Vous êtes de garde aux urgences pédiatriques et vous recevez Alexandre, un nourrisson de 5 mois, pour malaise.

Le père décrit vers 18 heures, juste après la prise d’un biberon et alors qu’il préparait le bain, avoir retrouvé son enfant dans le berceau allongé sur le dos « tout pâle avec les lèvres bleues ». En prenant Alexandre dans ses bras, il était « mou comme une poupée de chiffon ». L’épisode aurait duré environ 3 minutes, puis il a repris conscience spontanément avec des pleurs, semblant en situation d’inconfort. Les parents inquiets appellent les pompiers qui les accompagnent aux urgences pédiatriques les plus proches.

Alexandre est né à 39 semaines d’aménorrhée, eutrophe, la grossesse s’étant bien déroulée. Pas d’antécédent familial particulier. Il est suivi pour un reflux gastro-œsophagien pour lequel il est sous lait anti-reflux. Il a une croissance normale, avec un périmètre crânien normal pour l’âge, à 43 cm. Il tient sa tête mais n’arrive pas encore à s’asseoir.

Alexandre est gardé en crèche. Les parents décrivent une rhinite depuis 3 jours. Il prend moins bien les biberons depuis 24 heures et il aurait eu de la fièvre à 39 °C mesurée par voie rectale juste après l’épisode de malaise à l’arrivée des pompiers.
Question 1 - Avant même d’examiner l’enfant, quelle est votre hypothèse devant ce malaise du nourrisson (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Antécédent de reflux et rapporte une prise de biberon avant le malaise.
Âge de moins d’un an.
Fièvre et nourrisson geignard.
Pathologie du jeûne long, ici prise de biberon juste avant le malaise.
Pas de pleur rapporté avant le malaise.
Devant un malaise ou une hypotonie du nourrisson, le plus important est d’effectuer une analyse anamnestique rigoureuse et chronologique en relevant les circonstances ayant précédé l’épisode, la description des signes observés durant le malaise, puis la rapidité et la qualité du retour à l’état antérieur. Tout cela permet d’orienter l’étiologie du malaise et de rassurer les parents à bon escient en l’absence de signes de gravité.
Vous examinez Alexandre dans un box aux urgences.
Température : 39,4 °C ; fréquence cardiaque (FC) : 150/min ; fréquence respiratoire (FR) : 40/min ; tension artérielle (TA) : 91/52 mmHg ; périmètre crânien (PC) : 43 cm ; poids : 6 kg.
Conscient mais geignard, bien coloré, respire.
Encombrement nasal, eupnéique en air ambiant, murmure vésiculaire bilatéral et symétrique, pas de bruit surajouté, temps de recoloration cutanée (TRC) de 2 secondes, extrémités chaudes, pas de marbrure, pas d’hépatomégalie, abdomen souple, dépressible, indolore, fontanelle normotendue, enfant en pleurs semblant en situation d’inconfort, mouvements spontanés des 4 membres, tenue de tête possible avec difficulté, station assise inconfortable. Il a une rhinopharyngite et une otite moyenne aiguë (OMA) suppurée droite.
Lors de votre examen clinique, Alexandre a tout à coup une raideur des 4 membres, suivie de mouvements cloniques de l’ensemble du corps d’une durée de 2 minutes, puis d’hypotonie et de respiration bruyante. Il récupère un état de conscience normal dans les 15 minutes suivantes.
Question 2 - Quel examen complémentaire réalisez-vous dans l’immédiat devant ce tableau (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Pas un examen en urgence dans la phase aiguë.
Convulsions et âge 1 an.
Crise fébrile avec enfant inconfortable geignard, rechercher un sepsis.
Crise fébrile et âge 6 mois et enfant geignard.
Éliminer un trouble ionique pouvant expliquer la crise convulsive.
Alexandre a ici un tableau de crise fébrile complexe du fait de son âge inférieur à 1 an et un examen neurologique douteux (« geignard », « tenue de tête possible avec difficulté, station assise inconfortable »). Par ailleurs, le premier épisode de « malaise » pourrait être une première crise épileptique, les parents n’étant pas présents au début des symptômes. Le tableau ci-dessous présente les critères définissant les crises fébriles simples et complexes.
D’après le Collège national des pédiatres universitaires. Convulsions, crises épileptiques, épilepsie.

En cas de convulsion fébrile avant l’âge de 6 mois, la ponction lombaire est à réaliser systématiquement du fait de l’appréciation clinique difficile de signes de méningite ou d’encéphalite.
En cas de convulsions fébriles ou non fébriles avant l’âge de 1 an, le scanner cérébral avec et sans injection est à réaliser systématiquement pour éliminer une tumeur, une thrombose veineuse, une complication locale type abcès.
Le bilan sanguin est le suivant :
– hémoglobine (Hb) = 14 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 88 fL ; plaquettes = 570 G/L ; leucocytes = 16,2 G/L ; polynucléaires neutrophiles (PNN) = 12,8 G/L ; monocytes = 1,5 G/L ; lymphocytes = 1,8 G/L ; éosinophiles = 0,05 G/L ; basophiles = 0,02 G/L ;
– protéine C réactive (CRP) = 15 mg/L ; procalcitonine (PCT) = 4 µg/L ;
– hémocultures périphériques prélevées en cours ;
– sodium = 137 mmol/L ; potassium = 3,8 mmol/L ; urée = 4 mmol/L ; créatinine = 41 µmol/L ; protéines = 50 g/L ; calcium = 2,3 mmol/L.
La bandelette urinaire sur sondage urinaire aller-retour retrouve : leucocytes 0 ; nitrites 0 ; cétones +, protéines 0, sang 0.
Le scanner cérébral est normal.
La ponction lombaire retrouve : liquide céphalo-rachidien (LCR) trouble, éléments 10 000/mm3 dont 71 % de polynucléaires neutrophiles (PNN), 100 hématies/mm3, protéinorachie 2 g/L, glycorachie 2,4 mmol/L pour une glycémie à 6 mmol/L, examen direct : cocci à Gram positif en chaînette.
Question 3 - Votre principale hypothèse diagnostique est :
Il s’agit d’une première crise en contexte infectieux, cela ne présume pas d’une épilepsie.
Le streptocoque du groupe B est surtout retrouvé chez les nourrissons de moins de 2 mois.
Alexandre a une otite moyenne aiguë droite et des cocci à Gram positif en chaînette à l’examen direct du LCR.
Car LCR trouble, réaction cellulaire à prédominance de polynucléaires neutrophiles (PNN) et examen direct positif.
Pas d’argument à la bandelette urinaire.
Les virus sont les agents infectieux les plus fréquents des méningites chez l’enfant.
Ici, l’analyse du liquide céphalo-rachidien retrouvait des arguments pour une méningite bactérienne (liquide trouble, hypercellularité à PNN, hyperprotéinorachie, hypoglycorachie, et examen direct positif). 60 % des méningites avant 1 an sont dues au pneumocoque. Le méningocoque reste à redouter à tout âge.
Vous diagnostiquez une méningite purulente.
Question 4 - Quel traitement introduisez-vous aux urgences (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Traitement de l’otite moyenne aiguë suppurée simple.
Pas le traitement de première intention en cas de méningite à pneumocoque.
Pas d’argument sur le liquide céphalo-rachidien pour une méningite virale due au virus herpès simplex (HSV).
Antibiothérapie large spectre à dose méningée.
Car méningite à pneumocoque.
Il est important d’effectuer une détermination de la concentration minimale inhibitrice (CMI) de l’amoxicilline et des céphalosporines de troisième génération (C3G) pour le pneumocoque étant donné la sensibilité parfois intermédiaire aux bêtalactamines.
La dexaméthasone est à introduire de façon concomitante ou jusqu’à 12 heures suivant la première injection d’antibiothérapie en cas d’orientation diagnostique pour une méningite à pneumocoque ou à Hæmophilus influenzæ de type b chez l’enfant. Elle est non recommandée en cas d’immunodépression ou toute autre méningite à autre germe.
Vous introduisez un traitement par céfotaxime 300 mg/kg/j en 4 injections, dexaméthasone 0,15 mg/kg/6 heures par voie intraveineuse pendant 4 jours et paracétamol 15 mg/kg/6 heures per os à visée antalgique et antipyrétique.
Question 5 - Le patient est hospitalisé dans un service de pédiatrie générale. Que devez-vous mettre en place dans ce contexte (une ou plusieurs réponses exactes) ?
En cas de méningite à méningocoque pendant 24 heures.
Risque de surdité acquise en cas de méningite bactérienne.
En cas de méningite à méningocoque.
À vérifier systématiquement en pédiatrie.
Les méningites bactériennes sont à l’origine d’une mortalité élevée dans les pays en voie de développement et de séquelles neurodéveloppementales et sensorielles dans les pays industrialisés. La méningite à pneumocoque est la première cause de surdité acquise chez le nourrisson. En cas de méningite bactérienne, le contrôle de l’audition se fait par audiométrie comportementale et potentiels évoqués auditifs à J15 de l’épisode aigu, puis tous les 3 mois pendant 1 an.
Alexandre est hospitalisé dans le service de pédiatrie générale. Selon son carnet de santé, il a bien reçu 2 injections pour le vaccin hexavalent, 2 autres pour le vaccin antipneumococcique à 13 valences et même 1 injection de vaccin anti-méningococcique de types B et C.
Au bout de 48 heures, il est apyrétique, s’alimente mieux aux biberons et est souriant. Le périmètre crânien est stable, mesuré à 43 cm. Il n’a pas eu de nouvelle crise convulsive. Par ailleurs, la culture du liquide céphalo-rachidien est bien positive à pneumocoque, CMI de C3G à 0,2 mg/L.
Question 6 - Au vu de l’évolution, vous prévoyez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Non systématique, à faire uniquement cas d’évolution non favorable au bout de 48 heures.
Non systématique, à faire uniquement cas d’évolution non favorable au bout de 48 heures.
Il est important de vérifier s’il s’agit d’un sérotype vaccinal ou non pour étayer l’étiologie d’un déficit immunitaire potentiel.
En cas de méningite à méningocoque seulement.
Systématique en cas d’infection invasive (sepsis, méningite) à germe encapsulé (pneumocoque, Hæmophilus influenzae de type b et méningocoque).
Un examen de contrôle du liquide céphalo-rachidien est à réaliser :
– en cas d’évolution clinique défavorable ;
– 48-72 heures après antibiothérapie si l’évolution clinique est défavorable, après imagerie cérébrale en cas de permanence d’anomalies neurologiques ;
– il est recommandé après 48 heures d’antibiothérapie en cas de méningite à pneumocoque avec CMI de C3G > 0,5 mg/L ou en cas de germe inhabituel.
Alexandre est hospitalisé 15 jours pour poursuivre son antibiothérapie intraveineuse et son état évolue favorablement. Avant son retour au domicile, vous vous assurez qu’il a bien eu audiométrie et potentiels évoqués auditifs à J15, puis que les autres sont bien prévus tous les 3 mois pendant 1 an.
Question 7 - Étant donné le premier épisode d’infection invasive à germes encapsulés, vous réalisez un bilan de première intention à la recherche d’un déficit immunitaire comprenant (une ou plusieurs réponses exactes) :
Pas en première intention.
Pas en première intention, mais y penser en deuxième intention car les déficits du complément sont responsables d’infections bactériennes invasives (méningocoque surtout). À faire en cas de méningite à méningocoque.
Le bilan de première intention pour l’exploration d’un déficit immunitaire comprend : hémogramme-plaquettes, dosage pondéral des immunoglobulines et sérologies post-vaccinales T-dépendantes (DTP notamment).
Penser au frottis sanguin à demander en cas d’infection invasive à germe encapsulé à la recherche de corps de Jolly en faveur d’une asplénie ou hyposplénie. 
À noter que les sérologies post-vaccinales et post-infectieuses sont à analyser avec prudence avant 6 mois du fait de la présence d’anticorps maternels. Par ailleurs il existe un défaut de production d’anticorps anti-polysaccharidiques avant 2 ans, la production des anticorps antipneumococciques n’est donc pas évaluable avant cet âge.
En cas d’anomalie dans le bilan de première intention, le phénotypage lymphocytaire T-B-NK est à réaliser dans un premier temps, puis dans un deuxième temps selon avis spécialisé sera réalisé un test de transformation lymphoblastique (ou proliférations lymphocytaires).

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