Vous recevez en consultation M. X., 57 ans. Il s’agit d’un journaliste en activité dans la presse sportive, qui est suivi pour une hypertension artérielle essentielle et une dyslipidémie. Il pèse 87 kg pour 1,70 m, consomme 2 verres de vin par jour et fume 10 cigarettes par jour depuis ses 17 ans. Sa mère a eu un carcinome épidermoïde au niveau de la main droite à l’âge de 77 ans, et son père un cancer colorectal à l’âge de 56 ans, dont il a guéri après chirurgie et chimiothérapie.

Son traitement actuel comporte : amlodipine 5 mg le matin, simvastatine 40 mg le soir.

Il vous interroge sur les dépistages de cancer à réaliser.

Question 1 - Pour M. X. vous recommandez les dépistages suivants :

M. X. est à risque élevé de cancer colorectal (antécédent familial) et doit donc bénéficier d’un dépistage se basant sur des coloscopies.

Serait vrai s’il s’agissait de Mme X.

Dépistage du cancer de prostate : PSA + TR pour les hommes de plus de 50 ans (40 ans si afro-antillais), tous les 2 à 4 ans (recommandations du Comité de cancérologie de l’Association française d’urologie [CCAFU]). 
Pas d’intérêt si PSA < 1 ng/ml à 60 ans.

À ce jour, le dépistage du cancer du poumon chez les « gros fumeurs » n’est toujours pas remboursé. Cela devrait bientôt être le cas.

M. X. est à risque élevé de cancer colorectal de par son antécédent : il devrait avoir reçu une coloscopie à l’âge de 45 ans (ou 10 ans avant l’âge index, ce qui serait après 45 ans ici).


Pour rappel : sur les modalités de dépistage du cancer colorectal en population générale, vous trouverez ci-dessous le tableau des recommandations 2017 de la Haute Autorité de santé (HAS).

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Figure 1 (HAS)

 

M. X. a décidé, après discussion avec vous, de ne pas réaliser de dépistage du cancer de prostate. En revanche, il vient de réaliser une coloscopie, qui a retrouvé un polype en dysplasie de haut grade de 1,5 cm du côlon transverse. Il a pu être réséqué dans son intégralité. 

Question 2 - Vous proposez la prise en charge complémentaire suivante :

Pas de bilan d’extension car pas de cancer.

Pas de bilan d’extension car pas de cancer.

Il s’agit d’un polype à haut risque.

Il n’y a pas d’indication à réaliser de bilan d’extension car il n’y a pas de cancer colorectal ici ! 
Les définitions du polype à haut risque (et donc donnant lieu à une coloscopie à 3 ans) sont proches dans les différentes recommandations (HAS 2017 ou Société française d’endoscopie digestive [SFED]), et il faut globalement retenir : 
– plus de 1 cm ;
– OU polype festonné ;
– OU dysplasie de haut grade ;
– OU plus de 3 à 5 polypes simultanés.
En dehors de cette définition, il s’agira d’un polype à bas risque, donc prochaine coloscopie à 5 ans. 
Ci-dessous les recommandations de la HAS 2017 :

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Figure 2 (HAS)

 

Vous perdez de vue M. X. qui ne s’est pas soucié de réaliser une coloscopie de contrôle 3 ans après la dernière. 
Vous le revoyez en consultation 3 ans plus tard, car il vous décrit des épisodes de rectorragies intermittentes depuis maintenant 6 mois. Il a perdu 6 kg et pèse maintenant 81 kg. 
Cliniquement, l’auscultation cardiopulmonaire est normale, la palpation abdominale est sans anomalie, en particulier vous ne palpez pas d’organomégalie. Les aires ganglionnaires, notamment sus-claviculaires sont libres. En revanche, au toucher rectal, vous touchez une lésion bourgeonnante de la face postérieure du rectum. 

Question 3 - Vous organisez le bilan suivant en première intention :

Obligatoire devant ce probable cancer colorectal avec amaigrissement : on doit traquer la dénutrition.

La coloscopie devra être complète, même si on suspecte un cancer rectal, à la recherche de tumeurs synchrones.

Pour l’instant, nous n’avons pas de diagnostic, et donc pas encore de bilan d’extension à faire. 
En revanche, devant un saignement chronique, il conviendra de rechercher une anémie ferriprive, ou inflammatoire (probable cancer).

Une coloscopie a été réalisée, qui montre un polype bourgeonnant de la face postérieure du rectum d’environ 4 cm de hauteur, situé à 3 cm du bord supérieur du sphincter strié. Celui-ci n’a pas pu être réséqué, mais la biopsie confirme votre crainte : il s’agit bien d’un adénocarcinome lieberkühnien.

Question 4 - Vous organisez nécessairement le bilan suivant :

Le seul cancer à l’ECN faisant l’objet d’un dépistage systématique des métastases cérébrales est le cancer du poumon.

Il s’agit ici d’une tumeur du moyen rectum (2-7 cm du sphincter). Je vous rappelle le bilan initial d’un cancer colorectal :  
Bilan biologique :
– retentissement : NFS, CRP ;
– bilan nutritionnel : albumine, préalbumine ;
– préthérapeutique : ionogramme sanguin, urée, créatinine, bilan hépatique complet (BHC). 
Le dosage de l’antigène carcino-embryonnaire (ACE) est optionnel. Le CA-19-9 n’a pas d’intérêt.
Coloscopie : COMPLÈTE +++
Bilan d’extension :
– côlon et haut rectum : TDM-TAP ;
– moyen et bas rectum : TDM-TAP + IRM rectale/écho-endoscopie.

Le scanner thoraco-abdomino-pelvien ne montre rien d’autre que la tumeur rectale, notamment pas d’argument pour une atteinte à distance. 
Vous attendez l’IRM rectale pour préciser l’envahissement locorégional. 
Vous essayez d’affiner le phénotype moléculaire de la tumeur.

Question 5 - Vous devez absolument récupérer le(s) élément(s) suivant(s) : 

À rechercher de manière germinale (dans le sang du cas index) en cas de suspicion de prédisposition génétique : sein, ovaire, prostate, pancréas.

À rechercher sur la tumeur dans le cancer du sein.

À rechercher systématiquement dans les cancers colorectaux : 
– localisés : phénotype MSI (instabilité microsatellite) ;
– avancés : phénotype MSI (instabilité microsatellite) ; recherche de mutations de NRAS, KRAS et BRAF.

Il s’agit d’une tumeur à microsatellites stables (MSS).
Le compte-rendu du radiologue vous confirme l’envahissement du mésorectum, et le contact avec la fascia recti par endroit, sans l’envahir. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien est sans particularité.

Question 6 - Vous proposez le traitement suivant :

À proposer systématiquement devant les tumeurs T3/T4 ou N+. Ici, l’envahissement du mésorectum classe la tumeur T3.

Uniquement indiqué dans les cancers colorectaux avancés.

Ici, il y a une marge de plus de 1 cm avec le bord supérieur du rectum. Donc on peut faire une chirurgie conservatrice du sphincter : proctectomie avec résection du mésorectum.

La résection endoscopique ne se discute que pour les petites tumeurs T1. Ici, la tumeur est volumineuse et quasiment circonférentielle sur l’imagerie, elle est T3…

Modalités de traitement du cancer du rectum localisé : 
1) si T3-T4 ou N+ : chimiothérapie d’induction (Folfirinox, recommandations récentes) puis radiochimiothérapie (Capécitabine) ;
2) exérèse complète du mésorectum + proctectomie (marges supérieure et inférieure de 5 cm, si possible) + anastomose côlo-anale. 
Si < 1 cm du bord supérieur du sphincter : amputation abdominopelvienne ;
3) chimiothérapie adjuvante (Folfox) si tumeur ypN+ principalement.

M. X. a reçu une radiochimiothérapie concomitante avec de la Capécitabine, après vérification de l’absence de déficit partiel ou complet en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), avec globalement une bonne tolérance globale. 
Il peut être opéré de sa tumeur rectale par proctectomie totale avec exérèse du mésorectum. L’anatomopathologie de la pièce opératoire montre la persistance d’une tumeur ypTN2N1 (2 ganglions sur les 15 analysés).
Il est décidé d’une chimiothérapie adjuvante par Folfox pour 12 cures. 
Après 8 cures, le malade décrit des paresthésies des mains et des pieds majorées par le froid, devenant invalidantes (il lui devient difficile de boutonner les boutons de sa chemise le matin).

Question 7 - La/Les molécule(s) de chimiothérapie imputable(s), et donc la/les dose(s), à diminuer, est/sont :

Donne effectivement des neuropathies, mais ne fait pas partie du Folfox.

Le Folfox est probablement le régime de chimiothérapie à connaître à l’ECN.
Il associe l’oxaliplatine (sel de platine, responsable principalement de neuropathies périphériques à type de paresthésies déclenchées par le froid) au 5-FU (antimétabolique de la famille des antipyrimidines, pouvant donner des spasmes coronariens et des syndromes mains-pieds) et de l’acide folinique
En intraveineuse.
Tous les 15 jours.
Rappel des toxicités spécifiques de chaque sel de platine : 
– carboplatine : thrombopénie +++ ;
– oxaliplatine : neuropathie périphérique ;
– cisplatine : ototoxicité et insuffisance rénale aiguë (par précipitation intratubulaire et nécrose tubulaire aiguë). Donc hyperhydratation.

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