Madame F., 68 ans, consulte son médecin traitant pour un suivi systématique. Elle est d’origine réunionnaise. Elle est en bon état général. Elle a pour antécédents une hypertension artérielle traitée par amlodipine, un diabète de type 2 (DT2) sous metformine sans complication microvasculaire ou macrovasculaire, une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS, pour monoclonal gammopathy of undetermined significance) sous surveillance simple, une ostéoporose traitée par acide zolédronique en perfusions annuelles, un antécédent de crise de goutte sous allopurinol ainsi qu’une hépatite B sans cirrhose traitée par ténofovir disoproxil fumarate. Elle a une allergie aux pénicillines (œdème de Quincke).

Son dernier bilan met en évidence une créatininémie à 98 µmol/L, soit un débit de filtration glomérulaire (DFG) à 52 mL/min selon la formule CKD-EPI (contre 95 µmol/L il y a 1 an), une HbA1C à 7,3 %, une microalbuminurie à 27 mg/mmol de créatininurie. L’hémoglobine est à 13,8 g/dL. Son albuminémie est à 38 g/L, la natrémie à 140 mmol/L, la kaliémie à 3,5 mmol/L, la calcémie à 2,25 mmol/L, la phosphorémie à 0,75 mmol/L, l’acide urique à 238 µmol/L, la réserve alcaline à 18 mmol/L, la glycémie à jeun à 1,1 g/L. Il existe une croix de glucose sur la bandelette urinaire réalisée de manière concomitante. La PCR (polymerase chain reaction) du virus de l’hépatite B (VHB) est indétectable. La moyenne de ses automesures tensionnelles au domicile est de 127/68 mmHg. Elle a, à l’examen clinique, de légers œdèmes des membres inférieurs.
Question 1 - Concernant sa prise en charge en ville, son traitement est-il optimal (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Un inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) – IEC ou ARAII – est indiqué chez les patients hypertendus ayant un début de néphropathie diabétique (microalbuminurie).
La coprescription de metformine et d’un inhibiteur du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) type dapaglifozine est justifiée chez un patient diabétique ayant une maladie rénale chronique d’autant plus qu’il n’est pas à l’objectif d’HbA1C et qu’il a une microalbuminurie.
La metformine est le traitement de première intention du diabète de type II (après les mesures hygiéno-diététiques). Elle doit être arrêtée en cas de DFG < 30 mL/min ou d’autres comorbidités comme une hépatopathie chronique (risque d’acidose lactique).
L’objectif d’HbA1C chez une personne âgée en bon état général ayant une maladie rénale chronique de stade IIIA est de moins de 7 %.
Question 2 - Concernant sa maladie rénale, quelle proposition est exacte (une ou plusieurs réponses possibles) ?
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est définie (entre autres) par l’existence depuis plus de trois mois d’une insuffisance rénale définie par un DFG < 60 mL/min/1,73m². La dernière créatinine de la patiente il y a un an était déjà altérée et a peu évolué depuis. L’association d’un diabète, d’une microalbuminurie ou albuminurie A2 (> 3 mg/mmol ou 30 mg/g) avec une altération de la fonction rénale oriente vers une néphropathie diabétique (même s’il peut exister d’autres facteurs expliquant la dégradation de la fonction rénale (hypertension artérielle, tubulopathie proximale notamment).
Ici l’association d’une acidose métabolique (évoquée sur la baisse des bicarbonates), d’une kaliémie basse, d’une hypophosphatémie, ainsi que d’une glycosurie sans hyperglycémie majeure notamment dans un contexte de MGUS et de prise de traitement favorisant (ténofovir disoproxil) constitue un syndrome de Fanconi défini par une altération des fonctions tubulaires proximales.
En absence d’hyperglycémie importante à jeun, la glycosurie est plutôt en rapport avec une dysfonction tubulaire proximale (syndrome de Fanconi) où les capacités de réabsorption du glucose sont altérées (normalement pas de glycosurie jusqu’à 1,8 g/L de glycémie).
En l’absence de critères CRAB (hypercalcémie, anémie, anomalie osseuse et insuffisance rénale aiguë), la transformation en myélome est assez peu probable. Par ailleurs, le syndrome de Fanconi secondaire aux gammapathies monoclonales est bien plus fréquent lors des MGUS, transformant leur appellation en MGRS (gammapathie de signification rénale).
Le syndrome néphrotique est défini par une protéinurie supérieure à 3 g / 24 h associée à une hypoalbuminémie < 30 g/L.
Dans ce contexte, il faut rechercher une autre cause à ces œdèmes notamment iatrogène (inhibiteur calcique).
Dans un premier temps, en concertation avec son hépatologue, le ténofovir disoproxil fumarate est remplacé par du ténofovir alafénamide devant les signes de toxicité tubulaire proximale imputables au traitement, entraînant une amélioration de ces signes de toxicité tubulaire. Il n’y a pas de critère pour une transformation en myélome.
On remplace l’amlodipine (probablement responsable des œdèmes des membres inférieurs) par du ramipril et on rajoute de la dapaglifozine à la metformine.
Quatre ans plus tard, la patiente consulte aux urgences devant une profonde asthénie. Elle déclare également tousser et avoir des expectorations rosées. Le dernier suivi réalisé trois mois auparavant montrait une créatininémie à 105 µmol/L et une microalbuminurie à 38 mg/mmol de créatininurie.
À l’examen clinique, elle a une dyspnée et un purpura infiltré des membres inférieurs associé à des œdèmes bilatéraux. L’auscultation met en évidence des crépitants bilatéraux aux bases. L’auscultation cardiaque et l’examen neurologique sont sans anomalie.
Les paramètres vitaux sont les suivants : pression artérielle (PA) = 167/94 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 104/m ; fréquence respiratoire (FR) = 23/m ; saturation en oxygène (SpO2) = 92 % ; température (T°) = 37,8 °C.
Sur le plan biologique, elle a une créatininémie à 322 µmol/L, une natrémie à 138 mmol/L, une kaliémie à 6,2 mmol/L, l’albuminémie est à 35 g/L, l’hémoglobine est à 9,8 g/dL, les plaquettes sont à 90 G/L. Le bilan de coagulation est normal. L’électrocardiogramme (ECG) est normal.
Question 3 - Concernant la prise en charge (une ou plusieurs réponses possibles) :
Devant une IRA, il faut réaliser une imagerie non injectée à la recherche d’un obstacle (échographie ou scanner). L’injection de produit de contraste n’est pas justifiée et peut aggraver l’insuffisance rénale.
Dans ce cas, devant les symptômes pulmonaires fébriles, il est utile d’avoir également une imagerie pulmonaire. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien paraît justifié.
Devant une véritable hémoptysie, un angioscanner est l’examen de référence mais d’autres examens peuvent être utilisés en cas de contre-indication. Ici, il s’agit de crachats hémoptoïques non quantifiables.
L’évaluation d’une IRA repose sur un examen morphologique, une évaluation de la protéinurie (absente, tubulaire ou glomérulaire), un ionogramme urinaire (oriente vers une cause fonctionnelle ou organique) et une étude du sédiment urinaire (cellules, leucocyturie et hématurie).
Dans un contexte d’IRA, il est indispensable de suspendre les traitements pouvant entraîner une toxicité, donc arrêt de la metformine (risque d’accumulation et d’acidose lactique) et du ramipril (aggravation de la fonction rénale et hyperkaliémie).
Il faut en effet traiter cette hyperkaliémie (insuline-glucose, bêta-2 mimétiques, chélateurs du potassium...). Le gluconate de calcium ne fait pas baisser le potassium mais a un effet cardioprotecteur. Il est réservé au cas d’hyperkaliémie où il existe des signes de menace sur l’ECG.
Un purpura fébrile, a fortiori avec des signes méningés, est une indication à la réalisation d’une antibiothérapie par Rocéphine 2 g d’emblée sans attendre les prélèvements microbiologiques dans la crainte d’un purpura fulminans (bactériémie à Neisseria meningitis gravissime associée à des troubles majeurs de l’hémostase, purpura nécrotique). Ici, l’examen neurologique est normal et il n’y a pas de trouble de la coagulation, donc l’indication est discutable. De plus, la patiente est allergique aux bêtalactamines, donc il s’agit d’une contre-indication à l’injection de Rocéphine. On préfèrera une injection de ciprofloxacine si l’indication est retenue.
La patiente est transférée en unité de soins intensifs.
La metformine ainsi que le ramipril sont suspendus. 
L’hyperkaliémie est prise en charge par une perfusion d’insuline-glucose et l’administration de kayexalate.
Le scanner sans injection ne met pas en évidence d’obstacle sur les voies urinaires. Les reins sont de taille normale avec une bonne différenciation cortico-médullaire. Les coupes parenchymateuses pulmonaires montrent un aspect de verre dépoli diffus. 
L’ionogramme urinaire est en faveur d’une cause organique.
La protéinurie est à 180 mg/mmol de créatininurie avec 140 mg/mmol d’albuminurie sur créatininurie. L’ECBU met en évidence une hématurie à 105/mL sans leucocyturie.
La recherche de protéinurie de Bence Jones est négative.
Question 4 - Concernant le tableau néphrologique, quelle réponse est exacte (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Le tableau n’est pas aigu ni accompagné de signes systémiques dans les néphropathies à IgA.
Il s’agit d’un tableau de glomérulonéphrite rapidement progressive associant une insuffisance rénale rapide en quelques jours ou quelques semaines associée à une hypertension artérielle (HTA) et une hématurie microscopique de fort débit (> 105/mL).
La néphropathie diabétique évolue plutôt sur un mode chronique. Il est improbable de passer du stade de microalbuminurie à celui d’insuffisance rénale avancée dans un délai aussi bref, et n’explique par le purpura vasculaire.
Une altération de la fonction rénale aiguë associée à une atteinte parenchymateuse pulmonaire faisant évoquer une hémorragie intra-alvéolaire constitue un syndrome pneumo-rénal.
Ce tableau d’insuffisance rénale aiguë avec probable syndrome pneumo-rénal, purpura vasculaire et asthénie fait évoquer un diagnostic de vascularite systémique.
Question 5 - Quelle prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Ce bilan est indispensable à la recherche d’une cause à cette IRA avec glomérulonéphrite rapidement progressive (GNRP) : vascularite à ANCA, cryoglobulinémie, lupus, maladie de Goodpasture). Les hémocultures vont permettre la recherche d’une endocardite pouvant également expliquer ce tableau.
Dans un contexte de vascularite, la biopsie cutanée est souvent indiquée en cas de purpura vasculaire car peu risquée et peu invasive. Elle peut nous orienter sur le diagnostic (purpura rhumatoïde, par exemple, si dépôt d’IgA).
Il faudra probablement réaliser une biopsie rénale à visée diagnostique et pronostique. Il n’y a pas d’urgence immédiate et elle ne doit pas retarder la mise en route du traitement. Toutefois, la voie percutanée est proscrite dans ce contexte devant une thrombopénie (même si modérée). On préférera la voie transjugulaire.
La réalisation d’un LBA permet le diagnostic définitif d’une hémorragie intra-alvéolaire (score de Golde > 100 sur l’étude du fer intramacrocytaire après coloration de Perls), le LBA est d’autant plus indiqué chez cette patiente ayant une dyspnée avec fébricule et anomalies parenchymateuses afin d’éliminer une étiologie infectieuse.
Il faut une tension < 140/90 mmHg pour réaliser une biopsie rénale pour réduire les risques de saignements.
Le bilan auto-immun met en évidence des anticorps anti-nucléaires à 1/80, des ANCA avec immunofluorescence périnucléaire, les anticorps anti-membrane basale glomérulaire sont négatifs ainsi que les hémocultures et la recherche de cryoglobulinémie. Le complément n’est pas consommé. La PCR VHB est toujours indétectable.
La biopsie cutanée du purpura met en évidence une vascularite leucocytoclasique sans dépôt en immunofluorescence.
Le LBA ne met pas en évidence de micro-organismes, il existe toutefois une alvéolite macrophagique et le score de Golde réalisé est à 120, posant le diagnostic d’hémorragie intra-alvéolaire.
La biopsie rénale a été réalisée par voie transjugulaire après contrôle de la tension artérielle. Les résultats sont en attente.
Question 6 - Concernant le diagnostic (une ou plusieurs réponses exactes) :
La périartérite noueuse réalise un tableau de vascularite systémique mais est associée à une atteinte néphrologique vasculaire avec des micro-anévrismes rénaux et non glomérulaire.
Il est par ailleurs improbable que la périartérite noueuse secondaire au VHB apparaisse dans un contexte de charge virale indétectable.
Les anticorps anti-membrane basale glomérulaire étant négatifs, le diagnostic est improbable.
Le tableau de vascularite avec syndrome pneumo-rénal associé à des ANCA de fluorescence périnucléaire (p-ANCA), généralement dirigés contre la myéloperoxidase MPO (à confirmer en ELISA) est en faveur d’une vascularite associée aux ANCA de type polyangéite microscopique.
Le tableau rénal est compatible avec une néphropathie lupique classe III ou IV mais les anticorps antinucléaires ne sont pas > 1/80 allant contre ce diagnostic.
Le tableau est évocateur d’une vascularite associée aux ANCA. Ce type de vascularite est dite pauci-immune car il n’y a pas de dépôts d’immunoglobulines ou de complément (comme dans le lupus ou la cryoglobuline, par exemple) à l’immunofluorescence directe. Le mécanisme physiopathologique fait toutefois intervenir des acteurs du système immunitaire (auto-anticorps et complément).
La biopsie rénale confirme le diagnostic de vascularite rénale pauci-immune (nécrose capillaire avec croissant extracapillaire dans la capsule de Bowman et absence de dépôt en immunofluorescence). Le test ELISA montre des anticorps anti-MPO, vous portez le diagnostic de polyangéite microscopique.
Le traitement a été initié avec des échanges plasmatiques, du rituximab et une corticothérapie à fortes doses permettant à la patiente de stabiliser sa fonction rénale à 223 µmol/L de créatininémie (soit 20 mL/min selon CKD-EPI).
Question 7 - À ce stade, quels sont les mesures à prendre (une ou plusieurs réponses possibles) ?
La vaccination contre l’hépatite B est indispensable à partir du stade IIIB (et obligatoire dans l’enfance). Toutefois, la patiente a déjà une infection chronique au VHB.
L’immunosuppression induite par le rituximab et les corticoïdes nécessite l’introduction d’une prophylaxie anti-pneumocystose. Le Bactrim est le médicament de choix en première intention.
L’inscription sur liste d’attente de greffe est possible dès le stade IV (< 30 mL/min/1,73m²) et permet parfois une greffe préemptive (avant le début de la dialyse).
Oui, chez les patients ayant une insuffisance rénale avancée susceptible d’évoluer vers le stade terminal et la nécessité d’une épuration extra-rénale, il faut débuter au plus tôt l’information pré-dialyse leur permettant d’avoir toutes les informations et préparer leur choix éclairé sur une méthode de suppléance plutôt qu’une autre (hémodialyse ou dialyse péritonéale notamment).
L’immunosuppression (induite par le rituximab et/ou la corticothérapie) est une contre-indication absolue à la réalisation d’une vaccination avec vaccin vivant atténué comme le BCG (ou le vaccin contre la fièvre jaune, le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, ou encore le vaccin contre la varicelle et le zona).

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