M. X., 73 ans, consulte aux urgences car il est essoufflé. 

Il a pour seul antécédent une fibrillation atriale (FA) permanente sous rivaroxaban. Il a travaillé plusieurs années dans une centrale thermique, il est désormais à la retraite, il habite avec son épouse et il est entièrement autonome. Il pratique le vélo de route. Il n’est jamais sorti d’Europe. Il est originaire de Picardie. 

Il se sent légèrement fatigué depuis plusieurs mois (ce qui a été surtout remarqué par son épouse) mais n’y a pas prêté attention. En revanche, depuis trois semaines environ, il a remarqué qu’il n’arrivait plus à faire autant de kilomètres qu’avant avec son vélo, d’où son inquiétude et sa consultation aux urgences. Il ne décrit pas de saignement extériorisé mais des urines à coloration rouge/marron. 

Cliniquement, la tension artérielle est à 139/85 mmHg, la fréquence cardiaque à 98 bpm, la saturation en oxygène à 94 % en air ambiant, la température à 37 °C. Le patient est eupnéique en air ambiant. Les conjonctives sont légèrement ictériques. L’auscultation cardiopulmonaire est normale. Il existe une hépatosplénomégalie, des ganglions centimétriques sont palpables en axillaire bilatéral. 

Il vient avec une biologie réalisée en ville la veille qui est la suivante : 

– hémoglobine (Hb) = 8 g/dL ; réticulocytes = 280 G/L ; volume globulaire moyen (VGM) = 102 fL ; leucocytes = 28 G/L ; neutrophiles = 5 G/L ; éosinophiles = 0,1 G/L ; basophiles = 0,02 G/L ; monocytes = 1,1 G/L ; lymphocytes = 21 G/L ; plaquettes = 173 G/L ; 

– sodium = 143 mmol/L ; potassium = 3,9 mmol/L ; chlorure = 95 mmol/L ; urée = 5 mmol/L ; créatinine = 69 micromol/L ; réserve alcaline = 25 mmol/L ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 72 U/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = 23 U/L ; phosphatase alcaline (PAL) = 95 U/L ; gamma-glutamyl transférase (GGT) = 65 U/L.
Question 1 - Par quel(s) examen(s) biologique(s) complétez-vous le bilan (une ou plusieurs réponses possibles) ?
L’ictère conjonctival vous fait suspecter une hémolyse. Il est impératif de vérifier sur le frottis sanguin l’absence de schizocytes (qui orienteraient vers un purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), même si la normalité des plaquettes éloigne de ce diagnostic), la morphologie des globules rouges qui permet notamment de rechercher des arguments pour une anémie hémolytique constitutionnelle et peut permettre aussi un début de caractérisation morphologique des lymphocytes présents en excès sur la numération formule sanguine (NFS).
Pas d’intérêt ici, on ne suspecte pas une porphyrie.
Reflète l’hémolyse intravasculaire.
Il n’y a pas (encore ?) de paludisme autochtone en France.
Oui l’élévation des LDH reflète des dommages tissulaires, et s’élèvent notamment en cas d’hémolyse.
Vous demandez un bilan sanguin complémentaire en urgence que vous récupérez dans la soirée : haptoglobine indosable, bilirubine totale à 69 mmol/L, LDH à 600 U/L. Il n’y a pas de schizocytes.
Vous décidez d’hospitaliser le patient en médecine interne.
Question 2 - Quel est l’examen que vous allez réaliser en priorité (une seule réponse possible) ?
Il s’agit de l’autre nom du test de Coombs direct.
Ce n’est pas un tableau de maladie constitutionnelle de l’hémoglobine (début récent).
Hors sujet ici, et pas de déficit en G6PD en Picardie (plutôt bassin méditerranéen, Asie, Afrique, Inde, Moyen-Orient).
Il peut y avoir des sphérocytes sur le frottis au cours d’une anémie hémolytique auto-immune, leur présence ou leur absence ne va pas changer la prise en charge.
Le tableau n’évoque pas ce diagnostic (très rare) en priorité, étant donné la présence de syndrome tumoral.
Le test de Coombs direct est positif et montre : IgG+++ et C3d+++.
Le biologiste vous appelle pour vous signaler la présence sur le frottis sanguin de nombreux petits lymphocytes matures monomorphes.
Question 3 - Quelle est votre attitude (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Utile pour évaluer le syndrome tumoral profond.
L’association d’une anémie hémolytique et d’une lymphocytose fait suspecter en premier lieu une leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou un lymphome de bas grade, avec une anémie hémolytique auto-immune associée. 
La LLC ne nécessite pas d’histologie pour le diagnostic, le phénotypage lymphocytaire suffit (avec calcul du score de Matutes). 
Si le diagnostic de LLC est confirmé au phénotypage, il n’y aura pas besoin de pousser plus loin les explorations.
En revanche, si le score de Matutes est inférieur ou égal à 3/5, on aura affaire à un autre type de lymphome, et c’est alors qu’il faudra poursuivre les explorations diagnostiques dans ce sens (biopsie d’un ganglion ou d’une localisation accessible, biopsie ostéomédullaire en deuxième intention).
Vous posez le diagnostic d’anémie hémolytique auto-immune à anticorps chauds. Vous n’avez pas encore de diagnostic formel concernant la nature de la lymphocytose mais le biologiste a vu des ombres de Gumprecht.
Il faudra 24-48 heures pour récupérer le phénotypage lymphocytaire et l’électrophorèse des protéines sériques. 
La biologie est recontrôlée le lendemain matin : hémoglobine = 5,9 G/L ; réticulocytes = 310 G/L ; plaquettes = 182 G/L ; lymphocytes = 18 G/L.
Question 4 - Quelle est votre attitude (une ou plusieurs réponses possibles) ?
L’anémie hémolytique auto-immune est une maladie grave avec une mortalité non négligeable qui nécessite une prise en charge rapide.
Il ne faut pas hésiter à transfuser en cas de mauvaise tolérance et si l’hémoglobine diminue malgré la régénération (souvent il y a confusion avec le purpura thrombopénique immunologique [PTI] au cours duquel la transfusion de plaquettes doit rester exceptionnelle).
Il n’y a pas besoin de réchauffer les culots sauf en présence d’une agglutinine froide, ce qui n’est pas le cas de ce patient (le test de Coombs est alors souvent positif en complément uniquement, car l’anticorps est d’isotype IgM et non IgG).
Le traitement repose sur la corticothérapie systémique à fortes doses, que ce patient aurait déjà dû recevoir la veille ! Cette aggravation très rapide est classique, le traitement ne doit pas tarder. 
Il existe un état prothrombotique associé à l’hémolyse : l’anticoagulation curative était déjà indiquée chez ce patient en FA et doit être poursuivie à posologie curative.
Chez les patients qui n’ont pas d’autre indication à une anticoagulation curative, il faut au moins en prescrire une à posologie préventive.
Vous avez transfusé deux culots globulaires et administré un premier bolus de méthylprednisolone 500 mg par voie intraveineuse.
Question 5 - Quelle mesure associez-vous à ce traitement (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Ce patient va être amené à recevoir une corticothérapie prolongée et probablement un traitement pour sa LLC. Il sera donc immunodéprimé. Il faut le vacciner au plus vite contre le pneumocoque, avant l’adjonction d’autres traitements immunosuppresseurs éventuels. Pour mémoire, le schéma vaccinal actuel est le vaccin 13 valences (Prevenar 13), puis au moins deux mois plus tard le vaccin 23 valences (Pneumovax ou Pneumo 23). Ce schéma vaccinal sera amené à changer en 2023/2024 en fonction de la disponibilité d’un nouveau vaccin anti-pneumocoque.
La corticothérapie et plus particulièrement les bolus de méthylprednisolone peuvent s’accompagner de troubles du rythme cardiaque, de déséquilibre glycémique, et de troubles de l’humeur et du comportement qui se limitent généralement à une irritabilité et à l’insomnie mais aussi parfois de véritables bouffées délirantes aiguës ou un syndrome dépressif.
Au bout de trois jours, quatre culots globulaires et trois bolus de méthylprednisolone, vous prescrivez un relais per os par prednisone 1 mg/kg/j. 
Le phénotypage lymphocytaire montre une population monoclonale CD20+, CD5+, CD23+, FMC7-, CD22 faible, CD79 faible, Ig surface faible.
Question 6 - Quel(s) est (sont) votre (vos) diagnostic(s) ?
Score de Matutes à 5.
Un score de Matutes à 5/5 sur le phénotypage lymphocytaire périphérique suffit au diagnostic de LLC et exclut les autres diagnostics (sauf en cas de transformation en lymphome agressif (syndrome de Richter), avec généralement la présence de signes généraux associés.
La plupart des autres lymphomes auraient nécessité une biopsie avec examen anatomopathologique.
Le diagnostic de LLC est posé. Quinze jours plus tard, le patient est stable cliniquement mais, malgré la corticothérapie, il reste dépendant des transfusions. En concertation avec l’hématologue, vous décidez d’administrer un traitement par rituximab (anticorps monoclonal anti-CD20). L’électrophorèse des protides montre un chiffre normal de gammaglobulines, un pic IgG kappa à 4,6 g/L, la sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est négative ainsi que la sérologie des virus de l’hépatite C (VHC) et B (VHB) qui montre un antigène HBs négatif, un anticorps anti-HBc positif, et un anticorps anti-HBs négatif.
Trois semaines plus tard, vous avez réussi à contrôler la situation et le patient est retourné à domicile avec une hémoglobine à 10 g/dL sans transfusion, les réticulocytes sont à 100 G/L, il n’y a plus d’hémolyse.
Question 7 - Quelle mesure associez-vous à ce traitement (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Inutile ici car le patient répond au traitement immunosuppresseur (peut se discuter en l’absence de régénération après avoir écarté d’autres diagnostics).
Traitement pour le Cytomégalovirus.
Serait indiqué en cas de splénectomie ou d’hypogammaglobulinémie compliquée d’infections bactériennes.
Traitement pour le VIH.
Existence d’hépatites B cytolytiques graves voire fulminantes par réactivation du virus sous rituximab, donc en cas de sérologie montrant la présence isolée d’anti-HBc (c’est-à-dire protection faible du fait de la disparition des anticorps anti-HBs) : il est recommandé de prescrire un traitement par entécavir ou ténofovir en prévention de la réactivation.
La stratégie de surveillance de la polymérisation en chaîne VHB et des transaminases sans prescription systématique d’antiviraux peut se discuter pour les patients avec anticorps anti-HBc et HBs (et de la pathologie sous-jacente).
Pour en savoir plus : Pattullo V. Prevention of hepatitis B reactivation in the setting of immunosuppression.Clin Mol Hepatol 2016;22(2):219-37.

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