Médecin généraliste en cabinet, vous recevez le jeune Théo, 3 ans, accompagné par son papa pour sa visite annuelle. Théo est le premier enfant du couple, le développement psychomoteur est sans particularité hormis une hospitalisation à la naissance en soins intensifs pour prématurité.

Vous observez un enfant aux yeux cernés. En effet, lors de la consultation, le père rapporte des difficultés à l’endormissement : les parents doivent rester avec lui jusqu’à ce qu’il s’endorme, ce qui peut prendre jusqu’à deux heures par soir. S’ils le laissent seul, il pleure jusqu’à parfois se faire vomir. Au vu de la fatigue engendrée des deux côtés, ils ont décidé il y a peu de ramener son lit dans la chambre parentale.

La scolarité a débuté il y a trois mois, avec difficulté. Il n’a jamais été gardé en collectivité avant la maternelle. Tous les matins, il s’agite au moment d’aller en classe, il « pique des crises », retardant le départ des parents. Pour autant, l’école se passe bien pour lui, il est bien intégré et ne craint pas de s’exprimer en classe. Il est fréquent que sa mère vienne le récupérer en journée car il se plaint de maux de ventre (les explorations somatiques sont négatives). Quand sa mère le dépose alors chez ses grands-parents pour retourner travailler, il reste tout l’après-midi assis devant la porte à attendre son retour, soucieux.
Question 1 - Vous suspectez un diagnostic de (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le refus scolaire anxieux n’est pas un diagnostic en soi, mais peut devenir la conséquence d’un trouble anxieux.
Le trouble anxieux généralisé est durable (évoluant depuis plus de six mois) avec des inquiétudes dirigées sur au moins deux thèmes différents.
L’anxiété de séparation peut survenir dès l’entrée en maternelle. Elle est définie comme la crainte que quelque chose de grave arrive à l’enfant ou aux figures d’attachement lors des séparations. En conséquence, l’enfant évite les séparations des figures d’attachement (au coucher, à l’école…) et refuse d’être éloigné de ses parents.
Développement d’un trouble de l’attachement désorganisé lors de réponses parentales imprévisibles : l’attachement désorganisé reflète l’incapacité de l’enfant à organiser ses réponses d’attachement envers le parent lors de moments de stress ou de détresse. Au lieu de ça, l’enfant démontre un éventail de comportements atypiques, contradictoires ou désorientés envers le parent.
Après discussion avec Théo et son père, vous posez le diagnostic d’une anxiété de séparation. Vous prévoyez une nouvelle consultation avec les deux parents et l’enfant pour leur expliquer le fonctionnement de ce trouble. La mise en place de règles d’hygiène de vie et de sommeil, des ouvrages sur l’anxiété destinés aux enfants, des techniques de relaxation et la supervision de l’arrivée à l’école permettent une amélioration puis la disparition de la symptomatologie.
La scolarité de Théo se passe sans difficulté, mais il reste décrit par ses parents comme un garçon sensible et rapidement préoccupé. Ils demandent une nouvelle consultation après l’entrée en 6e. Théo a 11 ans et, depuis plusieurs mois, il demande à ses parents de l’aider à réaliser des rituels de plus en plus prenants. Par exemple, il ne doit jamais toucher le bord d’un pavé du trottoir sur le chemin du collège et, s’il ne réussit pas, il fait demi-tour et recommence depuis sa maison. Du fait de retards répétés, ses parents doivent l’accompagner. Il peut mettre trente-cinq minutes à parcourir les 800 mètres de trajet. Quand ses parents s’interposent, Théo est envahi d’angoisse, il se met à trembler, à respirer très vite, angoissé, et ses parents n’arrivent plus du tout à le rassurer. Il peut alors s’agiter, pleurer, voire devenir auto- ou hétéro-agressif.
En entretien, Théo vous explique avec réticence que c’est son seul moyen de rester dans le monde réel. Il est persuadé que s’il n’arrive pas à réaliser ses rituels, il risque de partir dans un monde parallèle où il ne reverra plus jamais ses parents. C’est ce qu’il ressent quand ses parents l’interrompent et qu’il panique, il ne reconnaît plus son environnement et il a l’impression que le monde n’est plus réel. Il lui est déjà arrivé de se mordre pour être sûr d’être dans le « vrai » monde. Il n’a aucune conscience du caractère pathologique de ses pensées et de son comportement.
Question 2 - Vous suspectez un diagnostic de (une ou plusieurs réponses exactes) :
Absence de syndrome négatif ou de désorganisation rapportés, mais des obsessions/compulsions non critiquées, correspondant à un trouble obsessionnel compulsif (TOC) avec un insight très faible.
Pas de trouble de la personnalité avant 18 ans. Le trouble de la personnalité schizotypique se caractérise par des compétences sociales altérées, une vie psychiquement riche, marquée par des croyances bizarres (distorsions cognitives) et des champs d’intérêts particuliers et originaux.
Pas de trouble de la personnalité avant 18 ans. Le trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive se manifeste par une méticulosité, un souci du détail, de l’ordre, une rigidité, un perfectionnisme, une tendance à la procrastination et une prudence excessive. Il n’a rien à voir avec le trouble obsessionnel compulsif, il n’y a ni obsession ni compulsion.
On parle de « trouble panique » quand une personne souffre d’épisodes de crises d’angoisse aiguë (ou attaques de panique), qui se réitèrent pendant un mois ou plus, avec la crainte perpétuelle d’en vivre un nouveau. C’est cette appréhension qui peut alors déclencher l’attaque de panique.
TOC avec absence de prise de conscience/absence d’insight  (= absence de conscience du trouble).
Vous diagnostiquez un trouble obsessionnel compulsif.
Question 3 - Vous expliquez la prise en charge à la famille (une ou plusieurs réponses exactes) :
La psychoéducation a une place primordiale dans la prise en charge des TOC. C’est celle-ci qui lui permettra de prendre conscience du trouble. Théo doit connaître cette maladie pour en identifier les symptômes et lutter contre. Un insight faible ou nul est un facteur de mauvais pronostic.
La connaissance des mécanismes et des répercussions (dont cette sensation de devenir fou) des attaques de panique permet de diminuer la peur de faire des attaques de panique.
L’évitement participe au maintien du trouble. Un des objectifs thérapeutiques est justement de diminuer l’évitement avec une exposition avec prévention de la réponse.
Une réassurance répétée ne fera que maintenir le TOC car celle-ci ne sera jamais suffisante pour la maladie. Il faut expliquer à Théo que nous lui avons déjà répondu et que nous nous répéterons pas.
L’entourage ne doit pas participer aux rituels ni faciliter l’évitement.
Vous revoyez la famille trois mois plus tard, l’état de Théo s’est aggravé, source de nombreux conflits familiaux. Il se couche à 1 h du matin du fait de la réalisation de ses rituels, il n’arrive plus à faire ses devoirs et n’écoute pas en cours. Ses parents participent aux compulsions pour essayer d’avancer dans leur journée. Les attaques de panique sont pluri-hebdomadaires. Il a déjà réalisé une dizaine de séances chez un psychologue. Vous orientez la famille vers une collègue pédopsychiatre. Au vu des délais, vous discutez déjà de l’initiation d’un traitement médicamenteux. Le bilan pré-thérapeutique est rassurant.
Question 4 - Vous prescrivez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Possible, mais pas d’efficacité sur les compulsions ni sur les obsessions.
Contre-indication des benzodiazépines avant 18 ans, risque majoré de réaction paradoxale.
Z-drugs ou « médicaments en Z » contre-indiqués avant 15 ans.
La buspirone n’est pas recommandée chez les enfants et les adolescents, de plus son action est retardée (environ après une semaine de traitement) et n’a donc aucun intérêt en « si besoin » pour une attaque de panique.
Souvent le double de la posologie recommandée dans l’épisode dépressif caractérisé, même chez l’enfant.
Vous continuez à suivre Théo durant son adolescence. La mise en route d’une thérapie cognitivo-comportementale associée à un antidépresseur à posologie élevée a permis la disparition du trouble après un an de prise en charge. L’antidépresseur a progressivement été interrompu six mois plus tard à la demande des parents. Vous continuez de voir Théo régulièrement, il est maintenant au lycée et n’a plus de suivi pédopsychiatrique. À l’approche du baccalauréat, vous observez qu’en cinq semaines Théo est devenu très irritable, il a du mal à dormir du fait de ruminations anxieuses et sa nuit est ponctuée par de nombreux éveils. Il se sent à bout, épuisé dès le matin, sans motivation pour aller à l’école même si ses résultats scolaires et son avenir le préoccupent beaucoup. Ses parents le décrivent en retrait, il se replie dans sa chambre, toujours à fleur de peau.
Question 5 - Vous devez suspectez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il est nécessaire d’écarter un trouble de l’usage d’une substance telle que le cannabis, dont la consommation ou le sevrage peuvent amener à des symptômes anxio-thymiques et hypnologiques comme ceux de Théo.
Idem.
Trouble du sommeil, anhédonie, perte de motivation, replis sur soi peuvent être les signes d’un épisode dépressif caractérisé. La tristesse peut s’exprimer par de l’irritabilité, particulièrement chez l’adolescent.
Le trouble anxieux généralisé consiste en une nervosité et une inquiétude excessives, à propos de nombreuses activités ou événements. Les personnes affectées sont anxieuses plus de jours qu’elles ne le sont pas pendant six mois ou plus. Ici, Théo est inquiet par la scolarité et son orientation certes, mais cela est relevé depuis seulement cinq semaines. Au vu de ses antécédents (anxiété de séparation, TOC), il est bien sûr à risque de développer un trouble anxieux généralisé.
Le manque de sommeil en lien avec une insomnie chronique peut avoir des répercussions thymiques importantes, notamment une majoration de l’anxiété participant à l’entretien de l’insomnie.
L’entretien ne retrouve pas de consommation de substances ni de pathologies psychiatriques. Vous préconisez une reprise d’une activité sportive malgré la fatigue, l’arrêt des excitants (café) et des heures régulières de lever. La mise en place de ces règles d’hygiène de vie suffit à mettre fin aux insomnies. Cette amélioration du sommeil permet une baisse significative de l’irritabilité et un regain de motivation. Théo passe son baccalauréat sans difficulté.
Il débute des études supérieures et revient vous voir régulièrement durant sa licence puis son master. Il s’inquiète rapidement de la moindre douleur thoracique. Il surveille via sa montre connectée sa tension artérielle, son rythme cardiaque et même ses cycles de sommeil. Les examens paracliniques écartent toute pathologie organique mais ne le rassurent que partiellement. Il vous confie s’inquiéter pour tous les détails du quotidien, que ce soit sur l’organisation de sa journée, la réalisation des trajets, l’invitation à une soirée… Il reste préoccupé par son avenir, que ce soit au niveau professionnel, financier ou même écologique. Ne supportant pas l’incertitude, il est rigide et attend la même chose des autres, source de conflits dans son couple et d’une perte de temps conséquente dans le milieu professionnel. Ces questionnements constants amènent à une asthénie quotidienne et des difficultés de concentration et de mémorisation, problématique dans son travail.
Question 6 - Votre diagnostic principal est (une seule réponse exacte) :
L’origine du trouble anxieux généralisé est multifactorielle. Nous pouvons supposer que Théo possède des facteurs de vulnérabilité génétique avec un tempérament anxieux et une sensibilité au stress, comme nous avons pu le voir tout le long du dossier avec les antécédents d’une anxiété de séparation puis d’un trouble obsessionnel compulsif. Cette histoire de vie, colorée par différents troubles anxieux en fonction de l’âge, représente classiquement le parcours de nombreux patients.
Question 7 - Vous proposez, comme prise en charge (une ou plusieurs réponses exactes) :
Possibilité d’utiliser le même antidépresseur qui a été efficace par le passé. En revanche, il est nécessaire de réintroduire progressivement le traitement, par palier, sans viser la posologie indiquée pour les TOC.
Les benzodiazépines doivent être utilisées de manière ponctuelle, limitée dans le temps, et ne constituent en aucun cas le traitement de fond du trouble anxieux généralisé. Il est possible d’en prescrire à la demande si le patient est dépassé par ses angoisses, ou en systématique s’il est dépassé et handicapé fonctionnellement par le trouble, ce qui n’est pas le cas ici. De plus, les benzodiazépines risquent de majorer l’asthénie (sédation) et les troubles mnésiques.

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