Vous êtes médecin généraliste et vous voyez pour la première fois en consultation M. R., 64 ans, qui se plaint de « difficultés pour uriner ».

Dans ses antécédents on retrouve :

– hypertension artérielle traitée par périndopril 4 mg ;

– arythmie cardiaque par fibrillation atriale sous Préviscan ;

– amputation transtibiale (post-traumatique) à l’âge de 20 ans ;

– cancer de la prostate chez son père à 70 ans.

À l’interrogatoire il décrit depuis plusieurs mois un jet faible, avec une durée des mictions allongée, pour de petites quantités urinées. Il a le sentiment que sa vessie reste « à moitié pleine », après avoir uriné.

Il se lève deux à trois fois par nuit, et va uriner toutes les deux heures dans la journée.

Il ne décrit pas d’hématurie ou de brûlures mictionnelles. Il n’a pas eu de fièvre récemment.
Question 1 - Face à ces syndromes de la phase de remplissage et de la phase de vidange, vous complétez le bilan par :
« Indispensable lors du bilan initial, à la fois dans la démarche diagnostique et pour le retentissement fonctionnel. Le score IPSS permet l’évaluation fonctionnelle avec sept questions, et la huitième question du score IPSS permet une évaluation de la gêne globale provoquée par les symptômes du bas appareil urinaire (SBAU). »
« L’évaluation de la fonction sexuelle, notamment par un questionnaire, est recommandée dans le bilan initial de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP). »
« L’ECBU est à la fois nécessaire pour la démarche diagnostique et le bilan du retentissement. Il permet en effet d’éliminer une infection urinaire responsable de SBAU identiques à ceux de l’HBP. Cet examen est recommandé. »
La valeur prédictive négative de la BU chez l’homme est faible. L’ECBU est indiqué si la BU est positive. Donc la BU chez l’homme n’est pas indiquée.
« Le toucher rectal permet de rechercher une augmentation du volume prostatique et de dépister un éventuel cancer de la prostate associé au sein de la même glande. »
« Le dosage du PSA total est donc recommandé de manière optionnelle et adaptée au contexte clinique (âge, comorbidités, espérance de vie, antécédents familiaux au premier degré, choix du patient, etc.). » Chez ce patient : âge > 55 ans, antécédents familiaux…
Figure 1 :
Figure 1
Le score IPPS est de 14/35 (figure 2) avec une gêne urinaire évaluée à 4/5. Le patient se plaint de quelques difficultés du point de vue sexuel, mais sans retentissement majeur sur la qualité de vie. « C’est normal, je n’ai plus 20 ans ! », dit-il. Le score IIEF5 est à 18/25 (figure 3).
Le TR retrouve une prostate souple, estimée à 40 cc, sans nodules suspects.
L’ECBU est revenu stérile, sans hématurie microscopique.
Le taux de PSA est retrouvé à 3,91 ng/mL (norme < 4 ng/mL).

 

Figure 2 : Score IPPS
Figure 3. Score IIEF5 
Question 2 - Quelle est votre prise en charge en première intention ?
TR non suspect et PSA cohérent avec le volume prostatique estimé d’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), donc pas dans l’immédiat. « L’HBP entraîne aussi une élévation du taux de PSA sérique, de l’ordre de 0,1 ng/mL par gramme d’HBP. À titre d’exemple, un patient ayant une prostate de 50 g peut avoir un taux de PSA supérieur à 4 ng/mL sans pour autant que l’on y accorde une inquiétude particulière quant au risque de cancer de la prostate. »
Option autorisée en deuxième intention si échec de la première ligne. « Le tadalafil 5 mg en prise quotidienne a une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de l’HBP mais n’est pas remboursé par l’Assurance maladie. La prise occasionnelle d’un inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE 5) pour traiter une dysfonction érectile en association à un traitement de l’HBP par une autre classe thérapeutique n’est pas contre-indiquée. »
Efficacité non prouvée, et patient symptomatique. « Les dérivés de plantes (phytothérapies), principalement Serenoa repens et Pygeum africanum, sont couramment prescrits dans le traitement symptomatique de l’HBP, bien que leur efficacité ne soit pas démontrée avec un niveau de preuve élevé (en particulier par rapport au placebo). »
« L’efficacité des alphabloquants sur les SBAU est rapide (quelques heures), significative et stable sur une période de plusieurs années. »
En deuxième intention. « Ils constituent donc une option thérapeutique dans l’HBP, en association avec un alphabloquant en cas de persistance de symptômes de la phase de remplissage sous alphabloquant. Une attention particulière au débit urinaire et au résidu post-mictionnel sera accordée en début de traitement. » Donc uniquement si symptômes prédominants à type d’urgenturie ou de pollakiurie, et après s’être assuré de l’absence de résidu post-mictionnel pour ne pas décompenser une rétention chronique.
Figure 4 :
Figure 4 : Options thérapeutiques et médicamenteuses dans l'HBP
Après un mois de traitement par Silodosine 8 mg, le patient rapporte une amélioration insuffisante des troubles du bas appareil urinaire. Vous avez judicieusement ajouté un traitement par inhibiteur de la 5 alpha-réductase (finastéride 5 mg, 1 cp/j).
Un an plus tard, le patient se présente aux urgences dans un contexte de rétention aiguë d’urine (RAU).
Il est apyrétique. Il vous dit uriner une à deux fois par heure, difficilement, en petite quantité, sans brûlures mictionnelles, et la nécessité de courir aux toilettes pour éviter les fuites. Il n’a pas constaté de sang dans les urines.
Une échographie suspubienne retrouve un globe à 450 mL, sans dilatation pyélocalicielle. Le volume de la prostate est estimé à 50 mL.
Question 3 - Dans le service des urgences, il est décidé de réaliser :
Pas d’alternative (v. réponse 2).
Contre-indication du fait du traitement par Previscan.
Symptômes probablement liés à des mictions par regorgement, chez ce patient au globe avéré, avec antécédent d’HBP, et sans fièvre ni brûlures mictionnelles.
ECBU systématique. On n’attend pas le résultat, il faut dériver les urines en urgence.
PSA faussement augmenté dans un contexte de RAU.
Chez l’homme, il est licite de proposer un cystocathéter (= cathéter suspubien) au même titre qu’une pose de sonde à demeure en l’absence de contre-indication à l’une ou l’autre des techniques.
En effet, le cystocathéter permet d’éviter un traumatisme urétral lié à la sonde, qui peut parfois se compliquer de fausses routes urétrales, d’urétrorragies ou de sténoses urétrales à distance. Il permet également de réaliser des épreuves de clampage du cystocathéter afin de vérifier la reprise mictionnelle après un épisode de RAU.
Le sondage urétral est contre-indiqué en cas de traumatisme de l’urètre, de sténose de l’urètre, de prostatite aiguë ou de sphincter artificiel urinaire.
Le cathéter suspubien est contre-indiqué en cas d’absence de globe, d’anticoagulation efficace, de cancer de vessie, de pontage croisé.
Le sondage permet de ramener 500 mL d’urines claires.
Le patient est alors adressé chez votre confrère urologue à la suite de cet épisode de rétention aiguë d’urine sous bithérapie, et discuter de l’ablation de la sonde à demeure.
Il est reçu en consultation 2 semaines après son passage aux urgences.
Il apporte avec lui un dosage du PSA qui est mesuré à 5,20 ng/mL.
Une tentative de désondage est réalisée 7 jours plus tard, qui se solde par un échec.
L’urologue explique au patient qu’une tentative de désondage dans les circonstances actuelles expose à un risque d’échec trop important.
Question 4 - Quelle(s) prise(s) en charge va (vont) lui être proposée(s) ?
Patient déjà sous bithérapie avec alphabloquants et inhibiteurs de la 5 alpha-réductase. Pas de gain attendu sur le succès du désondage par l’adjonction d’autres molécules.
Non réalisable avec une sonde à demeure en place.
Traitement non ablatif réservé pour les petits volumes d’adénome (30 mL dans le référentiel du collège). À réserver aux patients aux lourdes comorbidités, ou étant formellement opposés au risque d’éjaculation rétrograde.
Prise en charge palliative pour les patients non opérables.
Recommandations AFU 2015/EAU 2017.
Les indications du traitement chirurgical sont :
– HBP compliquée (RAU sans sevrage de sonde possible, calcul vésical, insuffisance respiratoire chronique (IRC) obstructive, hématurie ou infections récidivantes liées à l’HBP) ;
– ou SBAU modérés/sévères résistant au traitement médical (ou traitement mal toléré).
M. R. bénéficie d’une résection endo-urétrale. Les suites sont marquées par une hématurie macroscopique nécessitant un maintien prolongé des lavages endovésicaux du fait du traitement anticoagulant. La sonde est finalement retirée sans difficultés et le patient reprend des mictions spontanées avec un résidu post-mictionnel négligeable.
Il est revu par l’urologue à 3 mois postopératoire. Le TR ne retrouve pas de nodules suspects.
Le résultat de la chirurgie est satisfaisant avec un score IPSS à 5/35, et une débitmétrie avec une courbe en cloche et un Qmax à 26 mL/s.
En revanche, il est remis au patient les résultats de l’analyse anatomopathologique des copeaux de résection. Le compte-rendu rapporte : hyperplasie adénomyomateuse du parenchyme prostatique avec un foyer d’adénocarcinome prostatique ISUP  1 [International Society of Urological Pathology]  (moins de 5 % des copeaux prostatiques).
Pour rappel, le dernier PSA disponible était mesuré à 5,20 ng/mL.

 

Question 5 - Compte tenu des données disponibles, quelles propositions vous semblent correctes ?
T1a 5 % du tissu reséqué (résection endo-urétrale ou pièce d’adénomectomie).
Stade réservé à une tumeur mise en évidence sur des biopsies de prostate avec un TR normal.
PSA à 5,2 ng/mL sous inhibiteur de la 5 alpha-réductase au moment du dosage. Il faut donc multiplier la valeur par deux, soit 10,4 ng/mL
Risque intermédiaire : PSA compris entre 10 et 20 ng/ml ou ISUP 2 (score de Gleason de 7 [3 + 4 ou 4 + 3]) ou stade T2b.
Une suspicion de cancer de prostate se fait la plupart du temps à la suite d’un dépistage individualisé par TR suspect et/ou valeur du PSA élevée.
Il est alors réalisé : couple IRM de prostate + ponction-biopsie de prostate (standard+/- ciblée si lésions IRM suspectes).
Il convient d’initier le même bilan de cancer de prostate, lorsqu’il est retrouvé des cellules d’adénocarcinome de prostate dans les prélèvements obtenus au cours des traitements ablatifs d’adénome de prostate. En effet, il n’est pas classique de retrouver des lésions d’adénocarcinome dans la zone transitionnelle siège de l’adénome. Il ne faut pas méconnaître une lésion plus agressive, localisée classiquement dans la zone périphérique, ayant pu essaimer quelques cellules au niveau de la zone transitionnelle.
Classification TNM de prostate (simplifiée) :
– T1 : infraclinique : lésions à l’anatomopathologie uniquement (REUP ou PBP). Jamais sur la pièce de prostatectomie ;
– T2 : lésion localisée à la prostate (a : moitié de lobe, b : un lobe, c : les deux lobes) ;
– T3 : effraction capsulaire ou atteinte des structures en contact direct (vésicules séminales / col vésical= sphincter LISSE INTERNE) ;
– T4 : organes de voisinage (rectum, sphincter STRIÉ EXTERNE, paroi pelvienne) ;
– N1 : ganglions ilio-obturateurs, iliaques externes, internes ou commun ;
– M1 : autres ganglions ou os ;
– M2 : viscérales.
Question 6 - Quelle est la suite de votre prise en charge ?
Le traitement n’est plus nécessaire, du fait du résultat satisfaisant du traitement chirurgical de l’adénome de prostate. Il est généralement suspendu à la suite de l’intervention.
De plus, du fait de la forte probabilité d’un adénocarcinome de prostate, il est plus facile pour le suivi d’éviter les traitements par inhibiteurs de la 5 alpha-réductase. Ce traitement rend l’interprétation des variations de PSA plus difficile.
Il est nécessaire d’obtenir une imagerie précise pour repérer une lésion cible qui donnerait lieu à des biopsies ciblées supplémentaires lors de la biopsie, en plus des 12 biopsies standard.
Dernier PSA ancien, avant traitement de l’adénome, et sous inhibiteurs de la 5 alpha-réductase.
Les cicatrices de biopsies de prostate peuvent donner des faux positifs à l’IRM. Il convient d’atteindre au moins 2 mois avant de réaliser une IRM de prostate après des biopsies prostatiques ou un traitement chirurgical (REUP…).
De plus, l’intérêt de l’IRM pré-biopsie est de pouvoir cibler une lésion visible à l’imagerie et augmenter la sensibilité des biopsies.
Systématique à chaque biopsie depuis les recommandations de 2019.
ATTENTION !
Collège des enseignants d’urologie version 4 : « La version 2016-2018 des recommandations place l’IRM multiparamétrique comme recommandée uniquement dans l’hypothèse d’une discussion sur une seconde série de biopsies prostatiques lorsque la première série de biopsie est négative. L’objectif de l’examen est alors de rechercher des zones qui auraient pu être mal échantillonnées par la série de biopsies initiale. Une récente étude randomisée parue en 2018 semble indiquer l’intérêt de l’IRM avant la réalisation de la première série de biopsies de la prostate. La place de cet examen risque donc de se modifier dans les années à venir. »
MAIS ACTUALISATION DES RECOMMANDATIONS. Désormais IRM recommandée AVANT chaque biopsie.
« L’IRM avant la première série de biopsies permet d’augmenter le taux de détection des cancers cliniquement significatifs (niveau de preuve 1).
En cas d’IRM normale, devant une suspicion de cancer, les biopsies systématiques restent indiquées. 
En cas d’IRM positive, définie par une lésion de score PIRADS ≥ 3, des biopsies ciblées associées à des biopsies systématiques sont recommandées. »
 
Source : Rozet F, Hennequin C, Beauval J-B, et al. Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU – Actualisation 2018–2020 : cancer de la prostate. Prog En Urol. 1 nov 2018;28:R81‑132.
 
Question 7 - Comment réalisez-vous la ponction-biopsie de prostate ?
« Risques de rectorragie, d’hématurie dans les suites immédiates du geste pouvant nécessiter très rarement (moins de 1 % des cas) une hospitalisation, hémospermie habituelle dans les semaines qui vont suivre le geste. Risque plus élevé chez les patients sous anticoagulant ou sous antiagrégant plaquettaire. »
Il est indiqué que réaliser une seconde série de biopsies en cas de forte suspicion clinique avec des biopsies positives ou des résultats en faveur de certaines lésions précancéreuses.
Lésions précancéreuses conduisant à une deuxième série de biopsies : ASAP (Atypical, Small Acinar Proliferation), PIN de haut grade sur plus de trois biopsies (Prostate Intra-epithelial Neoplasia), lésions isolées de carcinome intraductal.
Pas de geste endo-urologique à proprement parler, pas d’effraction de l’urothélium théoriquement.
Risque infectieux de 1 à 3 %, avec un risque de prostatite par des germes digestifs du fait de la voie transrectale.
« Compte tenu du risque septique, le geste doit systématiquement être couvert par une antibioprophylaxie. Les fluoroquinolones systémiques sont recommandées en une prise unique par voie orale, 1 à 2 heures avant la réalisation de l’acte. En cas d’allergie, d’intolérance ou de prise récente (< 6 mois) de quinolone, une antibioprophylaxie par la ceftriaxone est proposée en alternative. »
« Biopsies :
Bilan pré-biopsies : cette étape a un double objectif : informer le patient et diminuer le risque de complications. L’information du patient doit être préalable à la réalisation des biopsies et doit préciser l’objectif, les modalités de réalisation et les complications éventuelles des biopsies. La recherche de facteurs de risque de complications allergiques (latex, Lidocaïne, antiseptiques, antibiotiques), hémorragiques (troubles innés ou acquis de la coagulation par prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants plaquettaires) ou infectieuses (antécédents de prostatites, infection symptomatique de l’appareil urinaire ou génital, facteurs de risque de résistance aux quinolones) repose sur l’interrogatoire. Le risque hémorragique lié au traitement anticoagulant par anti-vitamine K peut être considéré comme élevé. L’aspirine à faible dose au long cours n’est pas une contre-indication à la réalisation des biopsies (niveau de preuve 2). Les risques sous clopidogrel, ticagrélor, dabigatran et rivaroxaban n’ont pas été étudiés et il est recommandé de les arrêter ou les substituer en vue des biopsies (accord professionnel).
Antibioprophylaxie : il est recommandé d’éliminer, par un interrogatoire ciblé, une possible infection urinaire. L’utilité d’un ECBU systématique n’est pas scientifiquement prouvée. Son seul intérêt reste médico-légal. Une antibioprophylaxie est recommandée avant la réalisation de biopsies prostatiques. Les fluoroquinolones systémiques (ofloxacine 400 mg ou ciprofloxacine 500 mg) sont recommandées en une prise unique par voie orale, une à deux heures avant la réalisation de l’acte (niveau de preuve 2). En cas d’allergie, d’intolérance ou de résistance aux quinolones, l’option alternative est la ceftriaxone. En cas de facteur de risque de résistance aux quinolones, l’antibioprophylaxie adaptée au prélèvement rectal semble diminuer le risque d’infection. Cependant, aucune comparaison à grande échelle n’a été réalisée entre l’antibioprophylaxie probabiliste et adaptée à l’écouvillonnage rectal. L’écouvillonnage rectal préalable à la réalisation des biopsies n’est pas recommandé routine. L’antibioprophylaxie de l’endocardite n’est plus systématique en cas d’interventions urologiques. »
Source : Rozet F, Hennequin C, Beauval J-B, et al. Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU – Actualisation 2018–2020 : cancer de la prostate. Prog En Urol. 1 nov 2018;28:R81‑132.
Vous revoyez M. R. avec l’ensemble de son bilan.
Pour rappel : il a maintenant 65 ans.
Son dernier PSA est dosé à 8,2 ng/mL (post-REUP, sans traitement par inhibiteur de la 5 alpha-réductase).
À l’IRM prostatique : on retrouve une lésion suspecte PIRADS 5/5, au niveau de la base et de la partie moyenne gauche, et une lésion peu suspecte PIRADS 3/5 au niveau de l’apex et partie moyenne à droite.
Une ponction-biopsie de prostate a été réalisée, dont les résultats rapportent : 
– 16 biopsies au total : 12 standards + deux biopsies par cible IRM ;
– au lobe droit : ISUP 2 (Gleason 3+4 avec 15 à 30 % de grade 4) au niveau de l’apex, partie moyenne et base droite) ;
– au lobe gauche : ISUP 4 (Gleason 4+4) au niveau de l’apex, partie moyenne et base gauche.
Toucher rectal sans anomalies donc stade T1c.
Vous posez le diagnostic de tumeur de haut risque.
Question 8 - Quelle est à présent votre attitude ?
« Elle est l’examen de référence pour le diagnostic des métastases osseuses. Elle est indiquée chez les patients à haut risque de D’Amico et à risque intermédiaire en cas de grade 4 majoritaire. Elle n’est pas indiquée chez les patients à faible risque. Elle est recommandée chez les patients symptomatiques, quel que soit le taux de PSA. »
Non recommandée dans le bilan initial. Sa place est définie lors d’une récidive biologique après traitement curatif pour détecter précocement une lésion accessible à un traitement focal. (Plus sensible et spécifique que la scintigraphie, d’autant plus pour les métastases viscérales.)
Non recommandée dans le bilan initial. Sa place est définie lors d’une récidive biologique après traitement curatif pour détecter précocement une lésion accessible à un traitement focal. (En cours d’évaluation, plus sensible et spécifique que la TEP à la choline, autorisée seulement en deuxième intention si TEP choline négative pour le moment.)
« Tomodensitométrie (TDM) abdominopelvienne : aucune place, sauf contre-indication à l’IRM (recherche d’envahissement ganglionnaire en cas de tumeur agressive).
TDM thoraco-abdomino-pelvienne : demandée dans les formes métastatiques à la recherche de lésions osseuses ou viscérales secondaires. »
Un bilan d’extension par IRM pelvienne (déjà réalisée) et scintigraphie osseuse est indiquée en cas de risque intermédiaire avec ISUP 3 ou de haut risque selon D’Amico. 
Le risque déterminé par la classification de D’Amico définit LE RISQUE MÉTASTATIQUE. C’est pourquoi il est nécessaire de s’assurer de l’absence de métastases avant de décider d’un traitement curatif. En cas de métastases avérées, il n’est plus nécessaire de proposer un traitement curatif qui imposerait une morbidité certaine sans pouvoir être curatif dans ce cas. Il est important également de ne pas retarder l’introduction d’un traitement systémique (par hormonothérapie, entre autres).
La scintigraphie osseuse ne met pas en évidence de lésions secondaires.
La réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) valide l’indication de traitement curatif.
Question 9 - Face à ce cancer de prostate localisé de haut risque, vous proposez :
Fait partie des prises en charge curatives du cancer de haut risque avec l’hormonoradiothérapie.
Le curage est « indispensable dans le groupe à haut risque de D’Amico ».
Résultats sensiblement similaires à ceux de la chirurgie en terme de survie spécifique. « L’hormonoradiothérapie est supérieure à la radiothérapie exclusive sur le contrôle local, le contrôle biochimique, l’apparition de métastases et la survie globale à 10 ans. »
S’adresse aux risques faibles ou intermédiaires sélectionnés.
Traitement systémique de contrôle de la maladie. Il faut privilégier une approche ayant un objectif curatif pour les formes localisées.
Traitements dans le cancer de prostate selon le stade :
LOCALISÉ :
– risque faible : SURVEILLANCE ACTIVE (alternative : chirurgie, radiothérapie externe seule, curiethérapie, +/- ultrasons focalisés SEULEMENT DANS LE CADRE D’ÉTUDES) ;
– risque intermédiaire : chirurgie (+/- curage selon le calcul de risque de N+ avec des nomogrammes), radiothérapie externe (seule ou associée à une hormonothérapie si ISUP 3 ou plus de la moitié des biopsies positives), +/- curiethérapie (ISUP2 et PSA < 15) ;
– haut risque : chirurgie+ curage ou radio-hormonothérapie.
MÉTASTATIQUE :
– hormonothérapie +/- traitement des métastases si symptomatiques.
Le patient bénéficie de la réalisation d’une prostatectomie radicale avec curage ganglionnaire.
Conclusion : adénocarcinome prostatique bifocal avec :
– un foyer à gauche de 7,8 cc ISUP 4, de score de Gleason 8 = 4 + 4 avec une extension extra-prostatique importante arrivant au contact des limites d’exérèse en extra prostatique en postérieur gauche sur une longueur maximum de 2 mm. Cet adénocarcinome s’étend également vers le col vésical jusqu’aux limites d'exérèse sur 1 mm, et jusqu’à la limite d’exérèse de la recoupe postérieure de l’apex gauche sur 1 mm.
– à droite, un adénocarcinome ISUP 2, soit de score de Gleason 7 = 3 + 4 (10 %), de 1 cc, intraprostatique et en zone saine.
Curage ilio-obturateur bilatéral : 11 N-.
Classification TNM : pT3a N0 R1.
Question 10 - Vous décidez de poursuivre la prise en charge en prescrivant :
Les imageries complémentaires après chirurgie seront décidées en fonction du suivi biologique du PSA. Sensibilité des examens dépendant de la valeur du PSA.
Même si pas systématique en postopératoire (même en cas de marges positives). Discutée parfois sur les très haut risque, mais on préfère se baser sur le PSA.
« Proposée en cas d’élévation après le traitement chirurgical. »
En cas de N+ seulement.
Après prostatectomie radicale :
– le PSA seul suffit, le patient est considéré en réponse complète si le PSA est < 0,2 ng/mL, on parle de récidive biologique (ou dabsence de réponse initiale) s’il est dosé > 0,2 ng/mL a deux reprises ;
– rythme recommandé dans les suites de l’intervention : consultation avec dosage PSA à 1,5 mois, 3 mois, 6 mois, 12 mois, puis tous les 6 mois pendant 3 ans puis annuellement ;
– radiothérapie externe adjuvante si pT3 ou R1 ;
– hormonothérapie adjuvante si N+.
Finalement le PSA à 6 semaines postopératoires est retrouvé à 0,25 ng/mL. Un nouveau bilan d’extension est réalisé qui revient négatif. On décide de réaliser une radiothérapie externe adjuvante de la loge de prostatectomie.
Vous revoyez M. R. 1 an après la radiothérapie, qui vous rapporte son PSA , indosable depuis la fin du traitement adjuvant.
Du point de vu urinaire, il a une incontinence urinaire d’effort avec des fuites urinaires seulement lors des efforts intenses. Il se dit peu gêné par ses fuites.
En revanche, il se plaint d’une dysfonction érectile majeure à la suite de la chirurgie et de la radiothérapie. Son score IIEF5 est à 12/25, sans traitement.
Question 11 - Que lui proposez-vous en première intention ?
« En première intention, il faut effectuer :
– une glycémie à jeun (et une hémoglobine glyquée en cas de patient diabétique connu) ;
– un bilan lipidique : cholestérol total, HDL, triglycérides ;
– une testostéronémie totale et bio disponible chez les hommes de plus de 5 ans en cas de symptômes évocateurs de déficit en testostérone ;
– en l’absence de bilan biologique récent, dans les 5 dernières années, demander : numération formule sanguine, créatininémie, ionogramme et un bilan hépatique ;
– le PSA total est dosé en fonction des symptômes et de l’examen prostatique et dès lors qu’une androgénothérapie est envisagée (contre-indication en cas de cancer de la prostate). »
« Il s’agit du traitement de référence en première intention. Ils facilitent, lors d’une stimulation sexuelle, la myorelaxation intracaverneuse et donc la qualité et la durée du remplissage des corps érectiles à l’origine de l’érection. »
« Elles sont indiquées en cas de contre-indication, d’échec ou d’intolérance du traitement oral, ou si le patient souhaite y passer spontanément ou s’il existe un problème financier lié au non-remboursement des IPDE5. »
En deuxième intention. À noter : « Il n’y a pas de contre-indication dans les pathologies cardiovasculaires, ni en cas de traitement anticoagulant. »
« Elles se substituent de façon définitive au tissu érectile. Il s’agit d’un traitement de troisième ligne de la dysfonction érectile »
Dysfonction érectile :
– éliminer les facteurs de risque (cardiovasculaire, diabète, médicamenteux, antécédents chirurgicaux...) ;
– bilan préthérapeutique (contre-indications cardio-vasculaires : événements ischémiques récents, hypotension ; interaction médicamenteuses) ;
– traitement médicamenteux en première intention (IPDE5) ;
– traitements locaux en deuxième intention (prostaglandines intra-urétrales, intracaverneuses, vacuum…) ;
– chirurgie en troisième intention.
Vous revoyez le patient à 1 an de la radiothérapie externe. Il se plaint de quelques fuites urinaires lors des efforts importants, mais ne se dit pas très gêné. Par ailleurs, il est assez satisfait de son traitement par Tadalafil.
Il vous ramène les résultats de ses dosages de PSA qu’il a réalisés consciencieusement.
Il n’a pas de symptômes par ailleurs.
Le PSA à 6 mois postradiothérapie était indosable. Cependant, le patient a, depuis, une réascension progressive du PSA. Le dernier PSA était à 2,1 ng/mL il y a une semaine.
Question 12 - Que décidez-vous face à ces résultats ?
Récidive biologique avérée : Nadir post-radiothérapie = 0. Seuil de récidive = Nadir+2 -> soit 2,0 ng/mL. « La définition de la récidive biologique est différente de la définition après chirurgie. Elle est définie dans ce cas précis par l’augmentation de plus de 2 ng/mL au-dessus du PSA Nadir (valeur la plus basse de PSA observée après traitement local). Cette définition suppose donc d’avoir demandé plusieurs dosages successifs de PSA avant d’affirmer la récidive. »
Non recommandée actuellement. En cours d’évaluation en cas de récidive biologique post-traitement curatif, si la TEP à la choline revient négative.
« Maladie localisée : principes de la stratégie thérapeutique en cas de récidive après un premier traitement standard à visée curative. Une IRM pelvienne peut être proposée à la recherche de signes en faveur d’une récidive locale. Un nouveau bilan d’extension est toujours indiqué, afin de vérifier l’absence de maladie métastatique.
TEP à la 18F-choline :
– plus sensible et surtout plus spécifique que la scintigraphie osseuse et l’IRM pour la détection précoce des lésions osseuses, mais également capable de trouver des lésions viscérales ;
– en cours d’évaluation, dans le cadre du bilan d’extension des tumeurs à haut risque et chez les patients ayant une récidive après un traitement local ; 
– actuellement non recommandée dans le bilan initial.
La « scintigraphie osseuse » a évolué vers la tomoscintigraphie aux phosphonates marqués au technétium-99m (99mTc) (SPECT ou single photon emission computed tomography) couplée à un scanner osseux. [...] Bilan d’extension : examen de référence pour le diagnostic des métastases osseuses. »
En cas de récidive biologique post-RTE ou chirurgie :
– discuter IRM pelvienne : récidive locale (ascension lente du PSA = temps de doublement supérieur à 10 mois, marges chirurgicales positives…) ;
– TEP-choline : plus sensible que la scintigraphie, permet de détecter des métastases de façon plus précoce. En première ligne maintenant. Il est possible de demander une TEP-PSMA si la TEP choline est négative (plus sensible mais non validée ni remboursée actuellement) ;
– scintigraphie + scanner TAP à la recherche de métastase (recommandations anciennes, obligatoires avant les traitements de formes métastatiques).
Figure 5 : Bilan d'imagerie à réaliser en cas de RB après traitement local
Une TEP-choline est réalisée et retrouve plusieurs hyperfixations au niveau des adénopathies iliaques et lombo-aortiques, ainsi qu’une hyperfixation au niveau de L4.
Le dernier PSA est à 2,8 ng/mL.
Question 13 - Que pouvez-vous proposer à votre patient ?
Récidive biologique et fixation multiple à la TEP-choline : métastases avérées.
Pas de traitement local des métastases sauf si oligo-métastases (maximum : 2-3 bien localisées) ou métastases symptomatiques.
À discuter au cas par cas en RCP.
Forme métastatique : indication d’un traitement anti-androgénique. Plusieurs options :
– castration chirurgicale (pulpectomie testiculaire). Définitif.
– antagonistes de la LH-RH avec disparition de la stimulation directe des cellules de Leydig (effet immédiat) ou agonistes de la LH-RH qui vont saturer les récepteurs hypophysaires. Attention ! Effet flare up dans les 2-4 premières semaines. Associer un anti-androgène pendant cette période. Ne pas poursuivre les anti-androgènes plus de 4 semaines, et pas de traitement exclusif par anti-androgène : risque thromboembolique majeur).
Vous décidez de prescrire du Firmagon (antagoniste de la LH-RH).
Le patient revient vous voir 3 mois plus tard. Son PSA est retrouvé 3,9 ng/mL.
Le patient ne décrit toujours pas de symptômes.
Question 14 - Comment interprétez-vous ces résultats ?
Pour diagnostiquer une résistance à la castration, il faut un PSA en ascension sur 3 dosages successifs.
Pas avant d’avoir établi la résistance à la castration.
Oui, pour s’assurer de la bonne observance du patient.
On ne peut pas le conclure avant de s’assurer de la bonne réalisation des injections d’hormonothérapie (testostéronémie effondrée).
« Le diagnostic de ‘résistance à la castration’ suppose de l’authentifier en vérifiant qu’il existe :
– soit une progression biochimique : trois augmentations de PSA résultant en deux augmentations de 50 % au-dessus du Nadir avec un PSA > 2 ng/mL ;
– soit une progression radiographique (nouvelles lésions apparaissant sur des scintigraphies osseuses ou progression d'une lésion secondaire mesurable) ;
– et que la testostéronémie est bien inférieure à 50 ng/dL. »
En cas de mauvaise réponse du PSA après introduction d’une hormonothérapie :
– répéter les PSA sur 3 dosages et demander une testostéronémie pour s’assurer que le traitement est bien administré (observance et qualité de l’injection) ;
– faire un bilan d’imagerie si point d’appel clinique ou ascension rapide/brutale du PSA.
Finalement il s’agissait d’une mauvaise administration du Firmagon. La testostéronémie était > 50 ng/dL.
Les PSA par la suite sont effondrés.
Question 15 - Comment poursuivez-vous la prise en charge ?
Il faut traquer la résistance à la castration, la progression clinique, les complications liées à l’hormonothérapie…
Biologie : PSA, glycémie à jeun, bilan lipidique, calcémie, vitamine D.
Une fois introduite, l’hormonothérapie de première génération ne sera jamais interrompue ! (Indication d’hormonothérapie intermittente exceptionnel, à ne pas retenir.)
En cas de progression avérée sous hormonothérapie, une hormonothérapie de deuxième génération sera ajoutée, ou de la chimiothérapie, MAIS JAMAIS REMPLACÉE.
Si forte masse tumorale, métastases viscérale, agressivité à l’anatomopathologie, échec traitements de première intention.
Si ostéopénie à l’introduction de l’hormonothérapie (ostéodensitométrie osseuse) ou métastases osseuses et résistance à la castration.
Si échec hormonothérapie de première génération (voir d’emblée pour les formes agressives) :
– ne jamais arrêter l’hormonothérapie de première génération ;
– chimiothérapie par docétaxel (forte masse tumorale, métastases viscérales) ;
– hormonothérapie de seconde génération : inhibiteur synthèse des androgène ou inhibiteur récepteurs des androgènes).
Bilan pré-hormonothérapie
Clinique : 
– interrogatoire sur : facteurs de risque cardiovasculaires, facteurs d’ostéoporose, facteurs de risque de chute, trouble de l’humeur (mini-GDS), trouble de la sexualité ; 
– pression artérielle, poids, taille, périmètre abdominal et indice de masse corporelle 
Paraclinique :
– glycémie à jeun ;
– bilan lipidique (triglycérides, cholestérol total, HDH-cholestérol, LDL-cholestérol), vitamine D ; ostéodensitométrie 
Bilan de suivi pendant l’hormonothérapie :
– PSA ;
– glycémie à jeun ;
– bilan lipidique (triglycérides, cholestérol total, HDH-cholestérol, LDL-cholestérol) ;
– vitamine D.

 


Note : les corrections de ce cas se basent sur les items du Référentiel du collège d’urologie, 4e édition, et des recommandations de l’Association française d’urologie (AFU) quand précisé. 
Voir aussi :
Grisard S, Long JA. Item 123 – Hypertrophie bénigne de la prostate. Rev Prat 2018;68:e149.
Ricci F. Item 307 – Tumeurs de la prostate. Rev Prat 2020;70:e155-160.
Deledalle FX, Karsenty G. Item 342 – Rétention aiguë d’urine. Rev Prat 2018;68:e53-60.
Madec FX, Borojeni S. Item 122 – Trouble de l’érection. Rev Prat 2019;69:e307-315.

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