Pacemaker baladeur

Lors d’une visite médicale périodique, l’électrocardiogramme d’un militaire de 20 ans montre une disparition, voire une négativation, de l’onde P en DII, de manière transitoire ; l’intervalle PR est non modifié (figure). Le patient n’a pas d’antécédent personnel ou familial et ne prend aucun traitement. Un avis cardiologique permet de poser le diagnostic de « wandering pacemaker », ou pacemaker baladeur.

Lors d’un phénomène de « wandering pacemaker », ou pacemaker baladeur, un autre foyer doué d’automatisme (pacemaker subsidiaire) prend le relais du nœud sinusal de manière transitoire.1 Il s’agit d’un changement physiologique entre deux pacemakers qui peut se produire au sein du nœud sinusal, entre les pôles céphalique et caudal, ou entre le nœud sinusal et un autre pacemaker atrial, comme le nœud du sinus coronaire ou le nœud atrioventriculaire.

Sur l’électrocardiogramme, on observe un changement d’une polarité positive à une polarité nulle ou négative de l’onde P en DII de courte durée.2

Ces aspects électrocardiographiques peuvent évoquer des blocs (absence de reprise du rythme sinusal dans les blocs), une hyperexcitabilité atriale (présence d’extrasystoles) ou une dysfonction sinusale (présence d’une pause). 

Les facteurs favorisants sont ceux qui augmentent l’activité vagale, par exemple le stress ou la relaxation lors de l’électrocardiogramme.3 

Aucun traitement n’est requis pour le « pacemaker baladeur » qui est un phénomène bénin.2

Références
1. Taboulet P. Blocs sinoauriculaires et auriculoventriculaires. Ann Fr Med Urg 2014;4:2-3.
2. Taboulet P. Wandering pacemaker (en ligne, consulté en avril 2023). E-cardiogram.com, 20 avril 2023.
3. Wiel E, Oszustowicz T. Wandering pacemaker. Ann Fr Anesth Réanim 1996;15:390-1.
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Spondylolyse

Olympe, 17 ans, consulte en urgence pour une violente douleur apparue dans le bas du dos lors de son entraînement pour les championnats régionaux de saut en longueur. 
L’examen du rachis révèle un point douloureux en L3, à la mobilisation passive et active, sans signe neurologique associé. 
Les radiographies réalisées ne révèlent aucune anomalie (fig. 1). Le scanner demandé secondairement montre une lyse isthmique bilatérale en L3 prédominant à gauche (fig. 2). 
Le diagnostic est celui d’une spondylolyse. La prise en charge a consisté en une immobilisation par corset ainsi qu’une surveillance clinique régulière jusqu’à disparition de la douleur.

La spondylolyse est une lésion de l’isthme vertébral survenant le plus fréquemment par répétition de contraintes excessives, de faible intensité, sur les articulaires de la vertèbre située au-dessus ; elle correspond à une fracture vertébrale de fatigue. Il s’agit d’une lésion fréquente qui peut toucher jusqu’à 8 % de la population, principalement sur les quatrième et cinquième lombaires. La spondylolyse, souvent bien tolérée, peut se compliquer d’un spondylolisthésis, glissement vers l’avant d’une vertèbre par rapport à la vertèbre située en-dessous, responsable de douleurs lombaires et/ou neurologiques. Cette lésion s’observe plus souvent chez les sportifs pratiquant des activités imposant des hyperlordoses et des mouvements de rotation comme la gymnastique, la danse ou l’haltérophilie.

L’interrogatoire recherche l’apparition de douleurs lombaires aiguës ou chroniques : chez l’enfant, les douleurs sont d’apparition brutale, tandis que chez l’adulte il s’agit plutôt de douleurs lombaires chroniques d’intensité moindre.

Cliniquement, les lombalgies sont fréquemment soulagées par une flexion du rachis et aggravées par une hyper­extension. Une raideur rachidienne et une rétraction des muscles ischio-jambiers sont généralement observées. Après plusieurs années d’évolution, des symptômes radiculaires peuvent apparaître à type de sciatalgies bilatérales en fin de journée. Toutefois, certains patients ne souffrent d’aucun symptôme et la lyse lombaire peut être découverte de manière fortuite. En cas de spondylolisthésis, des symptômes neurologiques peuvent apparaître tels qu’une claudication neurogène progressive, des paresthésies, des paralysies partielles ou complètes, ou un syndrome de la queue de cheval.

L’examen complémentaire de base est la radiographie standard du rachis lombaire de face, de profil et de trois quarts, mais elle ne permet pas toujours de poser le diagnostic. Ainsi, en cas de normalité du bilan radiographique, mais d’un interrogatoire et d’un examen clinique évocateurs, le recours à la tomodensitométrie est nécessaire.

Le traitement repose en premier lieu sur la contre-indication temporaire des activités sportives et, selon les cas, sur une immobilisation lombo-sacrée par corset. 

Chez les enfants prépubères, avant 11 ans chez les filles et 13 ans chez les garçons, la prescription d’une orthèse sur mesure repose sur deux facteurs : les douleurs à l’effort et l’angle lombo-sacré (il doit rester supérieur à 110 °). 

En période pubertaire, le risque d’évolution péjorative est majeur. Il est nécessaire, en plus de l’arrêt sportif, de réévaluer la clinique régulièrement.

Pour les adultes, une rééducation est impérative afin de lutter contre l’amyotrophie et maintenir un gainage péri­articulaire. Lorsque les douleurs ne sont pas contrôlées par le traitement médical, la chirurgie par arthrodèse et ostéosynthèse peut être exceptionnellement indiquée. Elle vise à stabiliser le déplacement vertébral, à supprimer la douleur et à améliorer la statique du rachis lombo-sacré. 

La reprise du sport doit tenir compte du délai de cicatrisation des tissus lésés, classiquement après quatre à six semaines. Elle doit être progressive, précédée d’un réentraînement et d’une correction du geste sportif afin de prévenir au mieux la récidive. 

Le respect de règles de prévention permet de réduire considérablement la prévalence de cette lésion chez le sportif : échauffement des muscles ischio-jambiers, des adducteurs et des abducteurs, associé au renforcement du gainage paravertébral. Il est important d’insister sur l’apprentissage de la gestuelle sportive de façon précoce, permettant une protection efficace du rachis, une progressivité dans les exercices et une adaptation à l’âge et à la morphologie du pratiquant.

Pour en savoir plus 
Kumar N, Madhu S, Pandita N, et al. Is there a place for surgical repair in adults with spondylolysis or grade-I spondylolisthesis-a systematic review and treatment algorithm. Spine J 2021;21(8):1268-85. 
Linton AA, Hsu WK. A Review of Treatment for Acute and Chronic Pars Fractures in the Lumbar Spine. Curr Rev Musculoskelet Med 2022;15(4):259-71. 
Pascal-Moussellard H, Marie-Hardy L. Colonne vertébrale : pathologies cervicales, dorsales et lombo-sacrées. In: Médecine du sport pour le praticien. Paris: Elsevier Masson; 2020.
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Pinguécula

Jean-Marie, viticulteur de 63 ans, consulte pour un nodule de couleur jaune situé au niveau de la conjonctive de l’œil droit (fi gure), apparu il y a quelques mois

La pinguécula est une formation nodulaire dont la prévalence varie de 22 à 97 % en fonction de la zone géographique d’origine du patient, avec une prédominance chez les hommes. 

Plusieurs facteurs sont classiquement décrits pour expliquer sa genèse : la photo-exposition – cas le plus classique –, les traumatismes répétés, l’exposition récurrente aux poussières, le port de lentilles de contact, l’âge du patient (dégénérescence du collagène sous-épithélial). 

Sur le plan clinique, un épaississement de couleur jaune ou grise au niveau de la conjonctive bulbaire (partie nasale de cette conjonctive le plus souvent) est observé. Dans certains cas, l’épithélium de la pinguécula se kératinise et est associé à un dépôt calcaire. Cette formation peut devenir inflammatoire, constituant une pinguéculite. De plus, la répartition inégale du film lacrymal, induite par cette lésion, peut être à l’origine d’une sécheresse oculaire.

Sur le plan histologique, l’épithélium est hyperkératosique, avec une dégénérescence des fibres élastiques. Il est possible d’objectiver des lobules graisseux et, dans certains cas, des calcifications. 

La prise en charge consiste en l’instillation de larmes artificielles, afin de lubrifier les yeux et ainsi soulager l’irritation causée, et de collyres antiseptiques ou anti-inflammatoires en cas de pinguéculite. Une chirurgie (microchirurgie ou laser) est discutée dès lors que la taille de la lésion devient importante et/ou inesthétique.

Pour en savoir plus
Schlote T, Grüb M, Mielke J, Rohrbach M. Atlas de poche d’ophtalmologie. Ed. Flammarion Médecine-Sciences 2006.
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Pigmentation secondaire à une perfusion de fer

Denis, 69 ans, a été hospitalisé en urgence il y a six mois pour une fracture du col du fémur après une chute. Au décours de l’intervention chirurgicale, une anémie ferriprive sévère a nécessité une perfusion de fer. Depuis, le patient note une pigmentation brune de son avant-bras droit (figure). 

Les perfusions de fer ne sont plus effectuées au domicile des patients du fait du risque, quoique rare (0,1 % des cas), de choc anaphylactique. Il est actuellement recommandé de surveiller le patient durant au moins trente minutes après la pose de la perfusion et de disposer du matériel et du personnel permettant une réanimation en urgence.

D’autres effets indésirables sont associés à la perfusion de fer : céphalées, vertiges, dysgueusie, troubles digestifs (nausées et vomissements), douleurs articulaires diffuses, dyspnée ou bronchospasme, hypotension artérielle, prurit ou rash (réaction immunitaire dépendante des immunoglobulines E). 

Par ailleurs, l’extravasation peut être responsable d’infection (abcès), d’inflammation cutanée ou de pigmentation brune secondaire à la diffusion du fer dans les tissus.

La pigmentation séquellaire est définitive ; sa prise en charge repose sur l’abstention thérapeutique, du fait de son innocuité. Lorsqu’elle est mal acceptée par le patient, le recours au laser est envisageable avec, toutefois, des résultats parfois décevants.

Pour en savoir plus 
Akhuemonkhan E, Parian A, Carson KA, et al. Adverse reactions after intra­venous iron infusion among inflammatory bowel disease patients in the United States, 2010-2014. Inflamm Bowel Dis 2018;24(8):1801-7.
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Kystes de ménisque externe

Angélique, 23 ans, consulte pour une douleur au niveau du genou droit, apparue il y a cinq ans, et se majorant avec le temps. Des clichés radiographiques ont été réalisés lorsque les douleurs ont débuté, sans anomalie constatée.
L’examen objective une douleur à la palpation de la région pararotulienne externe. Le genou est mobile, stable, sans épanchement articulaire. 
Compte tenu de la symptomatologie pauvre mais de la gêne fonctionnelle, une IRM du genou droit est effectuée, retrouvant un kyste mucoïde de la face antérieure du ménisque externe de 20 mm de grand axe (figure). La patiente a bénéficié d’une synovectomie antérieure sous arthroscopie, permettant d’amender ses douleurs.

Les kystes méniscaux touchent le plus souvent les hommes, et le ménisque externe est le plus concerné.

Au niveau du ménisque externe, les lésions sont souvent secondaires (dans le cadre d’un traumatisme ou d’un mécanisme dégénératif) à une fente radiaire de la partie moyenne. 

Lorsque le ménisque est discoïde (formant un disque interposé entre condyle et plateau tibial), les symptômes apparaissent chez un patient jeune. 

Certaines personnes peuvent avoir un ménisque hypermobile, mal arrimé en arrière. Le hiatus poplité se poursuit alors jusqu’à la corne postérieure, élément qui favorise parfois la luxation du ménisque en flexion forcée.

Le ménisque externe est très mobile, épais et soumis à des contraintes importantes (cisaillement horizontal) lors de mouvements de rotation du genou. Les microtraumatismes favorisent une distension des fibres et génèrent une fente transversale qui divise le ménisque en deux parties. La dégénérescence de ces fibres conduit à la formation d’une substance mucoïde qui se déplace progressivement vers le mur méniscal. En arrivant à ce niveau, elle favorise l’effondrement de la structure, créant parfois une voussure faisant saillie sous la peau. 

Un kyste mucoïde peut survenir pour toute lésion méniscale et quel que soit l’âge du patient.

La symptomatologie dans le cas d’un kyste mucoïde du ménisque externe peut être déconcertante et n’apparaît (douleur, œdème) le plus sou­vent qu’en cas de kystes volumineux. Le praticien peut objectiver une masse fluctuante au niveau de la zone traumatisée.

Pour évaluer le ménisque externe, deux tests sont possibles : 1

  • la recherche du cri méniscal de Oudard : le patient est en décubitus dorsal, genou fléchi à 90 ° ; l’index du praticien est posé sur l’interligne fémoro-tibial et le patient doit effectuer une extension progressive. Le test est positif si la douleur est obtenue au niveau de l’index ;
  • la recherche du signe de Cabot (spécifique du ménisque externe). Le patient est en décubitus dorsal, le genou fléchi et le pied posé sur la face antérieure de la jambe opposée. Le médecin pose un doigt sur l’interligne externe et, avec l’autre main, il prend le pied du patient en imprimant un mouvement de flexion du genou (ce dernier est maintenu en rotation interne). Une douleur perçue au niveau de l’interligne externe est pathognomonique.
 

Examens paracliniques dans le cas d’une lésion du ménisque externe :2 

  • les radiographies n’ont pas d’intérêt car elles ne permettent pas d’observer les ménisques ;
  • l’IRM est devenue l’examen de référence. Le kyste mucoïde se caractérise par un signal hypo-intense en T1 et hyperintense en T2 ;
  • l’arthroscanner, à effectuer en cas de contre-indication à l’IRM, est difficilement interprétable du fait de la présence du hiatus poplité. Il a cependant un intérêt chez le patient âgé (évaluation de l'état du cartilage).
 

Deux types de traitement sont possibles :

  • la synovectomie ou méniscectomie, qui permet de perméabiliser le kyste vers l’intérieur du genou ;
  • la pose d’une prothèse de genou pour les patients avec une gonarthrose importante associée.
Références
1. Blaysat M, Saragaglia D. Lésions ligamentaires et méniscales du genou et de la cheville. Rev Prat 2007;57:407-18.
2. Albert JD, Lambotte JC, Brunet JF, et al. Quelle imagerie devant un genou douloureux ? Rev Prat 2009;59:1233-9.
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