Lucite polymorphe

Un patient de 26 ans, militaire, consulte pour l’apparition depuis soixante-douze heures de lésions cutanées prurigineuses aux deux membres supérieurs à la limite des zones photo-exposées (figure). Il n’a pas d’antécédent notable. Cependant, il a débuté un traitement par doxycycline (Granudoxy) pour chimioprophylaxie du paludisme depuis environ un mois.
Les suites de soins sont simples grâce à l’éviction de l’exposition au soleil et un traitement par dermocorticoïdes de groupe III associés à un antihistaminique H1 : les lésions s’amendent sept jours après le début de la prise en charge.

Si l’iatrogénie médicamenteuse (photosensibilisation due à la doxycycline) était un des diagnostics différentiels à envisager, le sur-risque d’exposition au paludisme dans ce contexte d’opération au Niger empêchait l’arrêt de la doxycycline.

La lucite polymorphe, photodermatose de mécanisme probablement immunologique, était un autre diagnostic possible, confirmé par la réponse rapide aux traitements per os et topique. Cette pathologie relativement fréquente a une prévalence estimée entre 10 et 20 % et touche particulièrement les jeunes femmes (entre 20 et 40 ans).

Le tableau clinique est variable, mais se manifeste le plus souvent par un érythème papulo-prurigineux. D’une manière générale, cette pathologie est bénigne. Sans traitement, elle peut néanmoins être responsable d’une détresse émotionnelle, d’anxiété ou de dépression.1 Elle peut nécessiter la réalisation d’une biopsie cutanée, qui objective alors une inflammation de la couche basale de l’épiderme. Cette réaction, imparfaitement comprise, serait médiée par les ultraviolets activant des cellules du système immunitaire telles que les lymphocytes T, qui produisent alors des cytokines responsables de l’inflammation cutanée.2

La prise en charge repose sur l’éviction au maximum de l’exposition au soleil et l’usage d’écrans solaires à large spectre. Ces mesures essentielles permettent de diminuer la durée d’usage des thérapeutiques que sont les dermocorticoïdes et antihistaminiques instaurés pour contrôler le prurit. L’usage de la photothérapie peut réduire la sensibilité des patients aux ultraviolets et ainsi diminuer les lésions cutanées. Dans les cas les plus sévères, l’utilisation d’immuno-suppresseurs (azathioprine, ciclosporine…) peut s’avérer nécessaire.3

Références 
1. Hönigsmann H. Polymorphous light eruption. Photodermatol Photoimmunol Photomed 2008;24(3):155-61.
2. Gruber-Wackernagel A, Byrne SN, Wolf P. Polymorphous light eruption: clinic aspects and pathogenesis. Dermatol Clin 2014;32(3):315-34, viii. 
3. Patterson James W (ed.). Reactions to physical agents, Weedon’s Skin Pathology. 5e édition. 2021, pp. 647-66 
0
La Revue du Praticien Médecine Générale
* La version numérique de cet article a été mise à jour le 10 juillet 2024, avec l’ajout du diagnostic différentiel.

Appendicite

Aliénor, 13 ans, est admise aux urgences pour des douleurs de la fosse iliaque droite évoluant depuis la veille.
L’examen clinique met en évidence une défense en fosse iliaque droite, associée à une fébricule et des vomissements. Le bilan biologique révèle un syndrome inflammatoire ; l’échographie (fig. 1) un appendice inflammatoire à la paroi épaissie en forme de « boudin digestif ».
Une appendicectomie par voie cœlioscopique est réalisée en urgence. L’exploration révèle un appendice entortillé (dit « en scoubidou ») avec ganglions volumineux.  
Une antibiothérapie (amoxicilline-acide clavulanique) est instaurée pendant quarante-huit heures en post-opératoire, correspondant à la durée d’hospitalisation. Les suites sont normales. 
L’anatomopathologie ne révèle pas de signe de malignité.

L’appendicite est une pathologie fréquente, notamment chez l’enfant. Elle se distingue par son polymorphisme clinique et l’absence de parallélisme anatomoclinique. 

Le diagnostic d’appendicite aiguë est évident lorsque le tableau clinique et l’anamnèse correspondent. Toutefois, le taux de faux positifs étant élevé, l’imagerie s’avère nécessaire. La tomodensitométrie est l’examen de choix pour une bonne orientation diagnostique. L’échographie peut être utile, notamment chez l’enfant. 

Dans le cas de cette patiente, l’échographie a suffi à poser le diagnostic d’appendicite, devant le caractère inflammatoire de l’appendice à la paroi épaissie. L’aspect macroscopique peropératoire torsadé de l’appendice est exceptionnel (fig. 2).

Pour en savoir plus 
Voron T. Appendicite aiguë de l’enfant et de l’adulte. Rev Prat 2022;72(9):1019-25.
Haute Autorité de santé. Appendicectomie - Éléments décisionnels pour une indication pertinente. Novembre 2012. 
0
La Revue du Praticien Médecine Générale

Syphilis

Un homme de 30 ans consulte pour une éruption cutanée évoluant depuis une semaine au niveau de la marge anale (fig. 1), des avant-bras (fig. 2) et de la plante des pieds.

L’atteinte anorectale de la syphilis est en recrudescence en Occident depuis deux décennies, notamment chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. 

La phase primaire se manifeste par un chancre survenant dix à quatre-vingt-dix  jours après le contact. L’aspect typique est celui d’une ulcération superficielle, à fond propre, unique, indurée de la marge anale (fig. 3), accompagnée d’une ou de plusieurs adénopathies inguinales unilatérales. Le chancre est souvent indolore et cicatrise spontanément en trois à quatre semaines.

La phase secondaire survient six à huit semaines après la disparition du chancre, sous forme de lésions cutanéo-muqueuses, contagieuses, qui évoluent en deux floraisons, volontiers intriquées, étendues sur plusieurs mois et alternant avec des phases asymptomatiques. Ces syphilides ont un aspect polymorphe : lésions marginales et périanales, initialement érosives, puis maculeuses et papuleuses. Elles sont souvent associées à d’autres syphilides, notamment palmoplantaires, une roséole, une alopécie en clairière et/ou des plaques muqueuses, notamment buccales.

La syphilis tertiaire est rare de nos jours.

Les diagnostics différentiels sont multiples : fissure anale, herpès, chancre mou, mpox, chlamydiase, maladie de Bowen, etc.

Le diagnostic formel est biologique. La mise en évidence du tréponème par microscope à fond noir et immunofluorescence est abandonnée au profit des tests syphilitiques, qui permettent de réaliser un diagnostic fiable et d’assurer le suivi. 

Le traitement repose sur une antibiothérapie par benzathine-pénicilline G, très efficace.

Pour en savoir plus 
Peeling RW, Mabey D, Chen XS, et al. Syphilis. Lancet 2023;402:336-46.   
Ghanem KG, Ram S, Rice PA. The Modern Epidemic of Syphilis. N Engl J Med 2020 ; 382 : 845-54. 
0
La Revue du Praticien Médecine Générale

Spondylodiscite

Une patiente de 78 ans consulte pour des lombalgies subfébriles associées à des frissons. Elle est sous immunothérapie (rituximab) pour une maladie de Waldenström.
À l’examen clinique, elle a une fébricule à 37,9 °C et une douleur élective à la percussion du rachis lombaire.
La patiente est hospitalisée. Le bilan biologique retrouve un syndrome inflammatoire (CRP à 82 mg/L), les hémocultures une bactériémie à Campylobacter jejuni et l’IRM panrachidienne confirme l’aspect évocateur de spondylodiscite en L3 -L4 (figure).
Un avis spécialisé en infectiologie préconise un traitement par amoxicilline-acide clavulanique à raison de 1 g trois fois par jour et ciprofloxacine 500 mg deux fois par jour durant six semaines. Aucune indication chirurgicale n’est retenue.  

La spondylodiscite est une infection des corps vertébraux et de l’espace intervertébral. Son incidence croît ces dernières années, notamment à cause de l’augmentation du nombre de patients immunodéprimés.1

Le plus souvent, la contamination se fait par voie hématogène et l’agent infectieux responsable identifié est Staphylococcus aureus.1 Le rachis lombaire est l’étage vertébral le plus fréquemment touché (50 %). 

Le diagnostic repose sur :

  • l’examen clinique, avec un syndrome rachidien, pas toujours fébrile ;
  • des examens complémentaires, avec un syndrome inflammatoire biologique ;
  • des hémocultures, donnant le diagnostic microbiologique dans 70 % des cas ;
  • une IRM, montrant une atteinte inflammatoire du disque avec érosions en miroir des plateaux vertébraux sus- et sous-jacents (hyposignal T1, hypersignal T2).
 

Il est primordial de rechercher systématiquement des signes de complications neurologiques (syndrome lésionnel ou sous-lésionnel) ou d’endocardite infectieuse amenant à réaliser une nouvelle IRM ou une échocardiographie transthoracique (ETT) et/ou une échocardiographie transœsophagienne (ETO) en urgence.2

Par ailleurs, la complication locale la plus fréquente est l’abcès paravertébral.1

Le traitement repose sur une antibiothérapie ciblée pendant six semaines ainsi qu’une immobilisation antalgique et de la kinésithérapie adaptée à l’évolution.

La chirurgie reste exceptionnelle. Elle se justifie en cas de compression médullaire ou radiculaire, ou à distance, à visée stabilisatrice dans les formes très destructrices.2 

Références
1.  Gentile L, Benazzo F, Rosa FD, et al. A systematic review: Characteristics, complications and treatment of spondylodiscitis. Eur Rev Med Pharmacol Sci 2019;23 (2 Suppl):117-128.
2. Item n° 156. Infections ostéo-articulaires (IOA) de l’adulte et de l’enfant. ECN Pilly 2021.
0
La Revue du Praticien Médecine Générale
S'abonner à La Revue du Praticien Médecine Générale