Le 1er octobre 2021, vous recevez aux urgences Mme D., 30 ans, pour fièvre.

Elle n’a pas d’antécédent personnel ou familial. Elle fume 2 cigarettes par jour depuis l’adolescence, ne prend habituellement aucun traitement et n’a pas d’allergie.

Elle vous rapporte une altération fébrile de l’état général et une odynophagie depuis 72 heures. Elle s’automédique par ibuprofène depuis 48 heures.

À l’examen clinique, l’hémodynamique est stable, la patiente est eupnéique, la température est à 38,2 °C, vous palpez deux adénopathies cervicales sensibles. Absence de douleur à la palpation des sinus. À l’examen endobuccal vous constatez une augmentation bilatérale du volume des amygdales par endroits recouvertes d’un enduit blanchâtre. Le reste de l’examen clinique est sans particularité, notamment au niveau abdominal, neurologique, cutané et cardiopulmonaire. Elle ne tousse pas.
Question 1 - Quelle est/sont votre/vos principale(s) hypothèse(s) diagnostique(s) ?
Le chancre est une ulcération unique indolore pouvant siéger au niveau oropharyngé sans prédilection particulière pour les amygdales.
Rare, donne une angine fétide avec des plages de nécrose, plus souvent unilatérale et très douloureuse.
Oui, 80 % des angines chez l’adulte immunocompétent sont d’origine virale.
Rare.
20 % des angines de l’adultes sont bactériennes avec une grande majorité de streptocoques du groupe A.
Question 2 - Quelle est votre attitude ? Une ou plusieurs réponse(s) possible(s).
Le score de Mac Isaac est composé des éléments suivants :
– fièvre > 38 °C : +1 pt ;
– absence de toux : +1 pt ;
– atteinte amygdalienne : +1 pt ;
– adénopathie cervicale sensible : +1pt ;
– âge > 45 ans : -1pt.
Si ce score est supérieur ou égal à 2, il faut faire le Strepto-test pour dépister l’angine bactérienne.
La lecture de ce dernier dépasse rarement dix minutes, il faut attendre son résultat avant de décider de la conduite à tenir.
Attention ! Ce score est uniquement validé au-delà de l’âge de 15 ans.
Entre 3 et 15 ans, la réalisation du Strepto-test est systématique devant toute angine. En dessous de l’âge de 3 ans, les angines sont quasiment toujours virales.
Le Strepto-test que vous avez réalisé est positif, vous concluez à une angine bactérienne streptococcique.
Question 3 - Quelle est votre attitude ? Une ou plusieurs réponse(s) possible(s).
La positivité du Strepto-test vous indique qu’il s’agit bien d’une angine à streptocoque. Or l’existence de complications associées à ces angines (rhumatisme articulaire aigu, phlegmon, abcès) impose un traitement antibiotique.
Le traitement antibiotique de première intention est bien l’amoxicilline, sans nécessité de recourir à la réalisation d’un antibiogramme, car il est très rare que les streptocoques A communautaires soient résistants à l’amoxicilline.
L’Augmentin a un spectre plus large qui inclut certaines entérobactéries, les anaérobies, et il n’est pas recommandé en première intention dans les angines érythémateuses ou érythémato-pultacées.
Les macrolides sont à réserver aux situations d’allergie aux bêtalactamines.
La patiente rentre chez elle avec un traitement par amoxicilline et l’évolution est initialement favorable.
Trois semaines plus tard, alors qu’elle a suivi scrupuleusement le traitement antibiotique prescrit, la patiente revient aux urgences pour une sensation de fatigue intense, des douleurs abdominales, une diarrhée mêlée de sang et de vives douleurs articulaires survenant en fin de nuit et qui la réveillent, avec un dérouillage matinal d’une heure et demie. Elle vous explique que l’ensemble de ces symptômes sont apparus en une semaine.
Elle est apyrétique, eupnéique en air ambiant et stable sur le plan hémodynamique. Elle n’a pas de céphalées ni de raideur méningée. L’examen neurologique est normal. L’abdomen est souple dans son ensemble mais douloureux. L’auscultation cardiaque et pulmonaire est normale.
Les articulations métacarpo-phalangiennes 2, 3, 4 gauches et 3, 5 droites sont gonflées ainsi que le poignet gauche. Le squeeze test est positif aux mains et aux pieds.
Vous constatez les lésions suivantes sur la peau. Ces lésions ne s’effacent pas à la vitropression et leur distribution est déclive. En dehors des lésions visibles sur la photo, vous n’observez pas de lésion nécrotique.
Figure 1 (Source : Jeanne de La Rochefoucauld, La Revue du Praticien)
Question 4 - Quelle(s) pathologie(s) suspectez-vous en premier lieu devant ces lésions cutanées ?
La topographie déclive, la présence d’éléments nécrotiques et le caractère infiltré vous orientent vers un purpura vasculaire. L’aspect est typique d’une vascularite cutanée.
Un purpura thrombopénique est au contraire pétéchial non infiltré, non nécrotique, sans topographie déclive. Il peut s’associer à des lésions ecchymotiques.
Les atteintes cutanées associées à la coagulation intravasculaire disséminée correspondent plus volontiers à des plages de nécrose cutanée étendue, avec l’association parfois de lésions livédoïdes.
Les micro-angiopathies thrombotiques au premier rang desquelles le syndrome hémolytique et urémique (SHU) et le purpura thrombopénique thrombopathique (PTT) ne donnent classiquement pas de manifestations cutanées.
La présence d’un purpura vasculaire n’oriente pas particulièrement vers une hémopathie maligne.
Question 5 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) demandez-vous ?
Oui, pour rechercher des arguments pour une vascularite digestive, ainsi que pour rechercher des complications ou éléments de gravité (perforation, péritonite).
Pas d’indication car on ne suspecte ni amylose ni sarcoïdose ni Sjögren.
Indispensable pour rechercher une atteinte glomérulaire de la vascularite.
Oui, pour analyse histologique standard.
Oui, pour l’immunofluorescence qui ne se fait que sur prélèvement congelé.
Le bilan biologique retrouve les éléments suivants :
– hémoglobine (Hb) = 14 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 88 fL ; plaquettes = 570 G/L ; leucocytes = 16,2 G/L ; polynucléaires neutrophiles (PNN) = 12,8 G/L ; monocytes = 1,5 G/L ; lymphocytes = 1,8 G/L ; éosinophiles = 0,05 G/L ; basophiles = 0,02 G/L.
– sodium = 135 mmol/L ; potassium = 4,1 mmol/L ; urée = 6,5 mmol/L ; créatinine = 98 µmol/L ; protéines = 50 g/L ; albumine = 30 g/L ; calcium = 2,3 mmol/L ; phosphore = 0,9 mmol/L ; magnésium = 0,85 mmol/L ; protéine C réactive (CRP) = 50 mg/L ; créatine phosphokinase (CPK) = 105 U/L. 
– taux de prothrombine (TP) = 95 % ; temps de céphaline activée (TCA) ratio patient/témoin = 1.
Bilan hépatique normal, bilirubine totale et conjuguée normales.
Le scanner montre un épaississement pariétal d’une portion grêlique importante avec infiltration de la graisse adjacente. Absence de perforation ou d’épanchement péritonéal.
Question 6 - Quel(s) examen(s) biologique(s) manque-t-il sur ce bilan biologique ?
Indispensable devant ce tableau de vascularite même si l’atteinte digestive n’est pas classique dans les vascularites à anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA).
Donnent des glomérulonéphrites extra-membraneuses sans atteinte extrarénale.
Il ne s’agit pas d’un tableau de syndrome des antiphospholipides (SAPL) qui comporterait des thromboses artérielles et/ou veineuses. Ne pas confondre vascularite et thrombose. Le syndrome catastrophique des antiphospholipides se caractérise très souvent par une thrombopénie.
Un complément abaissé orienterait vers une vascularite hypo-complémentémique, ou vers une vascularite satellite d’une poussée lupique.
Rien à voir avec le tableau. Les antisynthétases sont associés à des connectivites avec atteintes volontiers pulmonaires, musculaires et cutanées, mais qui ne sont pas de mécanisme vascularitique.
Tableau de vascularite cutanée (diagnostic clinique) et digestive (diagnostic clinique et scannogrpahique, le tube digestif de la patiente étant manifestement dans le même état que sa peau) avec une atteinte articulaire.
Les hypothèses diagnostiques principales sont les suivantes :
– le plus probable au vu des organes atteints et de la survenue à quelques semaines d’une infection streptococcique est une vascularite à IgA, aussi appelée purpura rhumatoïde ;
– vascularite post-infectieuse ;
– vascularite à ANCA ;
– endocardite avec manifestations dysimmunitaires.
Les anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles sont négatifs.
Le compte-rendu anatomopathologique des biopsies cutanées est le suivant :
« L’épiderme est normal. Dans le derme superficiel, il y a un infiltrat inflammatoire périvasculaire, constitué majoritairement de polynucléaires neutrophiles, avec des images de leucocytoclasie. Il y a des lésions des capillaires, sièges d’une infiltration inflammatoire pariétale et de foyers de nécrose fibrinoïde. La coloration par le PAS ne montre ni spore, ni filament mycélien.
Conclusion : vascularite leucocytoclasique.
Immunofluorescence directe : présence de dépôts de complexes immuns (IgA + C3) sur les vaisseaux. »
Question 7 - Quel(s) est/sont votre/vos diagnostic(s) ?
Désigne les lésions purpuriques liées à la fragilité cutanée induite par la corticothérapie au long cours.
Plutôt une maladie de l’enfant mais peut survenir également chez l’adulte comme chez notre patiente. Il s’agit d’une vascularite leucocytoclasique avec dépôts d’IgA, atteignant préférentiellement la peau et le tube digestif, et s’accompagnant d’arthralgies et d’arthrites. Une infection (souvent streptococcique) est retrouvée à l’anamnèse dans 20-30 % des cas dans les semaines qui précèdent. Le diagnostic de certitude se fait à l’imunofluorescence avec des dépôts d’IgA. L’atteinte rénale est plus fréquente chez l’adulte et de moins bon pronostic que chez l’enfant.
Il s’agit d’une maladie rénale génétique liée à des dépôts glomérulaires d’immunoglobuline A (IgA). L’évolution est chronique et lente sur plusieurs années avec progression vers l’insuffisance rénale terminale.
Il s’agit d’une thromboangéite oblitérante associée à un tabagisme massif, souvent chez l’homme jeune, se manifestant par des ischémies et nécroses des extrémités.
Nouveau nom de la maladie de Wegener. Il s’agit d’une vascularite à ANCA (le plus souvent de spécificité anti-PR3) avec atteintes fréquentes ORL, pulmonaires, rénales, neurologiques périphériques, avec une composante granulomateuse.
Purpura rhumatoïde avec atteinte articulaire cutanée digestive survenant après angine streptococcique.

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