Vous recevez une patiente de 56 ans pour asthénie, dyspnée d’effort et œdèmes des membres inférieurs depuis plus de 6 mois, avec un liseré de calcifications découvert sur la radiographie thoracique, sans aucun antécédent évocateur.
Quel est votre diagnostic ?
Il s’agit d’une péricardite constrictive chronique. Voir explications ci-dessous.
Terrain évocateur : cancer, pilule + tabac, période postopératoire, post-partum, alitement, antécédents personnels ou familiaux de maladie thromboembolique. Douleur basithoracique associée à une dyspnée (+++) aiguë avec polypnée, toux, parfois hémoptysie tardive. Présence de signes de cœur pulmonaire aigu à l’ECG : tachycardie sinusale, aspect S1Q3, bloc de branche droite, ondes T négatives dans les précordiales droites (V1-V3). Radiographie de thorax souvent normale. Une douleur thoracique avec dyspnée et radiographie de thorax normale doit toujours faire évoquer le diagnostic (+++).
Si le diagnostic d’embolie pulmonaire est évoqué, on calcule la probabilité clinique selon le score de Wells ou Genève modifié. Si la probabilité clinique est faible, les D-dimères doivent être prélevés. S’ils sont positifs (> 500 ng/mL), un angioscanner thoracique ou une scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion doivent être demandés pour confirmer le diagnostic. Si probabilité clinique intermédiaire ou élevée, les D-dimères n’ont aucune place. Un traitement par HBPM doit être débuté avant même la confirmation diagnostique.
La cardiomyopathie restrictive est rare, caractérisée par l’altération du remplissage ventriculaire avec dysfonction diastolique par réduction du volume diastolique d’un ou des deux ventricules avec une fonction systolique conservée. L’amylose est la cause la plus fréquente de cette pathologie.
Les manifestations cliniques et hémodynamiques sont très proches de celle de la péricardite constrictive. Dans ce cas, on peut l’éliminer rapidement car la présence de calcifications péricardiques à la radiographie thoracique est en faveur de la péricardite constrictive.
En cas de doute diagnostique, le cathétérisme cardiaque est réalisé.
L’absence de contact avec les animaux, de vomique à l’interrogatoire et de la classique image en nénuphar (opacité dense, homogène, surmontée d’une clarté, séparée d’elle par un niveau ondulé) rend ce diagnostic peu probable.
La péricardite constrictive chronique (PCC) est une inflammation persistante et rare, qui entraîne la formation d’une coque rigide autour du cœur, limitant ainsi sa capacité à se dilater. Les cavités cardiaques droites sont particulièrement affectées. Elle peut être idiopathique ou survenir après une chirurgie cardiaque, une radiothérapie thoracique, ou à la suite d’une maladie systémique. Dans les pays émergents, les péricardites tuberculeuses et bactériennes sont plus fréquentes. Le symptôme initial le plus commun est la dyspnée, suivie de l’apparition progressive de signes d’insuffisance cardiaque prédominant du côté droit. Classiquement dans la radiographie thoracique, l’index cardiothoracique reste. Cependant, une cardiomégalie peut être observée en cas d’épaississement péricardique important, et surtout en présence d’un épanchement associé. Il est important de rechercher des calcifications, mieux visibles sur une radiographie de profil. Parfois, il est nécessaire d’évaluer la cinétique du cœur par scopie, ce qui permet de mieux visualiser les calcifications péricardiques.
L’échocardiographie transthoracique (ETT), essentielle pour le diagnostic, révèle un épaississement péricardique et/ou des calcifications, une constriction accompagnée d’une dilatation des cavités droites, un mouvement paradoxal du septum interventriculaire et une dilatation veineuse. Le scanner et l’IRM thoracique sont des examens complémentaires. Si une intervention chirurgicale est envisagée, un cathétérisme cardiaque est réalisé pour confirmer le diagnostic et exclure une cardiomyopathie restrictive. L’évolution spontanée de cette maladie est toujours sévère. Le traitement est chirurgical et consiste en une décortication péricardique (péricardiectomie).
Message à retenir : Une dyspnée inexpliquée, avec épanchement pleural récidivant, ascite et œdèmes chroniques réfractaires, doit faire évoquer une PCC. Il s’agit d’un diagnostic difficile à poser en raison du caractère aspécifique et insidieux de la symptomatologie cardio-pulmonaire, malgré des techniques diagnostiques performantes. Un niveau de présomption élevé est nécessaire en raison de l’existence d’un traitement chirurgical par péricardiectomie, offrant un bénéfice chez une population sélectionnée. Néanmoins, une telle intervention est grevée d’un haut risque opératoire. La prise en charge globale nécessite donc une évaluation multidisciplinaire incluant l’interniste, le cardiologue et le chirurgien cardiovasculaire.
 
Pour en savoir plus :
El Khorb N, El Ouali L, Lahlou I., et al. La pericardite chronique constrictive.  Mor J Cardiol 2012;7;16-20.
Seidler S, Lebowitz D, Muller H. Péricardite constrictive chronique.  Rev Med Suisse 2015;476(11);1166-71.
Le Coat A. Péricardite constrictive chronique calcifiée. Rev Prat 2018;68(9);988.
 
Par le Dr Fatima Oulhouss, médecine interne, CHP Inezgane, Maroc.

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