Vous recevez en consultation de gastroentérologie M. C., adressé par son médecin traitant pour des anomalies biologiques. M. C. a 35 ans, il travaille dans une banque d’affaires, est marié et a un enfant. Il boit un peu d’alcool, le week-end avec ses amis, fume 2 cigarettes par jour. Il n’a aucun antécédent médical ou chirurgical particulier et ne prend aucun traitement. Il vous montre son dernier bilan sanguin :

– hémoglobine glyquée (Hg) = 10,9 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 69 µm3 ; leucocytes = 5 G/L ; plaquettes = 230 G/L ; taux de prothrombine (TP) = 95 % ; 

– aspartate aminotransférase (ASAT) = 12 UI/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = 11 UI/L ; gamma GT = 16 UI/L ; phosphatase alcaline (PAL) = 20 UI/L ; bilirubine totale = 11 µmol/L ;  

– natrémie (Na) = 136 mmol/L ; kaliémie (K+) = 4,3 mmol/L ; créatininémie = 75 µmol/L ; protéine C réactive (CRP) = 3 mg/L ;

– ferritinémie = 8 µg/L (N : 10- 160) ; vitamine B12 = 160 pmol/L (N : 130-400) ;  

thyroid stimulating hormone (TSH) = 3 mUI/L (N : 1,5-5).  

Son examen clinique est sans particularité. Il n’y a pas de perte de poids ni d’altération de l’état général. Ses constantes sont les suivantes : tension artérielle (TA) = 140/75 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 80 bpm ;  saturation en oxygène (SaO2) = 99 % en air ambiant.
Question 1 -  Votre interprétation est la suivante :
La CRP est négative.
La ferritinémie est basse.
Faux, les autres lignées (plaquettes et leucocytes) sont normales.
C’est ici une anémie microcytaire qui doit en premier lieu faire évoquer une carence martiale.
Faux, l’anémie par carence en folates est macrocytaire, comme l’anémie par carence en vitamine B12 ou celle liée à l’éthylisme chronique.
L’anémie microcytaire est toujours arégénérative, le dosage des réticulocytes n’est donc pas utile.
M. C. a une anémie (Hg < 12 g/dL chez la femme, 13 g/dL chez l’homme) microcytaire (VGM < 80), qui est par définition arégénérative.
Devant une anémie microcytaire, deux diagnostics sont à évoquer :
– anémie inflammatoire. Ce n’est pas le cas ici car il n’y a pas d’inflammation (CRP normale) ;
– anémie par carence martiale. C’est le cas ici, la ferritine est effondrée.
Ici comme la CRP est négative, la ferritine seule permet de faire le diagnostic de carence martiale.
En cas d’inflammation, il est nécessaire d’effectuer un bilan martial complet (figure 1) afin de faire la part des choses entre anémie inflammatoire et anémie par carence martiale.
Figure 1 (Collège HGE)
M. C. a donc une anémie par carence martiale, qui semble asymptomatique.
Question 2 - Vous prescrivez le(s) examen(s) complémentaire(s) suivant(s) en première intention :
Devant une anémie par carence martiale chez un homme jeune, le premier examen à réaliser est une endoscopie digestive haute à la recherche d’une maladie cœliaque, d’une infection à Helicobacter pylori, d’une gastrite atrophique… On ne réalise pas d’emblée la coloscopie qui est surtout nécessaire pour chercher un cancer du côlon, peu probable chez un homme jeune sans altération de l’état général.
Si c’était une femme jeune, il faudrait d’abord penser à une étiologie gynécologique.
Le scanner TAP serait utile pour rechercher une néoplasie, ce qui n’est pas dans nos premières hypothèses car il s’agit ici d’un homme jeune.
Le myélogramme n’est pas indiqué dans l’anémie microcytaire par carence martiale.
L’IRM hépatique est utile dans la surcharge en fer pour quantifier la surcharge hépatique mais pas dans la carence. 
Vous réalisez donc une endoscopie digestive haute chez M. C. 
Vous retrouvez un aspect de gastrite de l’ensemble de la cavité associée à cette image (figure 2). 
Figure 2 (Élisabeth Capelle (hôpital Delafontaine), La Revue du Praticien)

Le duodénum est normal.
Question 3 - À la suite de la découverte de cette lésion :
C’est la seule lésion visualisée, il est possible que l’ulcère ait saigné à bas bruit et qu’il soit associé à une gastrite, ce qui expliquerait la carence martiale.
Un ulcère gastrique, à la grande différence de l’ulcère duodénal, doit TOUJOURS être biopsié au niveau des berges car il est suspect de malignité. Ici, on fait la biopsie car on est en dehors d’un contexte d’hémorragie digestive (dans ce cas les biopsies auraient été faites à distance, lors d’une autre endoscopie). 
L’ulcère duodénal, lui, ne dégénère jamais.
Ici, pas de signe de saignement récent ou actif. On ne réalise pas l’endoscopie dans un contexte d’hémorragie digestive mais d’exploration de carence martiale. Il n’est donc pas nécessaire d’effectuer un geste d’hémostase.
Même justification que pour la réponse 3, nous ne sommes pas en contexte d’hémorragie digestive.
Il faut toujours avoir en tête la possibilité que l’ulcère gastrique soit un cancer.
M. C. souffre donc d’un ulcère gastrique, associé à une gastrite, expliquant la carence martiale. 
Question 4 - Concernant votre prise en charge thérapeutique :
Le traitement par IPP en intraveineuse à la seringue électrique (IVSE) est indiqué en cas d’ulcère hémorragique.
C’est le traitement.
Il n'y a jamais d’urgence à éradiquer H. pylori. Ici, on a fait des biopsies, on va attendre les résultats avec la bactériologie étudiant la sensibilité de la souche d’H. pylori aux antibiotiques.
Contrôle systématique à 4 semaines en cas d’ulcère gastrique afin de vérifier la cicatrisation et de refaire des biopsies des berges. 
En cas d’ulcère gastrique, toujours garder en arrière-pensée le cancer !
Il faut les éviter mais il n’y a pas de contre-indication à vie, il faudra les prendre en cas de vraie indication et sous couvert d’un traitement IPP associé.
Vous recevez les résultats des biopsies faites pendant l’endoscopie digestive haute qui révèle la présence d’une souche d’H. pylori sensible à la clarithromycine. 
Question 5 - Concernant la prise en charge d’H. pylori :
Ici, la souche d’H. pylori est sensible à la clarithromycine, la quadrithérapie bismuthée n’est pas donc pas le traitement de première intention.
C’est le traitement.
Attention ! les antibiotiques sont à prendre 10 jours, mais les IPP sont pris pendant 6 semaines.
Elle est inutile car elle reste positive des années après l’éradication de la bactérie. En pratique, la sérologie H. pylori n’est jamais faite… 
C’est le moyen le plus utilisé pour contrôler l’éradication d’H. pylori.
Attention ! le test est à faire au moins 4 semaines après l’arrêt des antibiotiques et 2 semaines après l’arrêt des IPP.
On ne contrôle pas la disparition d’H. pylori sur les biopsies.

 

Figure 3 (Haute Autorité de santé. . Traitement de l’infection par Helicobacter polyri chez l’adulte. mai 2017)
M. C. consulte aux urgences quelques semaines plus tard car il a une douleur épigastrique extrêmement invalidante, il ne peut plus rien avaler et a eu plusieurs épisodes de vomissements.
Il dit ne pas avoir pris les médicaments qui lui avaient été prescrits car il avait peur de faire une allergie.
Ses constantes sont les suivantes : TA = 90/65 mmHg ; FC = 110 bpm ;  SaO2 = 99 % en air ambiant.
Biologiquement :
– Hg = 11,2 g/dL ; leucocytes = 15 G/L ; plaquettes = 430 G/L ; TP = 95 % ;
– ASAT = 12 UI/L ; ALAT = 11 UI/L ; gamma GT = 16 UI/L ; PAL = 20 UI/L ; bilirubine totale = 11 µmol/L.
– Na = 136 mmol/L ; K+ = 4,3 mmol/L ; créatininémie = 145 µmol/L ; CRP = 320 mg/L.
À l’examen clinique, il a une contracture diffuse de l’abdomen.
Question 6 - Concernant vos hypothèses diagnostiques :
La sténose ne provoque pas de contracture abdominale, elle a plutôt une évolution chronique avec diminution des ingesta et vomissements post-prandiaux.
Il faut absolument y penser : tableau typique avec la douleur intense et la contracture généralisée.
L’hémoglobine est stable, il n’y a pas d’extériorisation sanguine.
Il faut systématiquement éliminer une étiologie cardiaque lors d’une douleur épigastrique, même si le tableau n’est pas typique.
Le tableau pourrait coller avec une pancréatite : douleurs épigastriques, vomissements, contracture, syndrome inflammatoire biologique.
Vous évoquez donc une perforation de l’ulcère gastrique, qui pourrait être responsable du tableau clinique.
Question 7 - Votre conduite à tenir est la suivante : 
L’endoscopie digestive haute est contre-indiquée en cas de suspicion de perforation car lors de l’endoscopie on insuffle de l’air, ce qui va aggraver la perforation.
C’est l’examen de première intention à demander afin de rechercher la perforation et voir ses conséquences.
L’échographie abdominale n’est pas assez précise, elle ne permettra pas forcément de visualiser l’origine de la perforation.
Il faut d’abord faire un scanner.
Examen qui n’a presque plus aucune indication, maintenant que le scanner est facile d’accès. Il est intéressant surtout en cas de suspicion d’occlusion, afin de visualiser des niveaux hydroaériques.
 

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