Une patiente de 39 ans est adressée au service d’accueil des urgences pour une hypercalcémie à 3,40 mmol/L découverte sur un bilan réalisé en ville dans un contexte de syndrome polyuropolydipsique évoluant depuis un mois et demi. Elle est née aux Antilles et a pour seul antécédent déclaré un syndrome dépressif traité par paroxétine 20 mg.
Question 1 - Quel(s) signe(s) de gravité recherchez-vous à l’examen clinique ?
Les défaillances d’organe à rechercher face à une hypercalcémie sont : neurologique (confusion, coma, convulsions), rénale (insuffisance rénale aiguë initialement fonctionnelle puis organique), hémodynamique (hypovolémie, troubles du rythme ou de la conduction) et respiratoire (œdème pulmonaire).
Les paramètres vitaux sont normaux. La patiente a un score de Glasgow à 15. À l’examen, vous retrouvez une sensibilité diffuse à la palpation abdominale sans défense ni contracture. Le reste de l’examen est normal.
Question 2 - Quel examen complémentaire demandez-vous en priorité aux urgences (une seule réponse attendue) ?
L’examen complémentaire à réaliser en priorité est l’électrocardiogramme à la recherche d’un retentissement cardiaque de l’hypercalcémie. Les symptômes digestifs sont fréquents dans l’hypercalcémie et ne doivent pas faire systématiquement réaliser une imagerie abdominale. Le bilan étiologique devra être fait rapidement mais n’est pas la priorité au service d’accueil des urgences (SAU).
L’électrocardiogramme est normal. La glycémie capillaire est à 1,19 g/L. Vous prélevez un bilan sanguin aux urgences dont voici les résultats :
– sodium = 140 mmol/L ; potassium= 4,6 mmol/L ; bicarbonate = 23 mmol/L ; urée = 15 mmol/L ; créatinine = 127 µmol/L ; albumine = 36 g/L ; calcium = 2,97 mmol/L ; phosphate = 1,01 mmol/L ; protéine C réactive (CRP) = 5 mg/L ;
– leucocytes = 8 020/mm3 (polynucléaires neutrophiles = 6 030/mm3, lymphocytes = 1 513/mm3) ; hémoglobine = 13,0 g/dL ; plaquettes = 374 000/mm3.

Devant l’insuffisance rénale aiguë, vous demandez une échographie rénale qui ne révèle pas de dilatation des cavités pyélocalicielles, et un ionogramme urinaire qui révèle une natriurèse effondrée à 13 mmol/L et une kaliurèse à 42 mmol/L. 
Question 3 - Quelle(s) est/sont la/les affirmation(s) vraie(s) parmi les suivantes ?
Calcémie corrigée = calcémie + (40 - albumine en g/L)/40.
Il n’y a pas de dilatation des cavités pyélocalicielles, la natriurèse est inférieure à 20 mmol/L et à la kaliurèse, le rapport urée/créatinine plasmatique est supérieur à 100.
C’est le traitement de première intention de l’hypercalcémie.
Une perfusion de bisphosphonates doit se faire toujours après réhydratation et adaptée à la fonction rénale, et ne sera pas forcément nécessaire ici (calcémie corrigée 3,50 mmol/L, pas de signe clinique de gravité, pas de modification de l’ECG).
Non recommandée.
L’hypercalcémie provoque un diabète insipide néphrogénique à l’origine d’une déshydratation. L’hydratation permet à la fois de corriger la déshydratation et de faire baisser la calcémie.
Vous réhydratez la patiente par voie intraveineuse et l’hospitalisez pour bilan étiologique de cette hypercalcémie.
Question 4 - Quel(s) élément(s) d’orientation étiologique recherchez-vous à l’interrogatoire ?
En revanche, les diurétiques thiazidiques sont hypercalcémiants.
Le lithium est une cause d’hypercalcémie à parathormone (PTH) inadaptée.
En faveur d’une cause néoplasique.
En faveur d’une tuberculose, d’un lymphome.
En faveur de lésions ostéolytiques.
Les principales causes d’hypercalcémie sont l’hyperparathyroïdie primitive, les affections malignes (métastases, myélome), les médicaments (vitamine A, lithium, vitamine D, calcium, thiazidiques, lait), les granulomatoses, les endocrinopathies non parathyroïdiennes (hyperthyroïdie, insuffisance surrénalienne aiguë, phéochromocytome, acromégalie).
Vous confirmez que la patiente n’a pas d’autre antécédent que le syndrome dépressif et qu’elle ne prend pas d’autre traitement que la paroxétine.
Elle est à jour pour le dépistage organisé du cancer du col qui est négatif.
Il n’y a pas d’altération de l’état général, pas de fièvre, pas de sueurs nocturnes, pas de douleurs osseuses.
L’examen physique à l’entrée est strictement normal.
Voici les principaux résultats du bilan que vous prélevez après hydratation intraveineuse par 3 litres de sérum physiologique :
– calcium = 2,67 mmol/L ; phosphate = 0,98 mmol/L ;
– urée = 4,6 mmol/L ; créatinine = 74 µmol/L ;
– PTH = 4,2 ng/L (normale 6,0-60) ;
– 25-hydroxydroxyvitamine-D (25-OH-vitamine D) = 6 ng/mL (carence) ;
– calciurie des 24 heures = 10,8 mmol/24 h (normale 2,5-7,5) ;
– électrophorèse des protéines sériques : albumine = 38 g/L (37-50) ; alpha-1 globulines = 3,6 g/L (2,9-4,9) ; alpha-2 globulines = 7,3 g/L (4,7-9,0) ; bêta-1 globulines = 3,7 g/L (3,2-5,5) ; bêta-2 globulines = 4,2 g/L (2,1-5) ; gammaglobulines = 15,1 g/L (7,4-14,3) ; 
– immunofixation : pas de pic monoclonal.
Question 5 - À ce stade, quel(s) élément(s) parmi les suivants vous semble(nt) utile(s) pour avancer dans votre diagnostic ?
La PTH effondrée élimine une origine parathyroïdienne.
Recherche d’adénopathies en faveur d’une granulomatose.
Recherche d’une hypercalcitriolémie en faveur d’une granulomatose.
Recherche d’une cause paranéoplasique.
La recherche d’hypercalcémie hypocalciurique familiale bénigne n’est pas pertinente ici (hypercalciurie, PTH effondrée).
Il s’agit d’une hypercalcémie à PTH basse (malgré la carence en vitamine D) éliminant une origine parathyroïdienne. Il n’y a pas d’argument pour une cause médicamenteuse ni pour un myélome. Il faut évoquer en priorité : une ostéolyse maligne, une granulomatose, une hypercalcémie endocrinienne non parathyroïdienne.
La 1,25(OH)2D est à 99,6 mg/mL (N 20,0-80,0). Le dosage de PTHrp est négatif. La TSH est normale. La radiographie thoracique révèle des adénopathies hilaires, bilatérales et symétriques. 
Question 6 - Le tableau clinico-radiologique est compatible avec :
Rend compte des résultats biologiques mais pas des adénopathies.
Hypergammaglobulinémie polyclonale non en faveur d’un myélome.
L’élévation de la 1,25(OH)2D associée à des adénopathies hilaires oriente vers une granulomatose (par expression inappropriée de 1-alpha hydroxylase par le granulome).
Vous réalisez une biopsie des glandes salivaires accessoires qui est normale, et une biopsie transbronchique qui révèle du granulome épithélioïdie et gigantocellulaire sans nécrose caséeuse. Après exclusion des autres diagnostics, vous retenez le diagnostic de sarcoïdose révélée par une hypercalcémie. L’indication à une corticothérapie orale par prednisone 0,5 mg/kg/j est retenue.
Question 7 - Quelles mesures associées recommandez-vous ?
Non indiqué chez une patiente sans comorbidités.
Prévention de l’anguillulose maligne avant une corticothérapie prolongée chez une patiente ayant vécu dans une zone d’endémie (Antilles).
Rapport bénéfice/risque (protection osseuse vs hypercalcémie) à discuter mais probablement défavorable dans ce cas de sarcoïdose compliquée d’hypercalcémie.
La prednisone n’est pas contre-indiquée pendant la grossesse.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien