Tori mandibulaires

Les tori sont des excroissances osseuses. Ces petits renflements osseux recouverts de tissu gingival sain sont considérés comme courants et totalement bénins. On les observe essentiellement sur le rebord lingual en regard des prémolaires au niveau de la mandibule (torus lingual mandibulaire), du palais (torus palatin), sur le côté de la joue au niveau des molaires supérieures et inférieures (exostoses vestibulaires). Les tori ont une croissance lente et leur taille peut varier. Les formes mandibulaires touchent principalement les hommes, en particulier les ethnies nord-américaines. Les formes palatines concernent davantage les femmes et les populations d’Asie du Sud-Est. 

Leur cause n’est pas encore pleinement connue, mais il existe plusieurs hypothèses : bruxisme, traumatologie de la face, génétique. 

Sur le plan de la symptomatologie, ces excroissances osseuses peuvent occasionner des dysphagies, une halitose, ou être à l’origine d’inflammation en cas de blessure (en mangeant, par exemple).

La prise en charge consiste en une simple surveillance de la taille et de la forme. Les tori sont en effet des lésions bénignes sans risque de dégénérescence. En cas de blessure, la conduite à tenir consiste en un nettoyage de la zone lésée avec un dentifrice à base de fluor antibactérien ou un bain de bouche, afin de réduire la charge bactérienne pendant la cicatrisation. En cas de gêne pour l’hygiène buccodentaire ou les fonctions quotidiennes de base, une ablation chirurgicale peut être proposée ; elle peut être indiquée dans le cadre de soins prothétiques (prothèse amovible ), chirurgicaux (lors de la pose d’implant par exemple) ou encore psychiques (cancérophobie) ; elle est alors pratiquée en ambulatoire au cabinet dentaire.

Pour en savoir plus 
Tamba B, Tine SD, Barry B, et al. Exo­stoses buccales : revue de la littérature. Médecine Buccale Chirurgie Buccale 2012;18(2):129 41. 
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Photosensibilisation cutanée après application d’ibuprofène en gel

Les gels anti-inflammatoires utilisés localement ont une diffusion négligeable par voie générale.

Cependant, une enquête de pharmacovigilance a permis de mettre en évidence des réactions de photosensibilité (incidence faible, comprise entre 0,01 et 0,03/1 000 patients) secondaires à l’application de kétoprofène en gel (le plus fréquemment en cause dans ce type de réaction).Ce constat a conduit les autorités sanitaires à restreindre l’utilisation de ce topique. Les effets indésirables sont cutanés dans 10 à 15 % des cas.

Cliniquement, des réactions à type d’eczéma vésiculo-bulleux (80 %), pouvant suinter et souvent associées à un prurit, sont le plus souvent observées. Ces lésions sont, dans la très grande majorité des situations, consécutives à une exposition solaire. En effet, elles sont observées l’été dans 75 % des cas. Une sécheresse du revêtement cutané est également possible.

La prise en charge repose sur l’éviction du topique mis en cause, permettant une évolution rapidement favorable. Il est possible d’y associer une application de dermocorticoïdes afin d’accélérer la disparition des lésions. En cas de prurit, des antihistaminiques peuvent être prescrits. 

Pour en savoir plus
Veyrac G, Chiffoleau A, Bourin M, et al. Photosensibilité exogène liée à la prise d’AINS sous forme topique. Lettre du Pharmacologue 2002;16(6):161-6.
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Syndrome douloureux régional complexe

Un homme de 26 ans consulte pour un traumatisme du genou gauche survenu lors d’une chute à ski. Le bilan clinique retrouve une entorse du ligament collatéral médial, et l’imagerie par résonance magnétique objective un œdème médullaire postérieur du plateau tibial médial et un œdème médullaire antérieur du plateau tibial latéral. 
Après deux mois, et malgré la rééducation, une impotence fonctionnelle se manifeste par un flessum à 15 ° du genou gauche, associé à des douleurs. La radiographie révèle des anomalies de la trame osseuse (fig. 1), évocatrices d’un syndrome douloureux régional complexe, confirmé par la scintigraphie osseuse (fig. 2). 

L’entorse bénigne du ligament collatéral médial du genou est l’atteinte la plus fréquente parmi toutes celles des ligaments du genou. Les suites en sont généralement favorables. Néanmoins, trois complications peuvent survenir :

  • le syndrome de Pellegrini-Stieda, correspondant à une ossification du ligament collatéral médial au niveau de son insertion sur le condyle. Le diagnostic est clinique et radiographique, avec la mise en évidence d’une calcifi­cation ligamentaire à la radiographie. La prise en charge est d’abord orthopédique, et chirurgicale si nécessaire ;
  • le syndrome de Palmer, consistant en une cicatrisation en position raccourcie du ligament. Cliniquement, on note une limitation de l’extension isolée, ou associée à une limitation de la flexion. Le traitement est orthopédique, reposant principalement sur la rééducation ;1
  • le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) dont le diagnostic est posé, selon les critères de Budapest, ­devant une douleur disproportionnée par rapport à l’événement initial ; quatre catégories sémiologiques sont explorées :
    • somatosensorielle (hyperesthésie/allodynie) :
    • vasomotrice (chaleur/couleur) ;
    • sudomotrice/œdémateuse ;
    • motrice/trophique (mobilité, pilosité).
 

Le patient doit décrire des symptômes (troubles subjectifs) dans trois de ces quatre catégories ; le médecin doit détecter au moins un signe clinique dans deux de ces mêmes catégories. 

Le traitement du SDRC comprend des thérapeutiques antalgiques et une rééducation fonctionnelle très progressive.2

Références
1. Lustig S, Servien E, Parratte S, et al. Lésions ligamentaires récentes du genou de l’adulte. EMC - Appareil Locomoteur 2013;8(1):1‑17. 
2. Harden RN, Bruehl S, Stanton-Hicks M, et al. Proposed new diagnostic criteria for complex regional pain syndrome. Pain Med Malden Mass 2007;8(4):326‑31. 
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 mpox (variole du singe) 

Un homme de 45 ans, traité pour une infection par le VIH, consulte pour des lésions douloureuses de la marge anale et des fesses (fig. 1), associées à de la fièvre. L’examen clinique objective également des vésicules au niveau de l’avant-bras (fig. 2). 

Le mpox (ou monkeypox) est une zoonose causée par le virus de la variole du singe ; il s’agit d’un virus à ADN double brin de la famille des Poxviridae. Auparavant confiné à l’Afrique de l’Ouest et centrale, il s’est récemment répandu dans le monde. Cette zoonose se transmet essentiellement par contact direct. Elle est considérée comme une infection sexuellement transmissible, en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. La période d’incubation est de cinq à vingt et un jours. La durée des symptômes varie entre deux et cinq semaines. 

Cliniquement, la maladie débute par des signes non spécifiques (fièvre, frissons, asthénie, céphalée, myalgies), avant l’apparition de l’éruption cutanéomuqueuse. Cette dernière évolue en plusieurs étapes : macules, papules, vésicules, pustules et/ou croûtes. 

Le diagnostic, évoqué par l’anamnèse et la clinique, repose sur la recherche de l’ADN viral par PCR au niveau des lésions. Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire. Les diagnostics différentiels sont nombreux : syphilis, vari­celle, rougeole, gale…

L’évolution est généralement favorable. Certaines complications peuvent cependant survenir (myocardite, pneumonie, etc.). 

La prise en charge repose sur l’isolement et, si besoin, des antalgiques.

La prévention est primordiale ; elle comprend l’isolement strict des patients ainsi que la vaccination des sujets à haut risque d’exposition et en post-exposition. 

Pour en savoir plus 
Gessain A, Nakoune E, Yazdanpanah Y. Monkeypox. N Engl J Med 2022;387:1783-93.
Ramprasad C, Mgbako O, Sampson M, et al. Perianal and Rectal Lesions in the Monkeypox Outbreak: Diagnosis and Proposed Management. Dis Colon Rectum 2022;65:1422-4.
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Addiction au crack

Mireille, 65 ans, est très anxieuse ; elle ne tient pas en place, se lève de sa chaise, puis se rassoit. Au cours de la consultation, elle explique être sans domicile fixe depuis cinq ans, et souhaite recevoir un traitement anxiolytique pour mieux affronter ses conditions de vie. Elle révèle avoir été initiée à la prise de cocaïne, puis au crack, auquel elle est actuellement très dépendante ; elle explique ne pas pouvoir s’en passer et être très irascible dès lors qu’elle est en manque. L’examen clinique montre de multiples excoriations sur tout le corps, lésions en rapport avec un prurit incessant (figure).

Le crack est une drogue dérivée de la cocaïne que l’on nomme parfois cocaïne de base, ou freebase :1 il provient de la transformation de la pâte de coca ou de la poudre de cocaïne associée à du bicarbonate ou de l’ammoniaque, et de l’eau. Après avoir chauffé ce mélange, et donc fait évaporer l’eau qu’il contient, on obtient un composé huileux ayant un aspect de cristal jaune dès lors qu’il est refroidi. Le crack agit sur la dopamine par le biais de la voie mésolimbique. Son effet est plus rapide et plus important que celui de la cocaïne. Le toxicomane utilise une pipe (confectionnée à partir de canettes de bière, ou de dosettes de pastis, par exemple) dans laquelle il dispose ces cristaux, qu’il peut mélanger à du tabac ou de la marijuana. 

Sur le plan épidémiologique, en 2019, l’Inserm recensait près de 42 800 consommateurs réguliers de crack – nombre qui était bien plus faible en 2011 (15 400). Une augmentation de plus de 52 % a été constatée entre 2010 et 2017.1,2

Différentes manifestations cliniques sont observées après la prise de crack.3,4 Le retentissement psychique est prépondérant lors de la consommation : période d’euphorie suivie rapidement par des manifestations d’anxiété, de panique, de dépression, de paranoïa, de délire. Il est aussi possible d’observer un prurit secondaire à des hallucinations (sensation de fourmis qui cheminent au niveau de la peau). Une consommation de crack au long cours peut avoir des conséquences à différents niveaux : cardiaque (HTA, arythmie), digestif (dyspepsie, modification de l’appétit, colopathie), pulmonaire (insuffisance respiratoire, embolie pulmonaire), neurologique (comitialité, accident vasculaire cérébral), dermatologique (hyperkératose des mains, brûlure des sourcils, nécrose nasale ou de la lèvre supérieure), ORL (rhinite chronique, sinusite ostéolytique). Enfin, le surdosage peut être à l’origine du décès du patient.

La prise en charge est complexe, et ce d’autant plus que le crack est une drogue au potentiel addictif très important (état de manque démultiplié par rapport à la cocaïne).2,3 Dans de nombreux cas, ces toxicomanes bénéficient d’un traitement de substitution aux opiacés (TSO) ou associent le crack à d’autres drogues (héroïne notamment). La consommation de crack est également observée chez des personnes en situation de précarité (cas des migrants, par exemple, qui, outre un parcours de vie souvent traumatique, peuvent être difficilement pris en charge du fait de la barrière linguistique et culturelle). Actuellement, aucune thérapeutique n’est commercialisée pour effectuer le sevrage du crack. Il s’agit avant tout de créer un lien avec ces patients pour pouvoir les accompagner médicalement et socialement en équipe pluridis­ciplinaire. Il existe des lieux de consommation à moindre risque comme les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (CAARUD) vers lesquels les orienter. Dans certains cas, le recours à une thérapie cognitive et comportementale peut permettre un sevrage ou la prévention d’une éventuelle rechute. 

Références
1. Académie nationale de médecine. Le défi de l’addiction au crack. Avis du 7 novembre 2022.
2. Janssen E, Cadet-Tairou A, Gerome C, et al. Estimating the size of crack cocaine users in France : Methods for an elusive population with high heterogeneity. Int J Drug Policy 2020;76:102637.
3. Karila L. Les addictions. Ed. Le Cavalier bleu 2008.
4. Bertolini M. Dépistage, par l’observation clinique, des signes et symptômes d’une addiction à l’usage du somaticien. Rev Med Suisse 2011;7:1789-93.
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