Vous recevez en consultation Mme B., 54 ans, à la suite de la découverte d’une masse du sein gauche ACR5 sur sa mammographie de dépistage. Il s’agit d’une patiente sans antécédent particulier. Elle a débuté le dépistage organisé de cancer du sein il y a 4 ans, comme préconisé par son médecin traitant, jusque-là sans particularité. Elle ne prend aucun traitement, et n’a pas d’allergie.

Il s’agit d’une experte-comptable, mariée, mère de trois enfants, et récemment ménopausée. Elle ne fume pas et ne boit pas.

La mammographie met en évidence une masse de 54 mm de grand axe à l’union des quadrants supérieurs du sein gauche. L’échographie réalisée par le radiologue dans la foulée vous confirme la masse et ne retrouve pas d’adénopathie axillaire ou sus-claviculaire suspecte.

Cliniquement, vous palpez une masse de 57 mm à l’union des quadrants supérieurs du sein gauche, sans adénopathie. La manœuvre de Tillaux est négative. Il n’existe pas de signe d’inflammation locale.
Question 1 - Quelle prise en charge proposez-vous dans un premier temps ?
Indiquée dans les cancers du sein en cas de :
– traitement néoadjuvant (on ne sait pas encore ici) ;
– mutation BRCA (dépistage) ;
– cancer du sein lobulaire ;
– discordance radioclinique/seins denses rendant difficile l’analyse de la mammographie.
La biopsie est quoi qu’il arrive nécessaire : elle permet de faire le diagnostic, de l’affiner et de proposer un traitement ciblé.
Bilan d’extension d’emblée si T3/T4 ou N+. Ici, la taille de plus de 5 cm classe la tumeur T3, donc bilan d’extension avant la chirurgie. Mais pas d’indication de scanner cervical.
Le seul cancer pour lequel une IRM est recommandée en routine à l’ECN est le cancer du poumon.
On ne fait de bilan d’extension avant la chirurgie que si T3, T4 ou N+ sur bilan locorégional (échographie + mammographie).
Pour rappel :
– T1 : moins de 2 cm ;
– T2 : 2-5 cm ;
– T3 : plus de 5 cm ;
– T4 : envahissement cutané, osseux ou mastite carcinomateuse.
Le bilan d’extension sera réalisé après la chirurgie si N+.
Ici, la tumeur fait 57 mm, donc c’est un cT3N0. On fait donc le bilan d’extension avec trois options :
– tomographie par émission de positons couplée à une tomodensitométrie (TEP-TDM) ;
– scanner thoraco-abdomino-pelvien (TDM-TAP) + scintigraphie osseuse ;
– (échographie hépatique + radiographie thoracique + scintigraphie osseuse).
Le bilan d’extension montre, hélas ! une extension de la maladie à distance avec :
– adénopathies de la chaîne mammaire interne et adénopathies médiastinales (sous-carénaires, loge de Baréty) ;
– trois métastases hépatiques ;
– une atteinte osseuse diffuse (épiphyse radiale gauche, scapula droite, T3, T10, L4, aileron sacré gauche).
Vous recevez le résultat de la biopsie : carcinome canalaire du sein de type non spécifique, SBR III, Ki-67 à 45 %, RO-, RP-, HER2++, FISH négative.
Question 2 - Concernant les éléments pronostiques de ce cancer du sein :
Il s’agit du grade histologique utilisé dans le cancer du sein.
Retenir que moins de 10 % est de bon pronostic et plus de 20 % est de mauvais pronostic.
Les cancers du sein HER2+ sont de moins bon pronostic, mais rattrapés par des traitements efficaces. Par ailleurs, un cancer est dit HER2 positif si l’immunohistochimie (IHC) répond HER2+++ ou HER2++ avec une FISH positive.
Mauvais pronostic d’un cancer du sein :
– stadification TNM (tumeur, nodes [ganglions lymphatiques] et métastases) ;
– grade histologique élevé : Scarff-Bloom et Richardson ou Elston et Ellis ;
– Ki-67 de plus de 20 % ;
– âge jeune : débattu ;
– cancer du sein triple négatif ou HER2+++.
Retenir qu’à moins d’un cancer du testicule ou d’un cancer oligo-métastatique avec traitement radical de toutes les métastases possibles dans certains cancers, un cancer solide métastatique n’est pas curable.
Vous avez annoncé à la patiente la maladie et son caractère incurable.
La réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) a décidé de débuter un traitement par paclitaxel hebdomadaire pour ce cancer du sein triple négatif métastatique.
Question 3 - Concernant la molécule présente dans cette chimiothérapie :
Les chimiothérapies, c’est vraiment la question facile et incontournable en cancérologie. Pour rappel :
Alkylants : formation de ponts inter-brins
– dérivés de la moutarde azotée : cyclophosphamide, melphalan ;
– sels de platine : cisplatine, carboplatine, oxaliplatine ;
– autre : mitomycine C.
Antimétabolites : inhibent la synthèse des bases nucléotidiques ou agissent en s’incorporant dans l’ADN
– antipurine : fludarabine, 6-mercaptopurine ;
– antiacide folinique : méthotrexate, pémétrexed ;
– antipyrimidines : 5-FU, gemcitabine.
Inhibiteurs de topo-isomérase :
– inhibiteurs de topo-isomérase I : irinotécan ;
– inhibiteurs de topo-isomérase II :
         . intercalants (anthracyclines),
         . non intercalants (étoposide).
Poisons du fuseau :
– alcaloïdes de la pervenche : vincristine, vinblastine ;
– taxanes : paclitaxel, docétaxel.
Vous avez débuté la chimiothérapie. Malheureusement, vous revoyez Mme B. aux urgences, où elle est conduite par son mari car elle est complètement désorientée depuis ce matin.
Cliniquement :
– pression artérielle (PA) = 145/76 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 67/min ; taux de saturation en oxygène (SpO2) = 97 % en air ambiant ; température (T°) = 37,2 °C ;
– patiente calme, Glasgow coma scale (GCS) à 14 en raison d’une désorientation temporo-spatiale. Pas de déficit sensitivomoteur, pas d’anomalie des paires crâniennes, pas de syndrome cérébelleux. Elle ne décrit pas de céphalée, ni de nausée ou vomissement et la nuque est souple ;
– le reste de l’examen clinique est sans particularité.
Question 4 - Vous organisez le bilan suivant :
Pas d’indication claire pour l’instant (notamment pas de syndrome méningé). La recherche d’une méningite carcinomateuse sera à faire par la PL en cas d’imagerie négative.
Chez un malade avec un cancer, la confusion doit faire évoquer en priorité : métastase cérébrale, hyponatrémie, hypercalcémie (métastase osseuse), méningite carcinomateuse.
Le bilan reste semblable au bilan du tout-venant, mais il est nécessaire que l’imagerie soit injectée : imagerie cérébrale, bilan sanguin avec ionogramme sanguin et calcémie.
L’IRM cérébrale ne montre pas de lésion cérébrale, mais la présence d’une prise de contraste leptoméningée diffuse.
Le bilan biologique met en évidence une neutropénie à 1 200/mm3, sans autre cytopénie, et une hyponatrémie à 128 mmol/L.
Vous posez donc le diagnostic de méningite carcinomateuse.
Question 5 - Vous proposez la (les) prise(s) en charge suivante(s) :
Quelques grandes notions sur la méningite carcinomateuse :
– symptômes polymorphes : rhombencéphalite, confusion pure, déficit sensitivomoteur… ;
– diagnostic : IRM cérébrale (prise de contraste méningée) +/- PL (hyperprotéinorachie, présence de cellules tumorales +/- méningite lymphocytaire) ;
– pronostic sombre (la survie se compte en semaines) : évolution rapide et difficulté d’avoir des traitements efficaces passant la barrière hémato-encéphalique ;
– corticothérapie ;
– radiothérapie discutable si vraiment atteinte méningée localisée ;
– discussion de chimiothérapie intrathécale (selon le type tumoral principalement).
Vous avez hospitalisé la patiente et débuté une corticothérapie. L’état neurologique de Mme B. se dégrade, de sorte qu’une chimiothérapie intrathécale devient déraisonnable. Mme B. est maintenant PS4 avec un déficit sensitif du bras gauche et moteur du membre inférieur droit. Elle reste confuse avec des épisodes d’agitation.

Après discussion avec son mari et ses enfants, vous convenez de l’introduction de soins de confort exclusifs et de l’arrêt des traitements spécifiques du cancer. 
Alors que vous alliez introduire un traitement de sa confusion adapté, un de ses fils vous interroge sur la possibilité d’euthanasie ou de sédation profonde et continue.
Question 6 - Vous pouvez lui répondre que :
Il faut que les traitements symptomatiques aient été mis en échec pour pouvoir discuter de la sédation profonde et continue. Ici, ils n’ont pas été adaptés pour le moment.
Il faut différencier :
– le principe du double effet : instauré dans la loi Leonetti (2005), il permet de soulager la douleur à n’importe quel prix, même en sachant pertinemment que cela risque d’accélérer le décès. Le but est en revanche de soulager, pas d’accélérer le décès ;
– la sédation terminale : instaurée dans la loi Claeys-Leonetti (2016), elle consiste à sédater un patient en fin de vie en cas de souffrance physique ou morale insupportable et non soulagée par les traitements symptomatiques.
Pour rappel, les apports de la loi Claeys-Leonetti (2016) sont :
– les directives anticipées deviennent contraignantes pour les soignants ;
– possibilité d’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation ;
– sédation terminale.
L’état de Mme B. se dégrade. Son état de vigilance est fluctuant, elle est à jeun pour éviter les fausses routes et vous cherchez à soulager ses symptômes d’anxiété et d’agitation en lien avec sa confusion.
Question 7 - Vous allez vous appuyer principalement sur les molécules suivantes :
Pas de douleur ou de dyspnée rapportée.
Classiquement du midazolam par voie intraveineuse à la seringue électrique (IVSE).
Agit sur l’encombrement bronchique.
Pas possible en IV, par ailleurs met trop de temps à agir vu la dégradation, et pas d’activité anxiolytique.
Traitements en fin de vie :
– morphine: douleur, dyspnée ;
– BZD: anxiété, agitation, troubles du sommeil ;
– neuroleptiques : confusion, nausées ;
– scopolamine (Scoburen) : encombrement bronchique.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien