Vous recevez en consultation M. B., 74 ans, maître d’école retraité, pour troubles du sommeil. En effet, il décrit depuis une dizaine d’années une dégradation progressive de son sommeil avec actuellement une latence à l’endormissement d’une heure, des réveils nocturnes répétés de plus de trente minutes et un réveil précoce.

Il se couche à 23 heures lorsqu’il a des signes de fatigue, s’endort à minuit, puis se réveille à partir de 2 heures du matin. À 4 heures du matin, il se réveille une dernière fois et reste dans son lit jusqu’au petit déjeuner à 8 heures du matin. Il décrit une douleur à type de crampe dans les jambes deux à trois fois par semaine qui gêne l’endormissement car il est obligé de se relever pour la faire passer.

Il se sent fatigué dès le matin. Il rapporte des plaintes cognitives (troubles attentionnels et mnésiques) et des troubles de la libido. Il vit avec sa mère qui peut l’entendre ronfler en dehors de la chambre. Il ne rapporte pas de céphalées au réveil ni de sensation d’asphyxie nocturne. Le questionnaire d’Epworth est coté à 6.

En journée, M. B. est majoritairement sédentaire : il sort se promener 45 minutes un jour sur deux et reste la plupart du temps dans son canapé à écouter de la musique. Il dit passer environ 3 heures par jour dans son lit et faire une sieste de 1 heure en fin de journée. Il boit occasionnellement un café le matin mais aucun autre excitant.

M. B. pèse 86 kg pour 1,65 m, avec une prise de poids récente de 5 kg du fait de grignotages. Il est suivi pour un diabète de type 2 et une cirrhose hépatique sévère. Il est suivi en addictologie pour trouble de l’usage de l’alcool ancien, sevré depuis trois mois. Il fume 15 cigarettes par jour depuis quinze ans. L’addictologue a permis un sevrage en hypnotique depuis plus d’un an (mésusage fréquent avec surdosage). Son ordonnance de psychotropes comporte actuellement de la quétiapine 50 mg au coucher et de l’oxazépam 5 mg trois fois par jour en cours de sevrage.
Question 1 - Quel est votre diagnostic ? (grade A)
Possible au vu des nombreux facteurs de risque décrits mais absence de critères suffisants pour poser le diagnostic avec ces seules informations.
Hypersomnie périodique avec hyperphagie.
Insomnie d’endormissement et de maintien, voire par réveil précoce > 3 mois.
Un endormissement à minuit n’est pas considéré comme suffisamment tardif pour être un retard de phase.
Probable syndrome des jambes sans repos (SJSR) mais l’entretien ne nous permet pas de diagnostiquer des MPJ. Pour autant, il est à suspecter, car 80 % des SJSR sont comorbides de MPJ.
Insomnie chronique : depuis une dizaine d’années, latence à l’endormissement d’une heure, réveils nocturnes répétés de plus de trente minutes et réveil précoce.
Au vu de l’âge, du sexe, du poids, des traitements, des réveils nocturnes et des ronflements, un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est à suspecter.
Vous posez le diagnostic d’un trouble insomnie chronique.
Question 2 - Les autres étiologies de l’asthénie diurne de M. B. à suspecter sont (une ou plusieurs réponses exactes) [grade A] :
Réveils nocturnes, fatigué dès le matin, plaintes cognitives (troubles attentionnels et mnésiques), troubles de la libido, ronflements bruyants, obésité, traitement myorelaxant.
MPJ très probable car ils sont associés à 80 % à des SJSR : « une douleur à type de crampe dans les jambes (= sensation désagréable dans les jambes) deux à trois fois par semaine qui gêne l’endormissement (= caractère vespéral) car il est obligé de se relever pour la faire passer (= besoin de les mobiliser/soulagée par le mouvement) ».
Pour autant, attention ! les MPJ ne sont pas nécessairement responsables de réveils nocturnes.
Sédation en lien avec la prise de quétiapine et d’oxazépam.
Modification de l’architecture du sommeil avec l’oxazépam (augmente les risques de troubles du sommeil + sommeil non réparateur).
Sevrage en oxazépam en cours à risque d’un rebond d’insomnie et d’anxiété.
La prise d’alcool perturbe le sommeil, l’alcool modifie son architecture et augmente les troubles du sommeil (parasomnie, apnées, etc.)
Le sevrage en alcool perturbe lui aussi le sommeil, augmentant le risque d’insomnie.
N. B. : Après sevrage, un patient alcoolique sur trois retrouvera un sommeil de bonne qualité, 1/3 verra son sommeil s’améliorer sans revenir à l’état antérieur et 1/3 gardera un sommeil de qualité dégradée.
Sieste, sédentarité, temps passé au lit trop important, grignotage, etc., ne permettant pas la mise en place d’une pression de sommeil (rythme homéostatique) et perturbant l’horloge biologique (rythme circadien).
Question 3 - Les règles hygiéno-diététiques que vous recommandez à M. B. sont (une ou plusieurs réponses exactes) [grade A] :
Au contraire, il faut les favoriser.
Au contraire, il faut privilégier l’exercice physique en début de journée. L’exercice en fin de journée reste possible chez les personnes qui ne sont pas sensibles à ce type de synchronisateur externe.
Au contraire, il est préférable de ne pas fumer au minimum 1 heure avant le coucher car le tabac est un excitant et le sevrage en nicotine risque de favoriser des réveils nocturnes et une mauvaise architecture du sommeil.
M. B. souffre de réveil précoce (4 heures du matin) et il est préférable d’attendre 7 heures du matin pour commencer la luminothérapie au risque de perturber la synthèse de mélatonine.
Temps total passé au lit = 13 h. Temps total de sommeil = maximum 5 heures.
Soit une efficacité de sommeil de 38 %, l’objectif étant d’atteindre une efficacité > 80 %.
Le cerveau doit associer le lit au sommeil et non à une activité diurne ou à une rumination anxieuse en lien avec l’insomnie.
Vous décidez d’explorer le sommeil de M. B. par une polysomnographie (PSG). Voici les résultats après une nuit passée à l’hôpital :

Vue d’ensemble
Temps passé au lit (TAL) : 9 h
Temps de période de sommeil (TPS) : 8 h 35
Temps de sommeil total (TST) : 4 h 20
Éveil intra-sommeil : 4 h 15
Latence de sommeil : 55 min ; premier stade de sommeil léger (N1) : 55 min ; deuxième stade de sommeil lent (N2) : 56 min ; sommeil paradoxal ou rapide eye movement (REM) : 115,5 min
Efficacité du sommeil : 50 %
Nombre d’éveils : 23
Nombre de micro-réveils : 130

Structure du sommeil
Éveil : 14,5 min
REM : 27 %
N1 : 15 %
N2 : 48 %
N3 (troisième stade de sommeil lent profond) : 10 %, soit 125 min

Index
Index d’apnées-hypopnées (IAH) : 37/h
Indice de micro-réveils : 15,6/h
Indice de mouvement périodique des jambes (MPJ) : 61,3/h

Événements respiratoires
Absence de limitation de flux
Apnée obstructive : 22,5/h ; apnée mixte : 0/h ; apnée centrale : 0/h
Hypopnée + désaturation/micro-réveil : 14,5/h 
Soit IAH : 37/h
A dormi sur le dos toute la nuit.
IAH en REM : 34,1/h ; IAH en non-REM : 38,4/h
Saturation en oxygène moyenne : 94,6 %
Ronflement : 17 % du TST

Mouvement périodique des jambes (MPJ)
Indice MPJ : 61,3/h, soit 24 % du TST
8 % des MPJ sont associés à des micro-réveils
51 % du REM, 10 % du non-REM

Enregistrement vidéo 
Tonus musculaire présent avec un mouvement complexe en sommeil paradoxal.
Question 4 - En interprétant ces résultats, vous posez le ou les diagnostic(s) suivant(s) [grade B] :
À ne pas confondre avec le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) ici présent. Pour poser ce diagnostic, il sera nécessaire d’évaluer une pression partielle de dioxyde de carbone (PaCO2) diurne ≥ 45 mmHg.
Une perte de l’atonie musculaire à l’électroencéphalogramme (EEG) en sommeil paradoxal suffit à poser le diagnostic de TCSP. En cas de forme typique et évoluée, il prend la forme d’un comportement moteur élaboré, généralement agressif ou défensif, sans déambulation (patient ne quittant pas son lit à la différence d’un potentiel somnambulisme), avec un risque de blessure de l’entourage et du patient (chute du lit). Si on réveille le patient durant un épisode, il raconte un rêve qui correspond bien au comportement observé : il « agit » son rêve, ce qui « explique » son comportement.
Les MPJ ou mouvements périodiques des membres au cours du sommeil (MPS) sont souvent banals, liés à l’âge, observés de façon incidentale sur la polysomnographie et non pathologiques.
Cependant, les patients atteints de MPJ très fréquents et éveillants peuvent avoir des plaintes d’insomnie, d’éveils nocturnes répétés et de sommeil de mauvaise qualité. Ce sont des mouvements répétitifs et stéréotypés des membres (inférieurs, parfois supérieurs) durant 0,5 à 10 secondes, se répétant toutes les 5 à 90 secondes.
Ils surviennent pendant le sommeil (anormal > 15/heure) et parfois la veille. Ils peuvent être associés à un micro-éveil.
Les somnambulismes, comme les autres parasomnies, ont lieu en sommeil lent et non en sommeil paradoxal.
La répartition des stades de sommeil lent (50-75 %) et du sommeil paradoxal (25 %) est respectée. Nous n’avons pas l’hypnogramme pour vérifier le correct déroulement des cycles, nous ne pouvons donc pas nous prononcer davantage.
Diagnostic de SAOS sévère : IAH > 30.
Question 5 - Vous pouvez expliquer à M. B. que, du fait de ses troubles du sommeil (une ou plusieurs réponses exactes) [grade B] :
Le SAOS majore le risque cardiovasculaire. À titre d’exemple, il multiplie par 6 le risque d’AVC.
Le TCSP évolue fréquemment en maladie dégénérative affectant le système extrapyramidal (maladie de Parkinson, démence à corps de Lewy et autres synucléinopathies) nécessitant une surveillance rapprochée. Il a déjà des troubles cognitifs qui pourraient être mis en lien avec le SAOS, mais une consultation géronto-psychiatrique ou neurologique axée sur la mémoire serait à recommander.
Ce test mesure la capacité à rester éveillé en condition sédative, il mesure la vigilance. C’est le test médico-légal utilisé pour définir les aptitudes au poste et à la conduite automobile chez le patient souffrant d’un trouble de l’éveil traité (type narcolepsie) ou chez le conducteur professionnel qui a un trouble du sommeil. La conduite à usage personnel d’un véhicule léger nécessite une latence moyenne des quatre tests > 19 minutes, à usage professionnel une latence > 33 minutes. M. B. n’est pas concerné par ces deux situations même si ses troubles du sommeil majorent sa somnolence diurne.
Symptôme aspécifique mais fréquemment retrouvé dans le SAOS du fait d’une hypercapnie nocturne par hypoventilation.
Le SAOS augmente le risque métabolique et, de manière générale, tout trouble causant une asthénie ou une somnolence diurne favorise la prise de poids par une baisse de l’activité physique. Ce manque d’activité majore l’insomnie et la prise de poids majore le SAOS.
Question 6 - Vous prescrivez comme examen complémentaire (une ou plusieurs réponses exactes) [grade B) :
La polygraphie ventilatoire n’apportera aucun élément supplémentaire par rapport à la polysomnographie.
Nécessaire si une orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) est prévue, ce qui n’est pas le cas ici au vu de la sévérité du SAOS. Un bilan ORL serait intéressant si on suspecte une cause d’apnées réversibles.
Certains cas de SJSR et de MPJ sont secondaires ou associés à une baisse des réserves en fer (ferritinémie 75 µg/L) qu’une supplémentation orale pourrait corriger.
Lors du diagnostic de SAOS, une spirométrie est recommandée chez les fumeurs ou ex-fumeurs et/ou chez les sujets obèses (indice de masse corporelle > 30 kg/m2).
Examen non nécessaire à ce stade de la prise en charge. L’entretien a permis de décrire les rythmes veille/sommeil et l’activité diurne du patient sans difficulté.
Lors du diagnostic de SAOS, chez les patients ayant une obésité (en particulier abdominale), un bilan biologique métabolique (glycémie, bilan lipidique) et une surveillance tensionnelle devra être proposée.
Question 7 - Vous proposez en première intention (une ou plusieurs réponses exactes) [grade B] :
Absence d’argument pour un SAOS positionnel, sachant que le patient a passé toute sa nuit de PSG sur le dos. L’IAH dorsal sévère rend peu probable l’efficacité d’un traitement positionnel.
Décroissance progressive, sinon : risque d’un rebond d’anxiété et d’insomnie pouvant amener à la reprise d’un mésusage d’alcool et d’hypnotique, voire risque épileptogène.
Dans le cadre du SAOS, la PPC est indiquée en première intention chez les patients symptomatiques ayant un IAH ≥ 30/h ou un 15 ≤ IAH < 30/h associé une somnolence sévère (et/ou risque accidentel) ou des comorbidités cardiovasculaires ou respiratoires graves.
L’OAM est indiquée en première intention chez les patients symptomatiques ayant 15 ≤ IAH < 30/h et une absence de somnolence ou de comorbidités graves, en seconde intention en cas de refus ou d’intolérance à la PPC.
Certains patients ont un SAOS positionnel (survenue des événements majoritairement en décubitus dorsal). Un traitement mécanique (obstacle à type de sphère apposée dans le dos du patient ou système vibrant détectant le décubitus dorsal) peut parfois être efficace.
Aucun médicament n’est validé actuellement pour le traitement du SAOS.
Les traitements stimulant la vigilance ne seront indiqués qu’en cas de somnolence persistante chez les patients atteints de SAOS dont la somnolence n’a pas été traitée de façon suffisante par la PPC.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien