Ecthyma

Dylan, 7 ans, consulte pour des lésions croûteuses de grande taille sur les membres supérieurs (figure) et inférieurs évoluant depuis une semaine. Elles sont apparues au décours d’un séjour chez ses grands-parents dont l’hygiène est aléatoire, selon la mère. 

L’impétigo est une infection cutanée causée, en Europe, par Staphylococcus aureus dans 90 % des cas (Streptococcus pyogenes majoritaire dans les pays en développement). 

L’ecthyma est une forme évolutive d’impétigo provoquant une ulcération au niveau de l’épiderme et du derme ; le germe responsable est le streptocoque bêtahémolytique du groupe A. Il survient chez les patients ayant un manque d’hygiène ou en situation de précarité.

Cliniquement, il se manifeste par des vésiculopustules ou des érosions croûteuses bordées par un bourrelet érythémateux. Ces formations se situent particulièrement au niveau des membres et évoluent en nécroses tissulaires, voire en ulcérations creusantes. En l’absence de traitement, elles peuvent aboutir à une fasciite nécrosante.

Chez l’adulte immunodéprimé, une forme particulière d’ecthyma avec ulcération nécrotique peut être observée : l’ecthyma gangréneux ; le germe responsable est généralement Pseudomonas aeruginosa

La prise en charge de l’ecthyma repose avant tout sur un traitement antibiotique par voie générale durant 7 jours : pristinamycine (3 g/j) chez l’adulte, ou amoxicilline-acide clavulanique (80 mg/kg/j) chez l’enfant.

Respect d’une bonne hygiène et désinfection des plaies doivent être associés, et une éviction scolaire est recommandée.

Pour en savoir plus
Hua C, Bernigaud C, Foulet F, et al. Infections cutanéo-muqueuses. Rev Prat 2020;70(9):e311-e318.  
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Glaucome néovasculaire

Jacques, 66 ans et sans domicile fixe, consulte pour douleur de l’œil droit et baisse de l’acuité visuelle homolatérale depuis quelques jours. Cliniquement, on note un érythème conjonctival marqué (figure).
Du fait de sa situation sociale précaire, il est en rupture totale de soins depuis plus d’un an ; en particulier, il ne prend plus son traitement antidiabétique oral. Un bilan ophtalmologique est réalisé en urgence. 

Le glaucome néovasculaire résulte d’une néovascularisation de l’angle irido-cornéen en réponse à une ischémie rétinienne étendue. Les trois principales causes en sont : l’occlusion de la veine centrale de la rétine, la rétinopathie diabétique (ces deux premières causes représentent près de 80 % des cas) et le syndrome d’ischémie oculaire. Dix pour cent des diabétiques développent cette forme de glaucome. 

Sur le plan clinique, le glaucome est précédé par la rubéose irienne qui se caractérise par le développement de néovaisseaux au niveau pupillaire, puis de l’iris. L’œil rouge et douloureux apparaît plusieurs mois après – ou plus précocement en cas d’occlusion de la veine centrale de la rétine ; de nombreux néovaisseaux sont alors observés au niveau de l’iris, ainsi qu’une asymétrie pupillaire et des synéchies au niveau irido-cornéen. 

Le diagnostic est posé par l’ophtalmologue qui objective, outre les éléments cliniques précédents, un tonus oculaire important et un ectropion du feuillet postérieur de l’iris. 

Le traitement repose sur plusieurs mesures qui visent à réduire :

  • l’ischémie rétinienne par la panphotocoagulation rétinienne (PPR) avec le laser, par recours aux anti-VEGF éliminant la néovascularisation, ou par vitrectomie ;
  • l’hypertonie oculaire par l’acétazolamide par voie générale ou un traitement local en collyre (bêtabloquant, alpha-2-adrénergique). 
 

Les patients diabétiques avec rétinopathie et suivi ophtalmologique régulier peuvent bénéficier d’une PPR préventive permettant d’éviter une évolution vers le glaucome néovasculaire. 

Pour en savoir plus
Aptel F. Glaucomes. Rev Prat Med Gen 2018;32(998):243-9. 
Kodjikian L. Traitement du glaucome néovasculaire en 2012 : apport des anti-VEGF. J Fr Ophtalmol 2013;36(5):461-5. 
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Hypersensibilité à la chlorhexidine

Un enfant, sans antécédent d’atopie, a eu plusieurs réactions localisées, puis généralisées, après utilisation d’un antiseptique à base de chlorhexidine (Biseptine 0,25 %, puis Diaseptyl 0,5 %) : entre 2 et 3 ans, il a développé trois éruptions eczématiformes au site d’application ; lors de la quatrième exposition, il a présenté immédiatement après dépôt de la solution antiseptique une anaphylaxie de grade 2 (toux, urticaire généralisée, œdème des chevilles, asthénie) et des lésions eczématiformes au site d’application ayant persisté plusieurs jours. Les investigations allergologiques ont révélé une sensibilisation cutanée et sérique à la chlorhexidine (prick-test à 6 mm, immunoglobulines E [IgE] spécifiques à 6,34 kU/L). L’éviction des antiseptiques à base de chlorhexidine a été proposée avec mise en place d’un projet d’accueil individualisé et d’une trousse d’urgence. 
À 4 ans, il a été exposé à l’école, par inadvertance, à un savon liquide contenant de la chlorhexidine. Dans les suites immédiates, il a développé un bronchospasme et un œdème du dos des mains, puis un eczéma aigu des deux mains (figure).

La chlorhexidine est un antiseptique bactéricide de la famille des biguanides, très utilisé. Elle existe sous différentes formes galéniques : solutions antiseptiques, pastilles à sucer, collutoire, bains de bouche, savons liquides. Ces dernières sont disponibles en vente libre – pour certaines en grandes surfaces – sous divers noms commerciaux. La chlorhexidine y est présente seule ou associée à d’autres antiseptiques.

L’hypersensibilité à la chlorhexidine est relativement méconnue en dehors de réactions immédiates en environnement opératoire.1 Les réactions d’hypersensibilité retardée à type d’eczéma sont plus volontiers décrites en dehors d’une prise en charge hospitalière, dans la population adulte. 

Depuis quelques années, plusieurs cas d’anaphylaxie sévère chez l’enfant, lors de la désinfection de plaies ou de la prise de pastilles pour la gorge à base de chlorhexidine, ont été publiés.2-4 Au centre d’allergologie de Strasbourg, six enfants ont été répertoriés sur une période de cinq ans.5 Les symptômes étaient le plus souvent des anaphylaxies de grade 2. Le cas rapporté ici souligne une particularité notable de cette allergie : un délai diagnostique long, occasionnant plusieurs épisodes et des tableaux cliniques d’allergie retardée et immédiate chez un même patient. Chez les six enfants recensés, les réactions faisaient suite à la désinfection d’une plaie avec effraction cutanée traitée par Biseptine, Diaseptyl, Mercurochrome ou de la chlorhexidine distribuée en grandes surfaces. Les tests cutanés étaient positifs ainsi que le dosage des IgE spécifiques (taux compris entre 0,56 et 15,7 kU/L). Une éviction était alors proposée, associée à la dispensation d’une carte d’allergie et d’une fiche proposant d’autres antiseptiques (hypochlorite de sodium, povidone iodée, per­oxyde d’hydrogène, alcool modifié à 70 %, hexamidine).

Chez l’enfant, la chlorhexidine est utilisée de manière systématique lors des soins du cordon en maternité, des maladies éruptives infantiles (varicelle notamment) mais surtout lors du nettoyage des plaies. Sur les peaux lésées, ces applications répétées pourraient sans doute faciliter la sensibilisation, avec risque ultérieur de réaction allergique lors de la réexposition. Or, pour une plaie aiguë, un lavage soigneux à l’eau et au savon est suffisant dans la plupart des cas. Le dévelop­pement d’une réaction anaphylactique aux conséquences ­potentiellement graves doit conduire le praticien à réévaluer la pertinence de la prescription de la chlorhexidine mais également à rechercher cet allergène en cas de réaction évocatrice d’anaphylaxie ou d’eczéma de contact.

Références
1. Chiewchalermsri C, Sompornrattanaphan M, Wongsa C, et al. Chlorhexidine Allergy: Current Challenges and Future Prospects. J Asthma Allergy 2020;13:127-33.
2. Rochefort-Morel C, Polard E, Hery G. Un cas rare d’anaphylaxie a la chlorhexidine chez un enfant de 2 ans. Rev Fr Allergol 2016;56:314.
3. Blanc S, Bourrier T, Giovannini-Chami L, et al. Réaction anaphylactique à la chlorhexidine due à une pastille Drill. Rev Fr Allergol 2013;53:364.
4. Saf S, Bourgoin-Heck J, Just J, et al. Anaphylaxie à la chlorhexidine en pédiatrie : se méfier des pastilles à sucer. Rev Fr Allergol 2019;59:280.
5. Eber E, Krieger P, Drillon-Hauss S, et al. À propos de 5 cas d’hypersensibilité allergique à la chlorhexidine chez l’enfant. Rev Fr Allergol 2021;6:291.
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Primo-infection herpétique

Un homme de 23 ans consulte pour des douleurs anales intenses, survenues 6 jours après un rapport sexuel. Il se plaint également de ténesme et de troubles urinaires. L’examen clinique révèle une éruption cutanée (fig. 1).

L’infection anorectale par l’Herpes simplex virus est une infection sexuellement transmise (IST) fréquente. Le virus de type 1 se transmet par contact oro-anal et celui de type 2 par pénétration anale ; leurs manifestations cliniques sont similaires. 

La primo-infection est en général asymptomatique mais peut être bruyante. La durée d’incubation varie de 4 à 21 jours. L’atteinte est anale marginale, périanale et/ou anorectale avec une éruption vésiculaire initiale, suivie d’ulcérations douloureuses, multiples et confluentes, volontiers associées à de la fièvre, une dysurie, un ténesme et des adénopathies inguinales. Des formes sévères, extensives et hyperalgiques, sont possibles en cas d’immunosuppression. 

Les récurrences sont moins symptomatiques ; elles se manifestent sous la forme d’un bouquet transitoire de vésicules cutanées, le plus souvent prurigineuses, rarement douloureuses (fig. 2). 

Le diagnostic est évoqué sur l’anamnèse et le contexte clinique. Les prélèvements locaux pour mise en évidence du génome viral par PCR, de l’antigène viral par ELISA ou par immunofluorescence et/ou du virus par culture cellulaire permettent d’être formel.

L’évolution est spontanément favorable en quelques jours. Le traitement n’est donc indiqué qu’en cas de forme très symptomatique et/ou de récurrences trop fréquentes et rapprochées ; il repose alors sur les antiviraux dont les modalités d’administration dépendent de la forme clinique et du terrain.

Pour en savoir plus
Gnann JW Jr, Whitley RJ. Genital Herpes. N Engl J Med 2016;375(7):666-74.
de Vries HJC, Nori AV, Kiellberg Larsen H, et al. 2021 European Guideline on the management of proctitis, proctocolitis and enteritis caused by sexually transmissible pathogens. J Eur Acad Dermatol Venereol 2021;35(7):1434-43.
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Barotraumatisme de l’oreille moyenne

Un patient de 34 ans, sans antécédents particuliers, explique avoir sauté d’un plongeoir haut d’environ 6 mètres et avoir ressenti une vive douleur de l’oreille droite sous l’eau. Il consulte le lendemain car la douleur persiste et s’associe à une sensation de plénitude de la même oreille. À l’examen, on constate une collection hématique rétrotympanique. L’audiogramme est peu altéré et le tympanogramme montre un aplatissement de la courbe. Un traitement par prednisolone est débuté à la dose de 1 mg/kg ainsi qu’une antibiothérapie par amoxicilline-acide clavulanique (1 g, 3 fois par jour, pendant 7 jours).

Le barotraumatisme de l’oreille moyenne est une pathologie fréquente en plongée, particulièrement au cours de la descente des premiers mètres, où la pression augmente rapidement. L’un des facteurs de risque majeurs est l’altération transitoire de la perméabilité de la trompe d’Eustache (en lien, par exemple avec une infection ORL).1 Il est possible de prévenir le barotraumatisme en réalisant fréquemment des manœuvres type Valsalva (expirer de l’air vers les trompes d’Eustache, en gardant la bouche fermée et le nez pincé). 

Les principaux symptômes sont l’otalgie, la sensation de plénitude de l’oreille, une autophonie, un bourdonnement et une légère hypoacousie ; une otorragie minime est possible en cas de perforation tympanique ; un vertige rotatoire fugace peut également être mis en évidence.1

L’otoscopie est indispensable et permet la stadification de la pathologie (figure).1

La prise en charge repose sur différentes thérapeutiques : décongestionnants nasaux et corticoïdes locaux ;1,2 antibiothérapie à large spectre (amoxicilline-acide clavulanique, ou pristinamycine en cas d’allergie) et corticothérapie générale à partir du stade 3 pendant sept à dix jours.2,3 Il n’est pas ­nécessaire de réaliser de décroissance de la corticothérapie.4 Une antibiothérapie locale à base d’ofloxacine est indiquée en cas de perforation tympanique (stade 5).1

Certaines restrictions temporaires doivent être mises en place après un barotraumatisme de l’oreille moyenne :

  • limiter les changements de pression (avion, train, manœuvre de Valsalva…) pendant une à deux semaines en cas de stades 1 à 3, et durant trois semaines en cas de stade 4 ;
  • en cas de perforation tympanique, l’avion n’est pas contre-­indiqué ;
  • la plongée ne peut être reprise qu’en cas de certitude de la cicatrisation du tympan et de l’efficacité des manœuvres de décompression.1
Références
1. Morvan JB, Rivière D, Vatin L, et al. Barotraumatisme de l’oreille moyenne. Rev Prat Med Gen 2016;30(957):187-9.
2. Truy E. Otites barotraumatiques. Rev Prat Med Gen 2006;20(738):812-3.
3. Handwerk T. Barotraumatismes de l’oreille moyenne et des sinus chez les plongeurs militaires français. Thèse de médecine, Marseille : faculté de médecine, Aix-Marseille Université, 2021.
4. Crickx E. Item 326. Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant. Partie : anti-inflammatoires et anti-hypertenseurs. Rev Prat 2017;67(9):433-42.
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