Vous recevez aux urgences M. B., 83 ans, pour asthénie croissante, dyspnée et diarrhée. Il ne rapporte pas de fièvre ou de frissons à domicile. Il est autonome, a un tabagisme sevré et une consommation d’alcool occasionnelle. Il a pour principal antécédent une cardiopathie ischémique stentée sur l’interventriculaire antérieure (IVA) il y a un mois sur un syndrome coronarien aigu. Il a par ailleurs une hypertension artérielle ancienne traitée. Il est en cours de traitement par Augmentin pour une bronchite, prescrit par son médecin traitant.

Son traitement comprend :

– Kardegic 75 mg, 1 cp le matin ; 

– Ticagrelor 90 mg, 1 cp matin et soir ; 

– Irbesartan 150 mg, 1 cp le matin ;

– Bisoprolol 2,5 mg, 1 cp le soir ;

– Aldactone 25 mg, 1 cp à midi ;

– Dapagliflozine 10 mg, 1 cp le matin ;

– Lansoprazole 15 mg, 1 cp le matin ;

– Atorvastatine 40 mg, 1 cp le soir ;

– Augmentin 1 g x 3/j depuis 6 jours.

Ses paramètres vitaux relevés par l’infirmière organisatrice et d’accueil (IAO) sont : pression artérielle (PA) = 95/62 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 81/min ; fréquence respiratoire (FR) = 26/min ; température (T°) = 37,4 °C ; saturation en oxygène (SpO2) = 98 % en air ambiant ; score de Glasgow = 15.

À l’examen clinique, il a des marbrures diffuses, une pâleur, des extrémités froides, un ictère cutanéo-muqueux diffus, une auscultation pulmonaire parfaitement claire, un abdomen souple et indolore. Le reste de l’examen est sans particularité. Le patient signale des urines anormalement foncées.
Question 1 - Concernant la clinique initiale, vous suspectez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Marbrures et extrémités froides.
Malgré la fréquence cardiaque faussement normale chez ce patient sous bêtabloquant.
La polypnée, en l’absence d’hypoxémie (SpO2 normale en air ambiant) et d’anomalie auscultatoire, fait plutôt évoquer une hyperventilation métabolique et/ou une anémie.
Pas de douleur ni de fièvre ; pas d’ictère dans une cholécystite.
Pas de douleur ni de fièvre.
Le patient décrit une diarrhée non glairo-sanglante depuis 4 jours, aqueuse et abondante, survenant le jour et la nuit, avec des selles de couleur brune.
Question 2 - En ce qui concerne la diarrhée, vous suspectez (une ou plusieurs réponses exactes) :
L’Augmentin est inducteur de diarrhée et la chronologie semble concorder.
Il faut rechercher la toxine de Clostridium difficile dans les selles.
Une diarrhée motrice survient après les repas, donc généralement pas la nuit.
Pas de selles grasse, début aigu.
Le début brutal est peu en faveur.
Le bilan biologique montre :
– hémoglobine (Hb) = 7,5 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 93 ; réticulocytes = 376 G/L ; leucocytes = 15 G/L dont polynucléaires neutrophiles (PNN) = 8 G/L, monocytes = 1 G/L, polynucléaires éosinophiles (PNE) = 0,4 G/L, lymphocytes = 5,6 G/L, plaquettes = 342 G/L ;
– protéine C réactive (CRP) = 8 mg/L ; 
– aspartate aminotranférase (ASAT) = 7 N ; alanine aminotranférase (ALAT) = 1,5 N ; phosphatases alcalines (PAL) normales ; gamma-glutamyl transférases (GGT) normales ; bilirubine totale = 167 µmol/L ;
– sodium (Na) = 143 mmol/L ; potassium (K) = 4,7 mmol/L ; créatinine = 504 µmol/L ; urée = 46 mmol/L ;
– gazométrie artérielle : pH = 7,27 ; pression artérielle de gaz carbonique (pCO2) = 16 mmHg ; pression partielle d’oxygène (pO2) = 103 mmHg ; lactate = 7,5 mmol/L ; bicarbonate = 13 mmol/L.
Un scanner thoraco-abdomino-pelvien (scanner TAP) est réalisé dont sont extraites les deux coupes ci-dessous :
Question 3 - Au regard de ces examens, vous suspectez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Bicarbonates bas et hypocapnie secondaire.
Il existe une anémie régénérative avec une augmentation des ASAT et de la bilirubine libre.
Pas de dilatation des voies pyélocalicielles. Il existe un kyste sur le rein droit.
L’anémie est régénérative.
L’ictère est lié à une augmentation de la bilirubine libre, sans cholestase ; il n’y a pas de syndrome inflammatoire.
L’acidose métabolique est définie par :
– pH < 7,38 ;
– bicarbonates < 22 mmol/L ;
– pCO2 < 38 mmHg ;
Ici, la polypnée est le reflet clinique de l’acidose métabolique.
Le scanner TAP ne montre pas d’anomalie thoraco-abdominale significative en dehors d’une discrète splénomégalie, et pas d’hématome profond.
Question 4 - Quelle est votre prise en charge initiale ?
Devant l’hypotension relative chez un patient hypertendu et les signes d’hypoperfusion périphérique.
Non recommandé.
Oui, anémie 7,5 g/dL à un mois d’un infarctus du myocarde et anémie mal tolérée.
Pas de critère de dialyse en urgence pour le moment.
Ici le tableau n’est pas digestif mais celui d’une hémolyse à explorer avec insuffisance rénale aiguë.
Critères de dialyse en urgence :
– hyperkaliémie menaçante (> 6,5 mmol/L et/ou signes ECG) ne répondant pas au traitement médical ;
– acidose métabolique sévère (pH < 7,15) ;
– OAP réfractaire aux diurétiques.
La prise en charge au service d’accueil des urgences (SAU) a consisté en un remplissage vasculaire par 1 000 mL de cristalloïdes et une antibiothérapie probabiliste par Tazocilline. Le patient est transfusé de 2 culots globulaires.
Le patient est transféré en réanimation.
Question 5 - Pour explorer l’anémie, vous demandez (une ou plusieurs réponse exactes) :
Recherche une anémie hémolytique auto-immune.
Une carence martiale donnerait une anémie microcytaire arégénérative.
Recherche d’hémolyse.
Recherche de schizocytes en faveur d’une microangiopathie thrombotique (MAT).
Une carence donnerait une anémie arégénérative.
Il s’agit d’une anémie normocytaire, régénérative, sans notion de saignement actif. Il faut avant tout rechercher une anémie hémolytique et s’orienter vers ses différentes causes.
L’haptoglobine est 0,1 g/L. Le frottis ne retrouve pas de schizocytes.
Question 6 - Quel diagnostic vous semble le plus probable ?
Il s’agit d’une microangiopathie thrombotique.
Il s’agit d’une microangiopathie thrombotique.
Hémolyse non mécanique chez un patient âgé, le plus probable par élimination ici.
Il s’agit d’une maladie rare autosomique récessive, chronique, dont la première manifestation à 83 ans serait inhabituelle.
Clinique et biologie proche de la MAT, dans un contexte de sclérodermie.
La microangiopathie thrombotique (MAT) est diagnostiquée devant l’association d’une anémie hémolytique mécanique et d’une thrombopénie de consommation, avec une hypertension artérielle. On retrouve une hémolyse avec des schizocytes au frottis sanguin.
Le test de Coombs direct revient positif et le test d’élution est positif en IgG +++ et C3 +++. Vous diagnostiquez une anémie hémolytique à anticorps chauds. Le patient est anurique et est finalement dialysé en réanimation devant la détérioration de la fonction rénale. La diarrhée s’amende à l’arrêt de l’antibiotique.
Question 7 - En considérant l’ensemble du dossier, l’insuffisance rénale vous semble probablement secondaire à (une ou plusieurs réponse exactes) :
Probable part fonctionnelle sur la diarrhée initiale, avec secondairement de probables lésions de nécrose tubulaire aiguë. Par ailleurs, on ne sait pas si le patient a été correctement réhydraté.
Précipitation de l’hémoglobine lysée dans les tubules rénaux.
Pas d’argument ici pour une atteinte glomérulaire (patient non diabétique, pas de syndrome glomérulaire évident).
Probable rôle délétère de la coronarographie avec injection d’iode, ainsi que des traitements diurétiques et du sartan.
Pas d’argument pour une origine vasculaire aigue (microangiopathie ou atteinte artérielle rénale) mais probable néphropathie vasculaire chez ce patient hypertendu de longue date et avec des complications macrovasculaires.
Le test d’élution consiste à décrocher les anticorps présents sur les globules rouges. Le plus souvent, on décroche un complexe formé par l’Ig et le C3. Les IgM sont rarement retrouvées car elles se décrochent rapidement du globule rouge du fait de leur grande taille. Dans l’anémie hémolytique à anticorps chauds, on retrouve donc une IgG +/- C3 et dans la maladie des agglutinines froides le C3 seul.

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