Vous recevez en consultation pour avis hospitalier spécialisé une patiente de 63 ans qui a développé un asthme difficile à équilibrer depuis l’année précédente. Elle travaille dans l’administration, ne fume pas, a voyagé au Sri Lanka en 2012 et n’a pas d’animaux.

Aux explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) il existe un trouble ventilatoire obstructif entièrement réversible à l’administration de bêta-2 mimétiques.

Elle n’a pas d’antécédent en dehors d’une sphénoïdite chronique et d’une hypertension artérielle essentielle.
Question 1 - Quel(s) examen(s) vous semble(nt) indiqué(s) dans ce contexte ?
Bilan de première intention à faire devant tout asthme.
Bilan de première intention à faire devant tout asthme.
Devant tout asthme, quelle que soit sa sévérité : enquête allergologique avec a minima tests cutanés aux pneumallergènes (dont la composition est déterminée par la localisation géographique du patient), compte des éosinophiles (argument pour un terrain atopique et/ou pour un asthme secondaire à une granulomatose éosinophilique avec polyangéite), radiographie ou scanner du thorax.
Immunoglobulines E (IgE) spécifiques en cas de résultat douteux/discordant aux tests cutanés.
Dosage des IgE totales en cas d’asthme sévère ou lors de suspicion d’aspergillose bronchopulmonaire allergique (le dosage pondéral des immunoglobulines ne dose que les IgG, IgA et IgM).
La patiente est finalement équilibrée et suivie en ville. Vous la revoyez cinq ans plus tard car elle a une altération de l’état général.
Elle prend comme traitement du salbutamol à la demande, un corticoïde inhalé, et du ramipril. Elle vous apporte un scanner de 2022 réalisé à la demande de son médecin traitant après une exacerbation d’asthme, qui montre un épaississement diffus des parois bronchiques sans foyer alvéolaire systématisé.
Actuellement, elle se plaint d’une fatigue chronique avec perte de poids non chiffrée, l’asthme est mal contrôlé depuis quelques semaines avec dyspnée permanente aux efforts importants.
L’examen clinique retrouve : poids = 62 kg ; pression artérielle = 127/69 mmHg ; pouls = 79/min ; température = 36,2 °C. Vous notez quelques sibilants à l’auscultation pulmonaire, l’auscultation cardiaque est normale, l’abdomen souple et indolore, il n’y a pas de ganglion.
Le bilan réalisé il y a cinq jours en ville montre : hémoglobine = 13,6 g/dL ; plaquettes = 287 G/L ; leucocytes = 7,6 G/L ; neutrophiles = 2,9 G/L ; éosinophiles = 2,23 G/L ; basophiles = 0,01 G/L ; monocytes = 0,7 G/L ; lymphocytes = 1,79 G/L ; protéine C réactive (CRP) = 17 mg/L ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 23 U/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = 27 U/L ; phosphatases alcalines (PAL) = 100 U/L ; gamma-glutamyl transférase (GGT) = 18 U/L ; taux de prothrombine (TP) = 98 % ; temps de céphaline activée (TCA) = ratio 1,01 ; sodium = 139 mmol/L, potassium = 4,0 mmol/L, urée = 6 mmol/L, créatinine = 70 micromol/L ; créatine phosphokinase (CPK) = 20 U/L ; électrophorèse des protéines plasmatiques (EPP) : hyper- alpha-2 globulinémie ; gammaglobulines = 12 g/L, pas de pic ; calcium = 2,2 mmol/L ; albumine = 37 g/L. Sérologies du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et de l’hépatite C (VHC) négatives. Hépatite B : antigène HBs négatif, anticorps HBc positif, anticorps HBs négatif. Hémocultures négatives en cinq jours.
Question 2 - Quelle(s) analyse(s) biologique(s) souhaitez-vous ajouter à ce bilan en priorité (une seu ?
La manière d’explorer une altération de l’état général va être orientée par les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, ainsi que des premiers examens dont vous disposez.
Ici, on peut synthétiser le tableau de la façon suivante : altération de l’état général + asthme résistant d’apparition tardive + hyperéosinophilie + épaississement des parois bronchiques au scanner + syndrome inflammatoire biologique.
L’ensemble fait suspecter une vascularite à ANCA type GEPA (granulomatose éosinophilique avec polyangéite), la recherche d’ANCA est incontournable.
Pas d’élément orientant spécifiquement vers un syndrome des anti-synthétase ou une myosite : pas d’atteinte cutanée ni musculaire ni parenchymateuse pulmonaire.
À ce stade, vous n’avez pas le dosage des ANCA, il pourrait également notamment s’agir d’un syndrome hyperéosinophilique primitif, d’une parasitose, mais moins probable.
Les anti-ADN natifs se voient dans le lupus mais leur recherche est moins prioritaire que les ANCA.
Les anti-tissus se rencontrent dans les hépatites auto-immunes, ce n’est pas le tableau ici.
Les anti-MBG sont associés à des syndromes pneumo-rénaux.
Vous aviez prévu de revoir la patiente en consultation trois jours plus tard, mais vous la perdez de vue. Son médecin traitant vous informe qu’elle a été vue en pneumologie pour une énième exacerbation d’asthme et qu’elle a reçu une cure de corticoïdes oraux 1 mg/kg de courte durée. Finalement elle reprend rendez-vous trois mois après votre dernier contact.
La patiente arrive en retard, très essoufflée et agitée. Elle a depuis la veille une douleur thoracique constrictive, qui s’est majorée alors qu’elle était en route pour vous voir dans les transports. Cette douleur est toujours présente. Vous la faites immédiatement s’allonger et l’examinez rapidement, votre examen est inchangé par rapport à votre dernier rendez-vous. Vous réalisez l’électrocardiogramme (ECG) qui est le suivant.
Figure (Source : Jeanne de La Rochefoucauld, La Revue du Praticien)

Votre hôpital dispose d’un plateau technique complet de cardiologie.
Question 3 - Quel diagnostic vous semble le plus probable à ce stade (une seule réponse attendue) ?
Douleur thoracique typique + anomalies ECG avec sus-décalage du segment ST (ici dans le territoire inférieur en D2 D3 avF avec miroir antérieur) + élévation de la troponine = syndrome coronarien aigu avec élévation du segment ST ou « ST+ ».
La différence entre SCA et angor instable réside dans la persistance de la douleur thoracique alors que le facteur déclenchant (comme l’effort physique) est supprimé. Vous ne pouvez pas parler d’angor instable car la douleur est toujours présente au moment de l’examen.
Vous ne pouvez pas retenir le diagnostic de myocardite (qui pourtant est possible étant donné l’anamnèse) avant d’avoir fait la coronarographie et éliminé l’infarctus par occlusion coronaire.
Il est possible qu’une dissection aortique se manifeste par un SCA en cas d’extension de la dissection vers l’interventriculaire antérieure (IVA), mais le diagnostic de dissection aortique se fait par la mise en évidence d’un faux chenal et éventuellement d’un flap intimal, soit en échographie, soit en scanner. Il se n’agit donc pas d’un diagnostic clinique. De plus, parmi les éléments dont vous disposez, il n’y a rien qui permette de poser le diagnostic d’aortite.
Question 4 - Quelle est votre attitude thérapeutique (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Il s’agit d’un SCA ST+ intrahospitalier, dans un établissement disposant d’une salle de cathétérisme coronaire : la coronarographie doit être réalisée dans les 60 minutes.
Il faut administrer un bolus d’aspirine (ou une dose de charge orale) + anticoagulation curative par héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire.
La place des anti-P2Y12 est contestée.
Les recommandations de l’ESC 2023 sont disponibles ici : https://francais.medscape.com/voirarticle/3610552?form=fpf 
Dans le SCA ST+, la thrombolyse peut s’envisager si, et seulement si, le délai entre la réalisation du premier ECG et la coronarographie excède 120 minutes.
La patiente a été transférée en salle de cathétérisme. La troponine ultrasensible prélevée en urgence est à 972 ng/mL. Elle a reçu une dose de charge d’aspirine et une anticoagulation curative. La coronarographie n’a pas montré de sténose ou d’occlusion coronaire, ni d’argument pour de l’athérome. Le test au Méthergin est négatif.
La patiente a toujours sa douleur thoracique, l’examen clinique ne se modifie pas. Vous récupérez la suite du bilan notamment la NFS : hémoglobine (Hb) = 13,1 g/dL ; plaquettes = 337 G/L ; leucocytes = 7,5 G/L ; neutrophiles = 2,7 G/L ; éosinophiles = 5,79 G/L ; lymphocytes = 3 G/L ; monocytes = 0,95 G/L ; CRP = 20 mg/L ; ionogramme et créatinine normaux.
Question 5 - Quelle est la suite de votre prise en charge (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Les coronaires sont saines, il s’agit probablement d’une myocardite. Il existe un risque important de trouble du rythme, d’où la surveillance scopée.
La myocardite, quel que soit son facteur déclenchant, peut mimer un SCA et/ou se manifester sous la forme de troubles de rythme et/ou de troubles de la conduction et/ou d’un arrêt cardiocirculatoire. La douleur est toutefois inconstante.
Le diagnostic formel de myocardite s’établit sur un faisceau d’arguments : absence d’anomalie coronaire, troubles de la cinétique segmentaire à l’ETT, anomalies de signal intramyocardiques indiquant la présence d’œdème de topographie non coronaire à l’IRM cardiaque (sous-épicardique, transmural).
Le diagnostic de myocardite est confirmé à l’IRM cardiaque avec présence d’œdème transmural inféro-médian et sous-épicardique circonférentiel basal. Les ANCA sont positifs en immunofluorescence avec un pattern périnucléaire et en ELISA une spécificité anti-myéloperoxydase.
Question 6 - Quel(s) diagnostic(s) évoquez-vous ?
La positivité des ANCA avec un pattern périnucléaire en immunofluorescence (ce qui correspond à des ANCA anti-myéloperoxydase en ELISA) associée à l’ensemble du tableau en particulier l’éosinophilie, fait poser le diagnostic de granulomatose éosinophilique avec polyangéite (GEPA, ancien syndrome de Churg et Strauss). Il s’agit d’une vascularite des petits vaisseaux selon la classification de Chapel Hill.
Note : les ANCA sont inconstants dans la GEPA. Lorsqu’ils sont présents, la présentation se rapproche des granulomatoses avec polyangéite, avec atteinte plus volontiers rénale, et lorsque les ANCA sont négatifs on a plus volontiers l’atteinte pulmonaire et myocardique. C’est pourquoi la classification de Chapel Hill qui regroupe les vascularites selon le calibre des vaisseaux qu’elles atteignent tend à être contestée au profit d’une classification qui serait basée sur le profil immunologique (présence d’auto-anticorps, quel type...). Grand sujet de débat. La classification de Chapel Hill continue à prévaloir pour l’instant.
Vous avez posé le diagnostic de granulomatose éosinophilique avec polyangéite avec atteinte myocardique, pulmonaire, sinusienne. Un traitement par corticothérapie à fortes doses est proposé, associé à du cyclophosphamide intraveineux.
Question 7 - Quelle(s) mesure(s) associez-vous à ce traitement ?
Recommandé dans les vascularites à ANCA. Risque important de pneumocystose pulmonaire.
Prévention de l’anguillulose sous corticothérapie (voyage en zone d’endémie).
L’ivermectine suffit pour la prévention de l’anguillulose et ici l’hyperéosinophilie n’est pas parasitaire.
Indiqué en cas de splénectomie, ce n’est pas le cas ici.
La patiente a un profil sérologique d’hépatite B guérie et il existe un risque de réactivation, d’autant plus qu’elle a perdu l’anticorps anti-HBs.
Pour en savoir plus, la GEPA fait maintenant l’objet de recommandations spécifiques distinctes des autres vascularites à ANCA (recommandations de l’EULAR 2022).
Ici il s’agit d’une présentation grave de GEPA (l’atteinte myocardique menace le pronostic vital) donc le traitement d’induction doit associer corticothérapie systémique et cyclophosphamide. Le traitement immunosuppresseur n’est pas toujours proposé en l’absence d’atteinte d’organe sévère.

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