Vous êtes de garde aux urgences pédiatriques et vous voyez Jean, âgé de 2 ans, accompagné de ses parents pour une boiterie.

Il a un antécédent de bronchiolite, n’a pas d’allergie ni d’antécédent familial. Sa croissance staturo-pondérale est normale.

Jean marche depuis l’âge de 14 mois et court à présent, fait ses premières associations de mots depuis l’âge de 18 mois, imite un trait et comprend des consignes simples.

Ses parents s’inquiètent car la semaine précédente, à la crèche, Jean aurait eu des boutons et de la fièvre dans un contexte d’épidémie. Depuis quarante-huit heures, Jean a une fièvre à 38,9 °C bien tolérée, sans autre signe initialement. Cependant, depuis ce matin au réveil, les parents trouvent qu’il boite alors qu’il ne serait pas tombé au domicile, et qu’ils n’auraient pas eu d’appel de la crèche. Il s’alimente bien et n’a pas perdu de poids.

À l’arrivée aux urgences : poids = 12 kg ; température = 39,0 °C ; fréquence cardiaque (FC) = 72/min ; pression artérielle (PA) = 98/85 mmHg ; fréquence respiratoire (FR) = 20 ; saturation en oxygène (SaO2) = 100 %.

L’examen clinique retrouve :

– marche difficile avec diminution du temps d’appui du membre inférieur droit et demande rapide à être pris dans les bras de ses parents, en pleurs ;

– pas de limitation à la mobilisation passive du membre inférieur droit ni gauche (hanches, genoux et chevilles libres) ;

– palpation de l’extrémité distale du membre inférieur droit semblant inconfortable (retrait à la palpation), non retrouvée sur les autres reliefs osseux du membre inférieur droit et gauche ;

– léger œdème et doute sur chaleur en regard du pied droit, sans érythème ni œdème de cheville associée ;

– examen cutané ne retrouvant pas de lésion.

Le reste de l’examen clinique est sans particularité.
Question 1 - Devant ce tableau de boiterie, quelle(s) est/sont votre/vos hypothèse(s) principale(s) ?
Plutôt dans le cadre d’une boiterie non fébrile.
Hypothèse principale à éliminer absolument.
Plutôt dans le cadre d’une boiterie non fébrile.
Pathologie de l’enfant de plus de 10 ans.
Boiterie d’esquive ici, et non dandinante.
Le diagnostic étiologique d’une boiterie chez l’enfant est orienté par un interrogatoire précis (âge, début brutal ou progressif, signes infectieux associés, localisation qui peut être parfois difficile chez le nourrisson, traumatisme) et un examen clinique comprenant observation de la marche puis mobilisation et palpation des deux membres inférieurs.
Devant une boiterie fébrile à tout âge, il faut évoquer l’infection ostéoarticulaire jusqu’à preuve du contraire.
Chez l’enfant de moins de 3 ans dans le cadre d’une boiterie non fébrile, il faut penser à la fracture sous-périostée de la diaphyse dans un contexte de traumatisme non constaté. 
À tout âge devant une boiterie non fébrile, il faut avoir en tête une tumeur osseuse ou une leucémie.
Vous suspectez en premier lieu une infection ostéoarticulaire.
Question 2 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) prescrivez-vous en première intention ?
Pas en première intention.
Éliminer une fracture ou signes indirects d’épanchement (épaississement des parties molles, élargissement de l’interligne articulaire).
Pas en première intention.
À la recherche d’un épanchement ou d’une complication.
Suspicion d’infection ostéoarticulaire à étayer et à documenter.
Devant une suspicion d’infection ostéoarticulaire, il est important d’effectuer le prélèvement d’hémocultures avant la mise en place d’une antibiothérapie.
Les radiographies et échographies de la zone douloureuse vont permettre de mieux caractériser la suspicion d’infection ostéoarticulaire (arthrite ? ostéomyélite ?)
Jean et ses parents reviennent de l’imagerie. Les radiographies du pied et de la cheville à droite (face et profil) sont normales et l’échographie ne retrouve pas d’épanchement ni d’argument pour un abcès périosté.
Le bilan biologique retrouve : hémoglobine (Hb) = 12,1 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 71,9 fL ; plaquettes = 349 G/L ; leucocytes = 17 G/L dont 13 G/L de polynucléaires neutrophiles ; protéine C réactive (CRP) = 9 mg/L ; hémocultures prélevées.
Question 3 - Quelle est la suite de votre prise en charge (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Boiterie fébrile nécessite une hospitalisation.
Meilleure biodisponibilité par voie veineuse initiale dans le cas d’une infection osseuse.
Meilleure biodisponibilité par voie veineuse initiale dans le cas d’une infection osseuse.
Pas d’épanchement articulaire clinique donc pas de ponction à réaliser.
Probable ostéomyélite, à confirmer par imagerie par résonance magnétique (IRM) du membre inférieur ou par scintigraphie osseuse au technétium 99 m.
Jean a une boiterie fébrile et un syndrome inflammatoire biologique.
Les radiographies et échographies normales éliminent une arthrite septique mais en aucun cas un autre type d’infection ostéoarticulaire comme l’ostéomyélite.
Il faut donc l’hospitaliser avec une antibiothérapie intraveineuse probabiliste et faire un complément d’imagerie par scintigraphie osseuse ou IRM.
La scintigraphie osseuse au technétium 99 m retrouve une hyperfixation en regard de l’extrémité distale du tibia droit.
Question 4 - Devant tous ces éléments, quel est votre diagnostic final ?
Dans le cadre d’une ostéomyélite, une anomalie osseuse ne peut être constatée qu’au-delà de huit à dix jours d’évolution sur une radiographie.
Le meilleur examen est une IRM, plus spécifique et sensible que la scintigraphie osseuse, mais parfois difficilement réalisable chez le nourrisson du fait des séquences plus longues. On retrouve un hyposignal T1 et un hypersignal T2 osseux.
La scintigraphie osseuse au technétium 99 m est une bonne alternative chez l’enfant, on retrouve un foyer d’hyperfixation osseuse en regard de la zone douloureuse.
Vous expliquez aux parents que Jean a une ostéomyélite et qu’il doit être hospitalisé avec des antalgiques et une antibiothérapie par amoxicilline et acide clavulanique par voie intraveineuse pendant au moins trois jours avant réévaluation, et que généralement cela évolue très bien.
Les parents sont rassurés mais vous demandent de leur expliquer l’origine de cette infection.
Question 5 - Dans le cas de Jean, quelle(s) est/sont la/les porte(s) d’entrée possible(s) pouvant être favorable(s) à une ostéomyélite ?
Staphylococcus aureus.
Kingella kingae.
Une infection ostéoarticulaire se développe par voie hématogène. Une brèche favorable à la circulation sanguine de la bactérie puis à sa fixation osseuse peut être initiée par une porte d’entrée :
–  cutanée (traumatisme ou plaie les jours précédents) en cas de suspicion d’ostéomyélite à Staphylococcus aureus ;
–  ORL (rhinopharyngite, stomatite) en cas de suspicion d’ostéomyélite à Kingella kingae.
Dans le cas de Jean, âgé de 2 ans, l’ostéomyélite à K. kingae est l’hypothèse la plus probable étant donné son âge (entre 6 mois et 4 ans) et le syndrome pieds-mains-bouche la semaine précédente comme porte d’entrée, K. kingae étant une bactérie commensale ORL. Une ostéomyélite à Staphylococcus aureus semble moins probable du fait de son âge (infection ostéo-articulaire à S. aureus plutôt chez l’enfant de plus de 4 ans), mais à garder en tête étant donné l’antécédent d’éruption vésiculo-pustuleuse la semaine précédente.
À noter qu’il est difficile d’identifier la bactérie Kingella kingae car à croissance lente (appartient au groupe de bactéries HACEK à croissance lente : Haemophilus spp., Aggregatibacter spp., Cardiobacterium hominis, Eikenella corrodens, Kingella spp.)
Les parents souhaitent connaître votre avis sur l’éruption cutanée de la semaine précédente et faire le point sur la vaccination de Jean. Ils vous décrivent une éruption vésiculo-pustuleuse surtout en regard des mains, des pieds et de la bouche.
Question 6 - Selon ces lésions élémentaires, quel(s) pathogène(s) ou syndrome(s) vous évoquent-elles ?
Éruption polymorphe avec vésicules en bouquet.
Virus responsable du syndrome pieds-mains-bouche.
Éruption maculo-papuleuse avec intervalle de peau saine, pas de vésicule.
Une éruption vésiculeuse est une lésion élémentaire cutanée compatible avec un syndrome pieds-mains-bouche (infection à Coxsackievirus, appartenant aux Entérovirus) ou encore la famille des Herpèsvirus comme HSV, virus varicelle-zona (VZV).
Jean a probablement eu un syndrome pieds-mains-bouche à la crèche la semaine précédente, l’atteinte ORL étant probablement la porte d’entrée infectieuse à Kingella kingae.
Les parents vous montrent à présent le carnet de vaccination de Jean :
Figure (Virginia Leão, La Revue du Praticien)
Question 7 - Selon son carnet de santé, Jean est-il à jour de ses vaccins obligatoires ? Si ce n’est pas le cas, quel(s) vaccin(s) doit-il réaliser ?
Inclus dans l’hexavalent DTP-Ca-Hib-HB à 2, 4 et 11 mois.
Une dose à 12 mois et une deuxième à 16-18 mois.
Une dose à 5 mois puis une deuxième à 12 mois.
Vaccin non obligatoire.
Pour rappel, le schéma vaccinal obligatoire du nourrisson comprend :
–  2, 4 et 11 mois : DTP-Ca-Hib-HB (diphtérie, coqueluche, tétanos, poliomyélite, Haemophilus de type B, hépatite B) et VPC13 (pneumocoque 13 valences) ;
–  5 mois et 12 mois : Men-C-C (méningocoque C) ;
– 12 mois et entre 16 et 18 mois : ROR (rougeole, oreillons, rubéole).
Le BCG est un vaccin recommandé chez les enfants appartenant aux groupes à risque (résidant ou en contact avec des personnes de zones endémiques).

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