Par un après-midi de décembre, vous accueillez aux urgences M. M., âgé de 63 ans, pour une altération de l’état général fébrile. Depuis deux jours, il déclare en effet se sentir « moins bien », avec des frissons, une odynophagie et des myalgies diffuses.

Il a comme seuls antécédents médicaux une hypertension artérielle et une hypertrophie bénigne de la prostate. Vous notez qu’il a comme traitement de fond de l’irbésartan et du Kardegic, et ne se connaît pas d’allergie médicamenteuse.

Il consulte ce jour devant l’apparition de vomissements avec des céphalées frontales inhabituelles. À son admission, les paramètres vitaux sont : pression artérielle (PA) = 103/37 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 114/min ; saturation en oxygène (SpO2) = 93 % en air ambiant ; température (T°) = 38,7 °C ; fréquence respiratoire (FR) = 24/min.

Cliniquement, l’hémodynamique reste conservée. Vous n’identifiez pas de lésion cutanée notable. L’auscultation pulmonaire reste bilatérale et symétrique sans signe de lutte respiratoire. L’examen endo-buccal révèle une discrète pharyngite sans augmentation majeure des amygdales.

Sur le plan neurologique, vous trouvez toutefois M. M. un peu ralenti, avec une confusion et une ouverture des yeux seulement à la commande verbale. Il existe par ailleurs un déficit à l’abduction de l’œil droit – sans autre anomalie à l’examen des paires crâniennes (réflexe photomoteur direct et croisé conservé). Vous notez une discrète raideur de nuque.

Vous suspectez une infection du système nerveux central. 
Question 1 - Quel(s) signe(s) clinique(s) de gravité présent(s) dans l’observation identifiez-vous à ce stade ?
L’altération de la vigilance est un signe d’alerte, mais l’altération profonde de la vigilance en tant que signe de gravité devant faire rechercher une méningo-encéphalite est plutôt fixée pour un score de Glasgow 11, contre 13 dans ce cas.
Une pression artérielle à 103/37 mmHg (59 mmHg de pression artérielle moyenne), surtout pour un patient hypertendu connu, doit faire suspecter un sepsis.
Peu spécifiques et fréquentes dans beaucoup de viroses.
Oui, c’est le principal signe de gravité (signe focal++) devant faire suspecter une méningo-encéphalite ou une hypertension intracrânienne.
Les paramètres vitaux (SpO2, FR) peuvent faire suspecter une défaillance respiratoire ou une acidose métabolique – même si, certes, ce n’est pas au premier plan.
Question 2 - Quelle est votre attitude ? (Une ou plusieurs réponses exactes).
L’antibiothérapie dans les méningites/méningo-encéphalites reste une urgence absolue, avec normalement une initiation au plus tard dans les trois heures après l’admission au service d’accueil des urgences (augmentation majeure de la mortalité et des séquelles pour chaque heure de retard ++).
Les contre-indications à la ponction lombaire sont dans l’ensemble devenues rares depuis la recommandation de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) de 2018. Elle reste contre-indiquée dans les cas suivants :
– infection cutanée étendue sur le site de ponction ;
– instabilité hémodynamique ou respiratoire ;
– trouble de l’hémostase connu (thrombopathie, anticoagulation efficace, saignement évocateur de coagulation intravasculaire disséminée [CIVD]…).
De plus, les indications à une imagerie cérébrale (TDM cérébrale) avant la ponction lombaire sont :
– un signe de localisation ;
– une crise comitiale focale et récente ;
– une altération profonde de la vigilance (score de Glasgow < 11) avec signes d’engagement cérébral (anomalies pupillaires, dysautonomie, décérébration ou décortication…).
En dehors de ces cas de figure, la ponction lombaire doit se faire sans délai, avec début de l’antibiothérapie en fonction de l’aspect macroscopique (début immédiat si l’aspect est trouble, possibilité de différer le temps de l’examen direct en cas d’absence de signe neurologique typique et liquide clair).
En cas d’indication de TDM cérébrale (avec le risque de retard de traitement du fait du délai de l’examen, de l’interprétation, du brancardage…), l’initiation d’un traitement anti-infectieux se fait sans délai, après réalisation d’hémocultures.
Dès la réalisation d’hémocultures périphériques, vous débutez donc un traitement anti-infectieux avant de réaliser une TDM cérébrale – qui s’avèrera sans anomalie notable. Vous réalisez ensuite la ponction lombaire, qui objective un liquide cérébrospinal (LCS) trouble.
Question 3 - Quel(s) traitement(s) anti-infectieux vous semble(nt) le plus adapté ? (Une ou plusieurs réponses exactes)
Le LCS trouble évoque une pléiocytose, sans pouvoir préjuger de la formule ni de l’examen direct.
Si la TDM élimine la présence d’une collection intra-parenchymateuse, le signe de localisation fait redouter une méningoencéphalite et doit faire élargir le spectre des anti-infectieux : ajout d’amoxicilline pour couvrir Listeria monocytogenes (classiquement à l’origine d’une thrombo-encéphalite (syndrome cérébelleux, atteintes des paires crâniennes), et d’aciclovir pour les Herpèsvirus (Herpes simplex virus [HSV] et virus varicelle-zona [VZV] notamment ++).
La dexaméthasone quant à elle réduit significativement le risque de séquelle. Elle est normalement recommandée en cas d’infection à pneumocoque et méningocoque chez l’adulte, et à pneumocoque et Haemophilus influenzae chez l’enfant. Toutefois, son administration est d’autant plus efficace qu’elle est faite AVANT l’initiation de l’antibiothérapie, ou au plus tard jusqu’à douze heures après. En pratique, elle est donc indiquée d’emblée en cas de LCS trouble, même si l’examen direct revient finalement négatif. Elle est d’ailleurs également indiquée en cas de contre-indication à la ponction lombaire.
M. M. avait finalement une méningite documentée à Neisseria meningitidis – d’évolution favorable sous céfotaxime et dexaméthasone. L’enquête épidémiologique n’a pas permis de retrouver le cas index, et aucun cas secondaire n’a été documenté après antibioprophylaxie de ses proches.
Il consulte à nouveau son médecin généraliste en février pour l’apparition depuis deux jours d’une dyspnée d’effort associée à une toux grasse avec expectorations verdâtres. Au cabinet, ses paramètres vitaux sont : SpO2 = 91 % en air ambiant ; T° =38,1 °C ; FR = 26/min. Cliniquement, il a une polypnée superficielle avec un discret tirage sus-claviculaire. On identifie par ailleurs un foyer de crépitants en base gauche.
Son médecin généraliste l’adresse au service d’accueil des urgences.
Question 4 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) réalisez-vous ? (Une ou plusieurs réponses exactes)
Le traitement des pneumonies aiguës communautaires fait l’objet d’une recommandation de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et de la Société de réanimation de langue française (SRLF)… qui devrait paraître courant 2024. Elle précisera notamment la place des examens complémentaires à réaliser.
La réalisation d’antigénuries – que ce soit pneumocoque ou légionelle – est surtout réservée aux services de soins intensifs. Elle n’est pas indiquée en ambulatoire, et peut se discuter en cas de signes évocateurs de légionellose (contexte épidémique, hyponatrémie avec élévation des CPKs, évolution défavorable sous bêtalactamines…). L’antigénurie pneumocoque en hospitalisation conventionnelle, quant à elle, est de moins en moins pratiquée en l’absence de sanction thérapeutique notable.
Par ailleurs, la balance coût-bénéfice des tests PCRs reste encore à déterminer, et la réalisation de PCRs Multiplex nasopharyngées (plus de 100 euros) pour tout symptôme respiratoire est probablement excessive. En ce sens, en l’absence de sanction thérapeutique, elle est plutôt recommandée en cas de contexte épidémique nosocomial ou en cas de suspicion de bactérie intracellulaire. La réalisation d’un test PCR grippe/VRS/SARS-CoV-2, surtout en période épidémique, reste en revanche d’actualité en cas de signe clinique évocateur. 
À noter : on estime que les pneumonies liées uniquement à des infections virales, sans co-infection bactérienne, sont probablement fortement sous-estimées (estimation de l’ordre d’un tiers des pneumonies).
M. M. est finalement hospitalisé en service de maladie infectieuse, où une antigénurie pneumocoque est réalisée – positive. Il reste eupnéique sous 3 L/min d’O2.
Question 5 - Quelle attitude thérapeutique vous semble la plus semble adaptée ? (Une ou plusieurs réponses exactes).
Question basée sur la recommandation de novembre 2022 de la Société de pathologie infectieuse de langue française et du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (SPILF/GPIP). La durée d’antibiothérapie des infections communautaires est un champ important d’évolution en maladies infectieuses – surtout avec l’essor de l’antibiorésistance et la nécessité de moins consommer d’antibiotiques.
Dans cette recommandation, la durée d’antibiothérapie des pneumonies aiguës communautaires avec critères de stabilité recommandée est de cinq jours (B1), et sera abaissable à trois jours en cas d’évolution favorable à quarante-huit heures (apyrexie, oxygénothérapie < 2 L/min, absence de confusion – grade A1) dans les prochaines recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française, de la Société de pneumologie de langue française, de la Société française de médecine d’urgence et de la Société de réanimation de langue française (SPILF/SPLF/SFMU/SRLF) à venir en 2024. Un traitement de sept jours voire plus – s’il n’est pas une erreur – doit quant à lui être réservé aux complications documentées (pleurésie associée…) ou en l’absence d’évolution favorable à J3. Dans tous les cas, il reste très important de réévaluer l’antibiothérapie à quarante-huit heures de son initiation.
La corticothérapie (hydrocortisone 200 mg/j) a également montré son efficacité, mais n’est actuellement recommandée qu’en cas de pneumonie aiguë communautaire sévère (soins intensifs).
Le choix de l’antibiothérapie, enfin, est discutable. Streptococcus pneumoniae – même en cas de mutation des PLPs – reste habituellement sensible aux bêtalactamines ; et un traitement par amoxicilline est tout à fait adapté. De manière générale, il faut toujours privilégier un traitement avec le spectre le plus étroit, de préférence per os. L’azythromycine, en revanche, est fréquemment associée à des résistances chez Streptococcus pneumoniae, et doit être évitée dans ce cas.
L’évolution est favorable sous amoxicilline, avec apyrexie et sevrage en oxygène après quarante-huit heures d’antibiothérapie – autorisant son arrêt au bout de trois jours de traitement. 
Inquiet, il vous interroge toutefois sur la répétition de ces infections graves et le risque de récidive.
Question 6 - Dans le cas de M. M., quel examen de première intention réaliseriez-vous pour éliminer un déficit immunitaire acquis ? (Une ou plusieurs réponses exactes).
En deuxième intention (sauf en cas d’hyperlymphocytose, en présence d’un syndrome tumoral clinique ou autre élément évocateur).
M. M. a eu deux infections graves à germes encapsulés (Streptococcus pneumoniae et Neisseria meningitidis). La recherche d’un déficit immunitaire acquis doit donc avant tout se concentrer sur un déficit humoral (hypogammaglobulinémie, asplénisme…) ou, dans une moindre mesure, du complément. En première intention, la réalisation d’une numération formule sanguine (NFS) avec formule leucocytaire (corps de Jolly ? lymphocytose et LLC ?) et d’une électrophorèse des protéines sériques est indiquée. Le reste des examens relève plus d’examens de seconde intention.
La sérologie VIH – quant à elle – est indiquée de manière globale en dépistage pour toute personne ayant une infection grave – a fortiori en cas d’infection récidivante. À titre indicatif, 15 à 20 % des nouveaux diagnostics d’infection par le VIH touchent des sujets de plus de 50 ans.
À noter enfin, il peut également se justifier de réaliser une TDM thoracique à distance de l’infection – a fortiori en cas de tabagisme (mode de révélation non rare d’une néoplasie pulmonaire).
L’électrophorèse des protéines sériques révèle une hypogammaglobulinémie profonde (3 g/L), sans lymphocytose associée. Vous complétez le bilan par le dosage des chaînes légères sériques et urinaires, qui vous permettent de poser le diagnostic de myélome à chaînes légères, sans autre critère CRAB. Un traitement est prévu dans les semaines à venir.
Question 7 - Dans le cas de M. M., quel vaccin proposez-vous dans ce contexte ? (Une ou plusieurs réponses exactes).
Dans le cas présent, M. M. a une immunodépression essentiellement humorale, le prédisposant aux germes encapsulés (pneumocoque, méningocoque, Haemophilus influenzae), mais aussi aux infections hivernales (SARS-CoV-2, grippe, VRS). D’où l’importance d’une vaccination – même en présence d’une hypogammaglobulinémie et du risque de réponse atténuée.
M. M. est également plus susceptible à une réactivation de VZV, mais les vaccins actuellement disponibles en France sont vivants atténués – et donc contre-indiqués dans le cas présent.
À noter, l’actualité vaccinale évolue rapidement. Un vaccin anti-VZV non vivant a ainsi récemment été développé, et est d’ores et déjà recommandé chez les adultes immunocompétents de 65 ans et plus, ainsi que pour les immunodéprimés. Un vaccin conjugué contre le pneumocoque (Prevenar 20 en une dose) a par ailleurs été commercialisé, et sera prochainement remboursé – bien que les données concernant les populations immunodéprimées soient encore limitées. 
Un vaccin ciblant le VRS, enfin, est également commercialisé et pourrait être recommandé pour les adultes immunocompétents de 60 ans et plus courant 2024.

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