondité, la stérilité constituent un problème de santé publique tant par le nombre de couples impactés que par les moyens mis en œuvre pour leur permettre de fonder une famille. Des facteurs exogènes peuvent avoir des effets négatifs sur les fonctions de reproduction de la femme ou de l’homme, la dégradation de l’environnement a peut-être aussi un rapport avec la diminution temporelle ou régionale de la production des spermatozoïdes et de leur qualité, et avec l’augmentation de la fréquence des insuffisances ovariennes précoces ou de celle des pubertés précoces chez la femme. Les facteurs exogènes peuvent être également d’ordre iatrogène. Les progrès thérapeutiques contre le cancer ont permis d’améliorer la survie de la majorité des patients, mais les traitements peuvent induire des altérations de la fertilité. Ainsi, après un cancer, la question de la fertilité demeure centrale, comme le montrent les études de suivi des patients.
Dans ce contexte, les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS)* assurent le don de gamètes et d’embryons permettant à des couples stériles de fonder une famille et la préservation de la fertilité chez les personnes dont un traitement risque de l’altérer ou si celle-ci risque d’être prématurément altérée. Les CECOS sont associés à des services de médecine de la reproduction au sein des centres hospitaliers et universitaires et sont en lien étroit avec les équipes traitant le cancer dans leur région et avec les médecins traitants. L’organisation de tels centres en réseau (Fédération française des CECOS) est assez unique au niveau national et international. Dès l’origine, les CECOS avaient élaboré des règles éthiques et des procédures d’évaluation qui ont été reprises dans les lois de bioéthique. Au-delà de la prise en charge des patients, les CECOS participent toujours à la réflexion éthique autour des questions soulevées par les évolutions technologiques ou de la société. La Fédération des CECOS a déjà entamé la réflexion sur les sujets évoqués par le Comité consultatif national d’éthique en 2016 (extension de l’assistance médicale à la procréation). Un autre intérêt de ce réseau est la recherche scientifique dans le champ de la procréation. Cette recherche a débuté très tôt dans les CECOS et a permis, dans les années 1980, de publier un certain nombre de données fondamentales sur la fertilité humaine. Cette activité de recherche s’est toujours poursuivie, comme le montrent les travaux sur la question de l’évolution temporelle des caractéristiques du sperme et les liens avec l’environnement ou sur la question du lien entre cancer, qualité des gamètes et procréation.
Les CECOS œuvrent, avec l’Agence de la biomédecine, pour améliorer le recrutement du don de gamètes. Ils œuvrent également auprès des spécialistes du cancer afin de les informer des possibilités de préservation de la fertilité avant les traitements. Le réseau des CECOS apparaît être un outil particulièrement pertinent pour que la préservation de la fertilité soit accessible à tous mais également pour assurer le suivi des questions de fertilité après les traitements.
Il est probable que les changements de la prochaine loi de bioéthique vont mettre en question le fonctionnement des CECOS. Dans un futur plus lointain, la création de gamètes à partir de cellules souches (néogamétogenèse) bouleversera probablement les modalités de procréation et permettra aux hommes et femmes stériles de fonder une famille une fois que l’innocuité et l’efficacité de telles méthodes auront été démontrées. En 1992, lors de la mise en place de la technique permettant d’avoir des grossesses avec l’injection d’un seul spermatozoïde dans l’ovocyte (technique dénommée ICSI), la fin de la procréation avec gamètes de donneur avait été annoncée. La réalité démontre que souvent les problèmes apparemment simples sont bien plus complexes que prévu.
Face aux enjeux majeurs, tant sociétaux que scientifiques, les CECOS devront, comme dans le passé, s’adapter et ainsi apporter, dans le système de santé publique, tout leur savoir-faire et leur savoir-être afin de remplir leurs missions et de maintenir la qualité du « prendre soin ».
Louis Bujan
* L’acronyme CECOS est relativement passé dans le langage courant pour désigner les centres et leurs objectifs.