ous êtes de garde aux urgences gynécologiques, vous recevez Mme B., âgée de 26 ans, pour des douleurs abdomino-pelviennes légères initialement localisées à droite. Elle dit avoir un retard de règles de trois semaines et des métrorragies à type de traces depuis quatre jours.

Elle a comme seul antécédent une salpingite à Chlamydia il y a deux ans, bien traitée. Son groupe sanguin est O négatif. Elle a un indice de masse corporelle (IMC) à 34 kg/m2. Elle fume trois cigarettes par jour. Sur le plan gynécologique, elle est nullipare et a une contraception par dispositif intra-utérin au cuivre (DIU).

L’examen clinique révèle :

– pression artérielle = 132/89 mmHg, fréquence cardiaque = 70 bpm, apyrétique ;

– bandelette urinaire (BU) : protéines traces, leucocytes ++, sang +, nitrites - ;

– bêta-hCG urinaires : positifs.

L’abdomen est souple dépressible, sensible dans son ensemble. L’examen au spéculum objective un col sain, des traces de sang provenant de l’orifice externe du col, pas de lésion de la filière génitale. Au toucher vaginal, l’utérus est de taille normale sans douleur à la mobilisation ni à la palpation des culs-de-sac vaginaux. Elle n’a pas de signe fonctionnel urinaire ni de trouble du transit.
Question 1 - Quelles sont vos hypothèses diagnostiques (une ou plusieurs réponses exactes) ?
La présence de leucocytes ainsi que de sang à la BU peut faire penser à un tableau de migration lithiasique dans ce contexte de douleur abdominale. La douleur serait en revanche plutôt lombaire et irradiant vers les organes génitaux, le long du trajet de l’uretère.
Différents éléments de ce cas clinique orientent vers une grossesse extra-utérine (tabagisme, antécédent de salpingite, DIU, douleur latéralisée. Les GEU sont souvent liées à des altérations de la motilité tubaire :
– tabagisme (avec effet-dose) ;
– antécédent d’infection génitale haute ou de salpingite ;
– antécédent de GEU ;
– endométriose ;
– procréation médicalement assistée, attention dans ce cas aux grossesses hétérotopiques ;
– DIU au cuivre (pas un réel facteur de risque de GEU mais statistiquement plus souvent associé au GEU : le DIU protège du risque de grossesse intra-utérine mais beaucoup moins du risque de grossesse extra-utérine, il y a donc statistiquement plus de grossesses extra-utérines chez les femmes qui tombent enceintes sous DIU que de grossesses intra-utérines) ;
– microprogestatifs ;
– antécédent de chirurgie tubaire ;
– malformations utérines ;
– âge maternel avancé.
Cause très fréquente des métrorragies du premier trimestre, les saignements peuvent être dus à un décollement trophoblastique ou être idiopathique, liés à l’érosion des capillaires de l’endomètre lors de la formation des chambres intervilleuses.
La patiente n’a pas de signe fonctionnel urinaire. Une leucocyturie seule ne définit par une cystite.
Les différentes étiologies des métrorragies sont :
Pour avancer dans vos hypothèses diagnostiques, vous réalisez une échographie pelvienne par voie sus-pubienne et endovaginale après avoir recueilli le consentement de la patiente.
Question 2 - Quels signes échographiques sont évocateurs de grossesse extra-utérine (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Une hématométrie correspond à du sang à l’intérieur de la cavité utérine. Elle peut parfois être prise pour un pseudo-sac gestationnel quand elle est associée à des caillots de sang. Raison pour laquelle on ne peut parler de sac gestationnel intra-utérin que lorsque l’on a une vésicule vitelline visible à l’échographie.
Cet aspect est évocateur d’une môle hydatiforme ou grossesse molaire. Cette dernière est une maladie tumorale trophoblastique liée à des anomalies de la fécondation et qui concerne 1 à 2 grossesses sur 1 000. Elle peut être partielle (embryonnée associée à des triploïdies) ou complète (avec un trophoblaste multivésiculaire qui occupe la totalité de la cavité utérine, non liée à des anomalies chromosomiques mais plus à risque de développer des tumeurs gestationnelles comme le choriocarcinome, associée à des diploïdies partielles le plus souvent).
Cliniquement : elle se manifeste par des métrorragies, des signes sympathiques de grossesse exacerbés.
Biologie : taux d’hCG anormalement élevé (> 10 000 UI/L).
Échographie : images intra-utérines vacuolaires ou en tempête de neige, les ovaires peuvent être augmentés de volumes et polykystiques (liés à l’hyperstimulation induite).
L’échographie gynécologique se déroule toujours de la même façon. On commence par une échographie transabdominale pour regarder l’espace hépatorénal de Morrison, l’utérus par voie sus-pubienne, les ovaires et la présence éventuelle d’une volumineuse masse latéro-utérine. On regarde ensuite par voie endovaginale l’utérus, le cul-de-sac de Douglas ainsi que les ovaires plus précisément et les trompes.
Le diagnostic de grossesse extra-utérine est difficile et repose sur des signes direct et indirects :
À l’échographie, vous obtenez les images suivantes.
Figure 1 (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)

Vous décidez de prélever un bilan sanguin : Hb 12,3 g/dL ; plaquettes 240 G/L ; ionogramme plasmatique sans particularité ; créatinémie 66 µM ; pas de cytolyse hépatique ; B-hCG 900 UI/L.
Question 3 - Quelle est votre prise en charge (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Il n’y a aucune indication à hospitaliser une suspicion de grossesse extra-utérine pour surveillance. Soit il s’agit bien d’une GEU et le traitement est urgent, soit il ne s’agit pas d’une GEU et il n’y pas de raison d’hospitaliser la patiente.
La grossesse est de localisation indéterminée, en l’absence de signe de gravité et avec un taux de B-hCG de moins de 1 500 UI/L, il n’y a pas d’indication à instaurer un traitement médicamenteux de la grossesse extra-utérine.
Le méthotrexate est un anti-folinique. Il faut avant de le prescrire réaliser un bilan biologique comprenant NFS, bilan d’hémostase, ionogramme plasmatique, créatinémie et bilan hépatique.
Les contre-indications du méthotrexate sont : les dyscrasies sanguines, l’insuffisance hépatique, l’alcoolisme, un DFG < 20 mL/min, infections, immunodéficience, grossesse évolutive, allaitement, vaccins vivants réalisés il y a moins de trois semaines, ulcères de la cavité buccale ou gastro-intestinale.
Il faut prévenir la patiente des effets indésirables (nausées, diarrhée, exacerbation des douleurs à J3), du risque d’échec (2e injection, traitement chirurgical en urgence), et de la nécessité d’un suivi régulier et prolongé de la décroissance du taux de B-hCG.
En cas de rhésus maternel négatif (la patiente n’a pas d’antigènes D sur ses globules rouges), et de rhésus fœtal positif (et a donc des antigènes D sur ses globules rouges), il y a un risque d’allo-immunisation, c’est à dire que la mère synthétise des anticorps dirigés contre les globules rouges de son fœtus (anti-corps anti-D). Il y a alors un risque d’anémie fœtale par hémolyse pour la prochaine grossesse.
D’où la nécessité d’injecter dans les soixante-douze heures après le début des métrorragies des immunoglobulines anti-D afin d’empêcher le passage de ces anticorps à travers la barrière placentaire (Rhophylac).
Les situations à risque d’allo-immunisation sont :
– métrorragies (à n’importe quel terme de la grossesse) ;
– fausse couche spontanée précoce, IVG, GEU ;
– amniocentèse, biopsie de trophoblaste ;
– réduction embryonnaire ;
– choc abdominal ;
– accouchement ;
– hémorragie fœto-maternelle (MFIU) ;
– version par manœuvre externe dans le cadre d’un fœtus en présentation du siège.
Il est nécessaire de contrôler la cinétique de croissance du taux de bêta-hCG.
Une grossesse de localisation indéterminée est définie par la non-visualisation d’un sac gestationnel intra-utérin avec un taux de bêta-hCG plasmatiques inférieur à 1 500 UI/L.
Il faut alors répéter le dosage de bêta-hCG plasmatiques à 48 heures :
– s’il double, il s’agit très probablement d’une grossesse intra utérine évolutive ;
– s’il stagne ou augmente de manière insuffisante, une grossesse extra-utérine est très probable ;
– s’il diminue, on évoque une grossesse arrêtée.
Mme B. revient 24 h après pour des fortes douleurs latéralisées à droites. Elle n’a plus de métrorragies, sa pression artérielle est à 90/65 mmHg et sa fréquence cardiaque est à 110 bpm.
Question 4 - Quelle est votre hypothèse diagnostique principale ?
Une torsion d’annexe n’est pas une urgence vitale. Ainsi même s’il s’agit d’une réelle urgence gynécologique, le contexte ici doit faire prioriser une grossesse extra-utérine rompue d’autant plus qu’il n’y avait pas de kyste ovarien à l’échographie précédente, ce qui est le principal facteur de risque de torsion.
Dans ce contexte de grossesse de localisation indéterminée, d’apparition brutale d’une douleur latéralisée, l’hypothèse à évoquer est celle de la GEU rompue. Il s’agit en effet d’une urgence vitale.
L’échographie retrouve les images suivantes.
Figure 2 (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Question 5 - Quelle est votre analyse des images échographiques (une ou plusieurs réponses exactes) ?
 
Figure 3 (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)

L’échographie pelvienne se divise en deux temps :
• Par voie transabdominale / sus-pubienne d’abord :
          – On regarde l’espace de Morrison, l’utérus, les ovaires et on vérifie qu’il n’y a pas de volumineuse masse pelvienne.
• Par voie endovaginale :
          – On regarde l’utérus en coupe transversale et longitudinale, les ovaires et le cul-de-sac de Douglas.
Figure 4a (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4b (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4c (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4d (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4e (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4f (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4g (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4h (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Figure 4i (Rodolphe Matias de Sousa, La Revue du Praticien)
Sur ces images on objective une masse latéro-utérine et un hémopéritoine massif remontant jusqu’à l’espace de Morrison. Le diagnostic de grossesse extra-utérine rompue est posé.
Question 6 - Quelle prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Le traitement par misoprostol (Gymiso, MisoOne…) ne concerne que les grossesses intra-utérines. Il donne des contractions et permet l’expulsion du contenu de l’utérus et n’est donc pas efficace en cas de grossesse extra-utérine.
L’injection de méthotrexate est contre indiquée en cas de :
- B-hCG > 5 000 UI/L ;
- Activité cardiaque fœtale ;
- Instabilité hémodynamique ;
- Hémopéritoine à l’échographie ;
- Défense abdominale ;
- Mauvaise compliance, précarité, domicile à plus d’une heure de l’hôpital ;
- Contre-indication au méthotrexate ;
- Refus de la patiente.
En première intention, la chirurgie à organiser est une coelioscopie exploratrice qui peut en cas de difficulté être convertie en laparotomie.
Une hystéroscopie ne permet pas d’accéder à la cavité péritonéale ni aux trompes.
Cette situation est une urgence vitale immédiate. En coopération avec l’équipe d’anesthésie, il faut stabiliser la patiente et réaliser une prise en charge chirurgicale rapidement.
La coelioscopie se déroule sans complication. À l’exploration de la cavité pelvienne, on objective une grossesse extra-utérine rompue avec un épanchement modéré dans le cul de sac de Douglas. Il est réalisé sans difficulté une salpingectomie droite.
Question 7 - Quelle surveillance organisez-vous par la suite (une ou plusieurs réponses exactes) ?
La grossesse extra-utérine a été objectivée en per-opératoire. Elle en fait pas de doute, il n’y a donc pas besoin de la confirmer à la biologie ou à l’échographie. Il n’y a pas de nécessité de suivi de décroissance après le traitement chirurgical en l’absence de doute.
Il convient de vérifier que la patiente après avoir saigné massivement, n’a pas d’anémie profonde.
L’hémopéritoine va se résorber spontanément sans qu’il soit nécessaire de le contrôler.
Le DIU n’est pas responsable de la grossesse extra utérine, il n’y a pas lieu de l’enlever.
Il faut aussi informer la patiente que pour la prochaine grossesse, elle devra faire une échographie précoce de localisation de grossesse, car il y a un risque de récidive de GEU de 20 % quel que soit le traitement (radical ou conservateur). Il est également important de lui dire qu’une salpingectomie n’augmente pas le risque d’infertilité.
Après un traitement par méthotrexate, il n’y a plus de délai minimum à respecter avant une prochaine grossesse contrairement à de nombreuses pratiques toujours existantes. Voir : CRAT. Méthotrexate – Grossesse. 5 avril 2024.

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