Un patient arrive aux urgences pour défaillance cardiaque liée à une hypertension artérielle. Le dossier du patient indique qu’il est hypertendu et tous ses autres bilans ont toujours été normaux. Il est sous traitement antihypertenseur depuis un an et, malgré cela, c’est sa quatrième hospitalisation. Les médecins ont initialement essayé de changer de médicament en supposant une inadéquation, puis ils ont vérifié que le patient prenait ses traitements, mis à contribution la famille pour vérifier l’observance, ils ont fait de l’éducation thérapeutique auprès du patient (explications du fonctionnement de l’hypertension artérielle, de l’action du médicament et des manières de prendre le traitement). Cependant, le problème persiste.
Question – Quelles solutions peuvent être envisagées ?
Le patient considère que ses défaillances cardiaques interviennent après des interactions le faisant ressentir de fortes émotions au sein de sa sphère familiale. Son père réagissait de la même manière et il est courant dans son entourage qu’une émotion importante cause un malaise. Il n’a aucune idée du lien entre l’appareil prenant la pression artérielle, le résultat et ce que cela signifie pour lui. Il considère normal d’être hospitalisé après ses malaises et évite au maximum les émotions fortes au quotidien pour se préserver. Il admet avoir une hypertension artérielle, maladie découverte par les médecins « par hasard » à la suite d’une hospitalisation, mais il n’en voit pas les manifestations dans son quotidien, car ces dernières correspondent – dans sa réalité – au fonctionnement normal du corps. Il est né et a grandi dans un pays où la plupart des personnes vivent avec de l’hypertension artérielle (quitte à ce que cela cause la mort), mais personne n’en est malade. En conséquence, les symptômes de la maladie pour lui n’en sont pas. Il prendrait volontiers son traitement efficacement s’il pouvait associer la maladie décrite par les médecins à son corps, mais tant que les deux ne sont pas inscrits dans la même réalité, cela ne fonctionnera pas et, dans son référentiel, il est en bonne santé.
En interrogeant ce que le patient considère être son corps et le fonctionnement normal de ce dernier par des questions portant sur comment son corps fonctionne bien dans des situations qui – pour le praticien – sont révélatrices des symptômes, le praticien se rendra compte que la pathologie n’existe pas pour le patient et que ce fonctionnement qu’il juge anormal est normal pour le patient. En construisant la réalité de la pathologie autour des symptômes que le patient juge comme relevant d’une dysfonction qui est également liée à l’hypertension, mais qui en sont peut-être des manifestations d’une autre manière, on solutionnera le souci. Peut-être que le patient a des troubles visuels liés à l’hypertension que son ophtalmologue ne voit pas, par exemple, et qui le gênent depuis quelque temps ? Les symptômes qui ont permis au médecin de comprendre une relation de cause à effet n’ont pas toujours lieu d’être les symptômes et les relations de causalités qui font sens pour le patient dans sa propre réalité de la maladie.
Retrouvez l’item lié à ce quiz ici : Ruelle L. Item 10. Approches transversales du corps.  Rev Prat 2023;73(2);217-20.

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