Vous recevez aux urgences pédiatriques Antoine, âgé de 6 ans, pour des douleurs abdominales aiguës.

Il n’a pas d’antécédents personnels ni familiaux, il a un bon développement psychomoteur et une croissance correcte. Ses vaccins sont à jour.

La nuit dernière, les parents vous décrivent avoir été réveillés par les crises de pleurs d’Antoine. Ils l’ont retrouvé recroquevillé dans son lit. Il aurait eu des vomissements, initialement d’aspect alimentaire, puis verdâtres depuis leur arrivée aux urgences. Ses douleurs abdominales sont paroxystiques, répétées, avec des périodes d’accalmie.

Ils n’ont pas pris la température au domicile et sont venus directement aux urgences après avoir donné une dose-poids de paracétamol. Il n’a pas de diarrhée ni de rectorragie, la dernière selle a eu lieu il y a moins de 24 heures. Il n’a pas de contage infectieux dans son entourage. Il ne se plaint pas de brûlure mictionnelle.

Les parents vous rapportent également qu’Antoine a consulté le médecin la semaine dernière pour un tableau de rhinopharyngite fébrile résolutive en moins de cinq jours. Depuis, leur enfant allait beaucoup mieux jusqu’à cette nuit.

À l’examen clinique, vous retrouvez : poids = 23 kg ; température = 38 °C ; fréquence cardiaque = 120/min ; pression artérielle = 110/68 mmHg ; fréquence respiratoire = 25/min ; saturation en oxygène = 99 %.

Échelle des visages pour évaluer la douleur : 6/10.

Conscient, pâle avec un faciès douloureux, abdomen distendu, pas de défense ni de contracture mais sensibilité à la palpation avec présence d’une masse en hypocondre droit, bruits hydro-aériques (BHA) absents, pas de douleur en fosse iliaque droite, orifices herniaires libres, testicules en place non douloureux et absence de tours de spire à la palpation, réflexes crémastériens présents, hémodynamique stable. Le reste de l’examen clinique est sans particularité.
Question 1 - Devant ce tableau de douleur abdominales aiguës, quelle(s) est/sont votre/vos hypothèse(s) principale(s) ?
Pas de diarrhée, vomissements verdâtres et absence de BHA, en faveur d’un syndrome occlusif.
Tableau de syndrome occlusif.
Douleurs abdominales, vomissements.
Syndrome occlusif avec fébricule à 38 °C, contage viral récent, masse palpée pouvant être compatible avec un plastron appendiculaire.
Syndrome occlusif, contage viral récent, et caractéristiques de la douleur (paroxystiques, répétées avec périodes d’accalmie), altération du comportement (léthargie, pâleur).
Devant un tableau de douleurs abdominales, il est important de savoir s’orienter vers une origine organique (qu’elle soit chirurgicale ou médicale) ou fonctionnelle.
Pour cela, l’interrogatoire des parents concernant la description précise de la douleur est essentiel (localisation, irradiation, rythme, horaire, altération de l’état général) associée à un examen clinique dans de bonnes conditions (enfant soulagé et rassuré, en décubitus dorsal avec jambes fléchies).
Ici, Antoine a un tableau de syndrome occlusif (douleurs abdominales, vomissements verts, absence de BHA à l’auscultation abdominale), faisant évoquer une urgence « chirurgicale » et non médicale (gastro-entérite et pyélonéphrite peu probables).
Devant les caractéristiques de la douleur et l’examen clinique, en priorité il faut évoquer l’invagination intestinale aiguë. Il faut également penser à l’appendicite aiguë qui ne peut être éliminée.
Devant ce tableau de syndrome occlusif, vous évoquez les hypothèses d’une invagination intestinale aiguë ou d’une appendicite aiguë.
Question 2 - Quelle est la suite de votre prise en charge en première intention (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Contre-indication des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) devant tout tableau de douleur digestive aiguë.
Antalgie de palier 1 inefficace, il faut donc associer un antalgique de palier 2, voire envisager un palier 3 en cas de douleurs paroxystiques intenses, par voie IV car le patient est à mettre à jeun (indication opératoire en suspens).
Examen invasif et peu informatif pour l’hypothèse d’invagination intestinale aiguë qui est l’hypothèse principale à éliminer ici.
Pas en première intention surtout en pédiatrie (examen très irradiant), privilégier l’échographie abdominale.
À faire en première intention, examen diagnostique de référence pour l’invagination intestinale aiguë.
Il ne faut pas omettre la prise en charge de la douleur et proposer des antalgiques adaptés à la douleur de l’enfant pour optimiser la prise en charge. La nalbuphine est un antalgique de palier 2 morphinique agoniste sur certains récepteurs et antagoniste sur d’autres, très souvent utilisé en pédiatrie. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont contre-indiqués devant un tableau de douleur abdominale aiguë du fait de leurs effets indésirables, notamment le risque de saignement digestif.
L’invagination intestinale aiguë comprend une triade clinique qui peut être incomplète :
– douleurs abdominales paroxystiques répétées avec périodes d’accalmie pouvant s’associer à une hypotonie et une pâleur ;
– vomissements alimentaires puis bilieux ;
– rectorragies (mais plus tardives).
Son examen diagnostique de référence est l’échographie abdominale pour retrouver les images caractéristiques du boudin d’invagination.
Antoine est soulagé par le paracétamol et la nalbuphine par voie intraveineuse.
Le radiologue est disponible pour réaliser l’échographie abdominale.
Question 3 - Quel(s) signe(s) échographique(s) serai(en)t en faveur d’une invagination intestinale ?
Visible sur une coupe transversale.
Visible sur une coupe longitudinale.
Critère pour la définition de l’appendicite aiguë.
Peut être retrouvé en cas d’appendicite aiguë.
Le boudin d’invagination correspond à la pénétration d’un segment intestinal d’aval par retournement sur le segment intestinal d’amont. Cela forme les images caractéristiques visibles lors de l’échographie abdominale à type de « cocarde » en coupe transversale ou de « sandwich » en coupe longitudinale.
Le radiologue vous confirme la présence d’une invagination intestinale aiguë iléo-iléale, appendice vue de diamètre normal, cæcum en place, absence d’épanchement dans le péritoine.
Question 4 - Quelle prise en charge thérapeutique envisagez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Pas d’indication.
Pas en première intention, à envisager en cas de troubles hémodynamiques faisant penser à une souffrance digestive.
En cas d’invagination iléo-cæcale non compliquée, pas d’indication dans l’invagination iléo-iléale.
Cause secondaire probable car invagination iléo-iléale, dans la majorité des cas évolution rapidement favorable sans lavement ni chirurgie.
La prise en charge de l’invagination intestinale dépend de sa forme.
En cas d’invagination iléo-cæcale ou transvalvulaire, il s’agit d’une urgence thérapeutique qui nécessite en première intention un lavement rétrograde dans un centre de référence (présence d’un radiologue expérimenté et d’un chirurgien pédiatrique), en l’absence de trouble hémodynamique ou de péritonite. En cas d’échec ou de complication (perforation) un traitement chirurgical sera réalisé.
Ici, il s’agit probablement d’une invagination intestinale secondaire étant donné l’âge d’Antoine (> 2 ans) et la localisation iléo-iléale. Il n’y a pas d’indication à réaliser un lavement rétrograde du fait de la localisation. Le traitement chirurgical sera à discuter en cas de complication (choc, péritonite, pneumopéritoine ou récidives multiples). Il faut maintenir Antoine à jeun avec une hydratation intraveineuse et le surveiller en hospitalisation devant la probabilité d’évolution favorable rapide.
Au retour de l’échographie, vous retrouvez Antoine à l’aise et souriant sous paracétamol, nalbuphine et hydratation intraveineuse. Les parents vous décrivent qu’il n’a plus d’accès paroxystiques douloureux depuis la salle d’attente après l’échographie.
Vous profitez pour l’examiner à nouveau : l’abdomen est souple, dépressible, non douloureux, sans défense ni contracture et vous ne retrouvez plus de masse à la palpation en hypocondre droit, la fosse iliaque droite est dépressible.
Vous expliquez qu’il s’agit d’une invagination intestinale qui a probablement réduit spontanément. Vous vous apprêtez à poursuivre l’examen clinique sur les autres plans quand les parents vous interrompent car ils souhaitent savoir s’il est possible de rentrer à présent étant donné qu’Antoine va mieux.
Question 5 - Qu’en pensez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Patient sous antalgiques intraveineux de paliers 1 et 2, il faut s’assurer du sevrage et explorer la possibilité d’une cause secondaire d’invagination intestinale.
Il faut explorer la possibilité d’une cause secondaire d’invagination intestinale.
Antoine est âgé de 6 ans et localisation iléo-iléale de l’invagination intestinale.
Antoine est âgé de 6 ans et localisation iléo-iléale de l’invagination intestinale.
Importance de réévaluer cliniquement des signes de cause secondaire d’invagination intestinale aiguë.
Classiquement, l’invagination intestinale primitive, plutôt de localisation iléo-cæcale, se manifeste le plus souvent chez des nourrissons entre 2 mois et 2 ans (pic à 9 mois).
En cas d’invagination intestinale aiguë après l’âge de 2 ans ou récidivante, il faut évoquer une cause secondaire (diverticule de Meckel, duplication digestive, polype, lymphome, purpura rhumatoïde, mucoviscidose, vaccin à rotavirus, chimiothérapie).
Vous expliquez aux parents qu’il est important de garder Antoine en surveillance pour diminuer les antalgiques et apprécier l’évolution.
Vous pouvez terminer votre examen clinique. Sur le dos des pieds d’Antoine, vous retrouvez quatre taches érythémateuses de moins de 2 mm de diamètre ne s’effaçant pas à la vitropression, infiltrées et associées à un œdème débutant bilatéral des chevilles. Il n’y a pas de bulle hémorragique intra-buccale ni d’ecchymose.
Question 6 - Quelle est votre hypothèse diagnostique principale ?
Triade clinique : purpura + manifestations articulaires + douleurs abdominales.
Le purpura rhumatoïde ou vascularite à IgA est la vascularite la plus fréquente chez l’enfant. Elle est fréquente chez les garçons âgés de moins de 8 ans (pic à 6 ans) et en période automno-hivernale, associée à des facteurs déclenchants telles que des infections virales.
Cliniquement, il s’agit d’un purpura vasculaire (et non thrombopénique) caractérisé par sa prédominance déclive, aspect infiltré et jamais d’atteinte muqueuse. Il est constant et peut être retardé en cas de douleurs abdominales inaugurales.
Les manifestations articulaires sont présentes dans 75 % des cas à type d’arthralgies ou d’œdème des chevilles ou genoux bilatéraux et symétriques.
Les douleurs abdominales (50 % des cas) sont parfois d’intensité inaugurale variable et aux complications évolutives à redouter (hématome de parois, invagination intestinale, péritonite…)
Devant ce tableau, vous suspectez un purpura rhumatoïde compliqué d’une invagination intestinale aiguë inaugurale probablement résolutive spontanément.
Question 7 - Quelle prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Traitement le plus souvent ambulatoire, corticothérapie à discuter uniquement en cas d’atteinte sévère d’organe.
Inutile pour le diagnostic.
Le diagnostic clinique suffit en cas de triade typique, à envisager en cas d’incertitude diagnostique uniquement.
Dépister systématiquement une atteinte rénale, ce qui fait le pronostic de la maladie.
Il faudra recontrôler l’échographie abdominale afin de confirmer la résolution de l’invagination intestinale aiguë.
Le pronostic du purpura rhumatoïde est surtout associé à l’atteinte rénale sous forme de néphropathie glomérulaire à IgA.
Il faut systématique réaliser une bandelette urinaire à la recherche d’une hématurie ou protéinurie.
La poussée du purpura rhumatoïde est généralement résolutive dans les six semaines.
Le traitement est le plus souvent ambulatoire avec surveillance régulière de l’atteinte rénale par bandelette urinaire.
La corticothérapie peut diminuer l’intensité et la durée des douleurs abdominales et articulaires sans pour autant les prévenir.
 
Références bibliographiques
Fain O, Melki I, Rivière S. Purpura rhumatoïde de l’enfant et de l’adulte. Rev Prat Med Gen 2015;29(941):370-1.
Mercier JC, Basmaci R, Gaschignard J, et al. Item 269-270. Douleurs abdominales et lombaires aiguës chez l’enfant et chez l’adulte. Partie : enfant. Rev Prat 2020;70(9);e299-308.
Collège national des pédiatres universitaires. Purpura.
Collège national des pédiatres universitaires. Douleurs abdominales et pelviennes.

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