Maxime, 21 ans, étudiant en droit, se présente à votre consultation pour une asthénie trainante et s’intensifiant depuis un mois, responsable d’un absentéisme professionnel. Il a maigri de 5 kg ces trois derniers mois (poids actuel 72 kg pour un poids de forme à 77 kg) et souhaiterait que vous lui prescriviez des vitamines. Il se plaint de démangeaisons sur tout le corps, d’une toux sèche et de lombalgie mal calmée par 4 g de paracétamol. À l’anamnèse, ce dernier vous rapporte une fébricule vespérale à 38,5 °C au coucher disparaissant le matin au réveil. Par ailleurs, il rapporte des sueurs nocturnes particulièrement gênantes. Pas de voyage récent. À l’examen clinique, vous retrouvez des lésions de grattage dans le dos, une adénopathie sus claviculaire droite de 2,5 cm, une adénopathie inguinale droite de 3 cm et une splénomégalie à trois travers de doigt. Son bilan biologique est le suivant : natrémie : 140 mmol/L, kaliémie : 3,9 mmol/L, créatinémie : 73 µmol/L, Hb : 10,3 g/dL, VGM : 85 µm3, globules blancs : 8 G/L avec des polynucléaires neutrophiles à 2,5 G/L, des polynucléaires éosinophiles à 1,7 G/L et des lymphocytes à 2 G/L, plaquettes : 156 G/L, pas de cellules anormales circulantes. La VS est à 82 mm à 1 heure et la CRP 153 mg/L. Au regard de l’anamnèse et de l’examen clinique, vous décidez d’hospitaliser le patient pour élargir les explorations. 
Question 1 : Au regard de son hémogramme ce patient présente 
Pour commencer, une question simple sur l’interprétation de l’hémogramme. Ici, il existe une anémie normocytaire (VGM > 82 µm3). Il n’y a pas hyperleucocytose ( 10 G/L de globules blancs) sans neutropénie ni hyperlymphocytose ( 4 G/L). Ce patient présente une hyperéosinophilie (PEo > à 0,5 G/L).
Question 2 : Parmi les examens biologiques suivants, lesquels vous paraissent pertinents en première intention 
Dans ce contexte de syndrome tumoral fébrile chez un sujet jeune, la réalisation d’une sérologie VIH est indiscutable. Par ailleurs, la réalisation de sérologie CMV et EBV afin d’explorer un syndrome mononucléosique paraît pertinent (même si, ici, il n’y a pas d’hyperlymphocytose). Demander en première intention un examen parasitologique des selles dans ce contexte d’hyperéosinophilie est également légitime. Enfin, le dosage du Quantiferon n’a pas d’indication ici, même en cas de suspicion de tuberculose maladie, puisque le Quantiferon est indiqué en cas de suspicion de tuberculose latente.
Les sérologies VIH, EBV et CMV sont négatives. Les hémocultures et l’ECBU réalisés sont stériles. L’examen parasitologique des selles est négatif. Vous décidez d’élargir votre bilan diagnostique avec un scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté. Ce dernier met en évidence, outre les adénopathies périphériques constatées cliniquement, plusieurs adénopathies médiastinales et abdominales, une hépato-splénomégalie franche ainsi que des lésions pulmonaires infiltratives diffuses. 
Question 3 : Chez ce patient, au regard de l’anamnèse et de l’examen clinique, les diagnostics qui vous paraissent les plus probables sont 
Ici, chez un sujet jeune d’une vingtaine d’années présentant une altération franche de l’état général associée à un tableau de polyadénopathies, une fièvre vespérale, des sueurs nocturnes et un élargissement du médiastin, les trois diagnostics à classiquement évoquer sont une sarcoïdose, une tuberculose maladie et un lymphome agressif du sujet jeune. D’autres diagnostics sont évidemment possibles comme des tumeurs germinales ou embryonnaires, voire une primo-infection VIH (mais la sérologie VIH, elle, devra néanmoins est contrôlée à trois mois). La clinique n’est pas en faveur d’une gale croûteuse (norvégienne), exceptionnelle par ailleurs chez un patient immunocompétent. Enfin, le terrain et la clinique sont clairement incompatibles avec le diagnostic de leucémie lymphoïde chronique.
Question 4 : Parmi les examens paracliniques suivants, lequel ou lesquelles vous paraissent désormais pertinents ? 
Au regard des trois diagnostics les plus probables (sarcoïdose, tuberculose maladie et lymphome agressif), la réalisation de BK selles et crachats permet d’avancer sur le diagnostic de tuberculose maladie. Le dosage de l’enzyme de conversion permet d’explorer ici le versant sarcoïdose. Enfin, il est important de demander une calcémie et albumine. Toutes les granulomatoses peuvent donner des hypercalcémies. Les hypercalcémies peuvent être à l’origine des troubles du rythme cardiaque. Il n’y a pas à ce moment de la prise en charge d’indication au myélogramme d’autant plus que le patient ne présente pas de cytopénie pour le moment.
Les BK selles et crachats sont négatifs. Il n’y a pas d’hypercalcémie. Le dosage de l’enzyme de conversion est normal.
Question 5  : Parmi les examens paracliniques suivants, celui ou ceux permettant de poser le diagnostic de certitude sont 
Ici seule une biopsie-exérèse chirurgicale d’une adénopathie avec examen anatomopathologique permet d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic, de lymphome agressif notamment. Outre l’analyse de la microarchitecture ganglionnaire, la présence de cellules lymphomateuses et la réalisation d’immunomarquage sur ces dernières permet de poser le diagnostic de certitude. Dans le cadre d’une sarcoïdose ou d’une tuberculose, on s’attend à trouver un granulome épithélioïde et gigantocellulaire avec nécrose caséeuse dans le cas de la tuberculose et sans dans le cas de la sarcoïdose. Concernant le TEP-TDM, celui-ci fixera de manière non spécifique quelle que soit la pathologie. La cytoponction à l’aiguille n’est ni sensible ni spécifique et oriente rarement. Le tubage gastrique ne se pratique plus dans les centres référents BK et était uniquement utile pour la recherche de tuberculose. La biopsie ostéomédullaire n’est utile que pour évaluer l’infiltration médullaire si le diagnostic de lymphome est posé.
 Vous réalisez finalement la biopsie-exérèse chirurgicale de l’adénopathie. L’anatomopathologie met en évidence une importante population polyclonale T d’allure réactionnelle entourant de grandes cellules de Reed-Sternberg CD15+ CD30+ CD20-, au sein d’une architecture ganglionnaire scléronodulaire. La biopsie ostéomédullaire retrouve une infiltration massive de la moelle par cette même population cellulaire.
Question 6 : Au regard de ces nouveaux résultats 
L’anatomopathologie est sans appel. Les cellules de Reed-Sternberg sont pathognomoniques des lymphomes hodgkiniens. Les lymphomes B diffus à grandes cellules sont CD20+, tout comme les lymphomes folliculaires qui, eux en revanche, sont des lymphomes indolents avec une symptomatologie clinique nettement moins bruyante. Il n’y a ici aucun doute avec un diagnostic de sarcoïdose ou tuberculose.
Afin de compléter le bilan d’extension de ce lymphome hodgkinien, vous réalisez une TEP-TDM. Tous les éléments précédemment décrits (des adénopathies médiastinales et abdominales, une hépatosplénomégalie franche, et des lésions pulmonaires infiltratives diffuses) s’avèrent être hypermétaboliques.
Question 7 : Au regard de l’ensemble des éléments dont vous disposez désormais 
Au vu de l’imagerie et de la biopsie ostéo-médullaire (BOM), il s’agit évidemment d’un stade IV (hépatique, pulmonaire et médullaire) dans la classification d’Ann Arbor. L’atteinte splénique évidente en fait un stade « S ». La présence de sueurs nocturnes, d’un amaigrissement et de fièvre en fait un stade « B ». Le syndrome inflammatoire biologique (VS et CRP) en fait un stade « b ».
Le patient s’interroge sur l’intérêt de la TEP-TDM dans sa pathologie, d’autant plus que le diagnostic et le stade de sa pathologie étaient déjà connus avant cet examen.
Question 8 : Vous lui répondez 
La fixation de la TEP-TDM est non spécifique et ne permet en aucun cas de différencier une hémopathie d’une pathologie infectieuse ou inflammatoire. C’est l’examen scintigraphique de référence des lymphomes hodgkiniens, permettant de cartographier la maladie et de suivre l’efficacité du traitement. D’ailleurs, une négativation précoce de la TEP-TDM (après la deuxième cure de chimiothérapie) est le plus puissant marqueur pronostique du devenir favorable du patient indépendamment des paramètres initiaux.
Vous décidez de traiter ce patient par six cures de chimiothérapie intensive de type BEACOPP, chimiothérapie pourvoyeuse d’agranulocytose fébrile de haut risque, dont voici le détail ci-dessous :
 
B = bléomycine 10 mg/m² IV à J8
E = étoposide 200 mg/m² IV de J1 à J3
A = doxorubicine 35 mg/m² IV à J1
C = cyclophosphamide 1200 mg/m² IV à J1
O = vincristine 1,4 mg/m² IV à J8
P = procarbazine 100 mg par voie orale de J1 à J7
P = prednisone 40 mg/m² par voie orale de J1 à J14
Question 9 : Concernant votre bilan thérapeutique, vous réalisez 
Au vu des drogues de chimiothérapie qui vont être administrées, des EFR sont nécessaires compte tenu de la toxicité pulmonaire de la bléomycine ; une ETT avec mesure de la FEVG est indiquée en raison de la toxicité cardiaque cumulative des anthracyclines (doxorubicine) ; enfin, les sérologies virales sont médicolégales chez un patient qui va probablement être multitransfusé compte tenu de l’hématotoxicité de son traitement. Par ailleurs, une réactivation EBV et une infection par le VIH sont des facteurs de risques de lymphomes hodgkinien. L’électromyogramme est inutile même si la vincristine est pourvoyeuse de neuropathies périphériques. C’est un suivi clinique qui est recommandé. Ici, enfin, une prise en charge CECOS est également médicolégal, avec cryoconservation du sperme compte tenu du risque d’hypofertilité ou de stérilité lié à BEACOPP.
La première cure de BEACOPP est bien tolérée. Six jours après la deuxième cure de BEACOPP, le patient entre en urgence pour un tableau d’hyperthermie à 39,9 °C associés à des frissons. Sa diurèse est conservée, aux alentours de 1,5 L/24 heures. Sa tension artérielle est 110/60 mmHg, la saturation à 96 % en air ambiant, la fréquence cardiaque à 92 batt/min. L’examen clinique est sans particularité, le patient n’est pas cyanosé ou marbré. En revanche, vous notez que sa voie centrale (PAC) est inflammatoire, tuméfiée et douloureuse à la palpation. Par ailleurs, vous constatez des petites tâches pourpres punctiformes sur les jambes et les bras du patient qui ne s’effacent pas à la vitropression. Les résultats de son hémogramme sont les suivants : GB : 0,7 G/L, PNN : 0,3 G/L, lymphocytes 0,4 G/L, plaquettes : 18 G /L, hémoglobine : 9,2 g/dL, VGM : 90 fl, réticulocytes : 25 G/L, le ratio TCA patient /témoin est à 1,2, le fibrinogène est à 2,2 g/L, et le TP à 73 %. Le bilan biochimique est sans particularité en dehors d’une CRP à 92 mg/L.
Question 10 : Concernant les lésions dermatologiques des membres inférieurs de ce patient 
On distingue essentiellement deux types de purpura. Le purpura vasculaire associé notamment aux vascularites, aux SHU, MAT… Ce purpura est déclive, induré, parfois nécrotique et épargne les muqueuses. Le purpura thrombocytopénique touche les membres supérieurs et inférieurs, il peut atteindre les muqueuses (notamment buccales), n’est pas induré ni nécrotique. Dans certaines situations comme le SHU par exemple, il peut y avoir un tableau de vascularites associées à une thrombopénie de consommation (CIVD), auquel cas des tableaux mixtes existent
Question 11 : Concernant la prise en charge transfusionnelle de ce patient 
Chez ce patient, il faut transfuser 1 CPA, car il a moins de 20 G/L de plaquettes ET il est fébrile, ce qui constitue un facteur de risque hémorragique chez les patients compris entre 10 et 20 G/L de plaquettes. Il s’agit d’un sujet jeune qui tolère bien son anémie > 8 g/dL sur le plan cardiorespiratoire, donc il n’y a pas d’indication à transfuser de CGR. Enfin, n’étant pas en CIVD, il n’y a pas d’indication à le transfuser en PFC et/ou fibrinogène (TP > 50 % et fibrinogène > 0,8 g/dL). L’albumine est complétement hors de propos ici.
Question 12 : Concernant la prescription de l’antibiothérapie chez ce patient 
Le BEACOPP est une chimiothérapie pourvoyeuse d’aplasies fébriles dites de haut risque (> 7 jours de durée théorique de neutropénie) (cf. plus haut). Conformément aux recommandations (ECIL6 / Pilly 2018), le traitement de première intention doit comprendre l’association d’une bêtalactamine de large spectre (ticarcilline) à un inhibiteur des bêtalactamases (Tazobactam). La vancomycine ne doit pas être prescrite en première intention, sauf en cas de point d’appel cutané (ce qui est le cas chez ce patient, PAC infecté). Les aminosides (amikacine, gentamycine…) doivent être administrés uniquement en cas de signes de mauvaise tolérance hémodynamique. L’association Augmentin + Ciflox est proposée aux patients présentant une aplasie fébrile dite de bas risque ( 7 jours de durée théorique de neutropénie) et donc ambulatoires.
Vous parvenez à totaliser six cures de BEACOPP. La TEP-TDM à l’issue de ces six cures fait état d’un patient en rémission complète. Vous démarrez un suivi de sa pathologie, et ce pour cinq ans. Un peu plus de deux ans après la fin du traitement, le patient est de nouveau admis aux urgences pour une dyspnée d’apparition brutale (sur 72 heures). Le patient est non cyanosé, non marbré, il sature à 88 % en air ambiant. Il est fébrile à 38,4 °C sans frissons. Il est polypnéique à 28 cycles par minute. Son visage est discrètement œdématié et ses veines jugulaires turgescentes. Vous notez une franche circulation collatérale au niveau du thorax.
Question 13 : Au vu des antécédents du patient, de son examen clinique et de sa radiographie du thorax de face 
Ce patient présente un syndrome cave supérieur. Les signes cliniques du syndrome cave supérieur sont : une turgescence jugulaire, un œdème de la face, une circulation collatérale, des télangiectasies, un œdème en pèlerine, une circulation collatérale, une dysphonie et une dysphagie (par atteinte du récurrent). Le tableau clinique est bien trop brutal pour une fibrose pulmonaire. Enfin, la radiographie correspond à un « Bulky » thoracique qui ne ressemble ni à un tableau de pneumopathie ni à celui d’une fibrose pulmonaire.
Question 14 : Concernant le traitement à débuter en urgence chez ce patient 
Le traitement du syndrome cave supérieur est une urgence et repose sur une oxygénothérapie, une corticothérapie, une anticoagulation efficace et une chimiothérapie (traitement étiologique) adaptée à la tumeur. Ici, même si une rechute médiastinale du lymphome de Hodgkin est le plus probable, sans anatomopathologie il est impossible d’administrer de la chimiothérapie. Par ailleurs, il n’y a jamais d’indication chirurgicale dans ce contexte.
Le patient est mis en rémission complète grâce à un traitement de rattrapage par chimiothérapie intensive et autogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Cinq plus tard, il est considéré comme guéri.
Maxime a désormais 29 ans, il est marié, et a 2 enfants. Il revient vous voir en raison d’un hémogramme perturbé. Il présente une anémie normochrome, normocytaire à 10,2 g/dL. À noter également, une thrombopénie à 123 G/L avec la présence de micromégacaryocytes et discrète leuconeutropénie à 1,23 G/L avec de polynucléaires dégranulés. Enfin, l’examen direct retrouve 1 % d’hémoblastes circulants. Le reste du bilan biologique est sans particularité. L’examen clinique est sans particularité en dehors d’une discrète splénomégalie.
Question 15 : Au regard de l’anamnèse, de l’examen clinique et du bilan biologique 
Le patient présente très vraisemblablement un syndrome myélodysplasique ou une leucémie aiguë myéloblastique secondaire, aux multiples lignes de chimiothérapie reçues myélotoxiques (alkylants, anthracyclines). Il n’existe ici aucun argument en faveur d’une rechute du lymphome hodgkinien. Il n’existe aucune indication ici à la biopsie splénique, qui est un examen peu contributif sur le plan diagnostique et à haut risque hémorragique.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien