Vous voyez en consultation M. M., 52 ans, pour des douleurs dorsales évoluant depuis quelques semaines. Il est d’origine mauritanienne, travaille dans le bâtiment, et n’a pas d’antécédent particulier, ni de consommation de tabac ou d’alcool. Il ne prend aucun traitement.

Il vient vous voir car il ne peut plus travailler du fait des douleurs qui sont devenues permanentes, y compris la nuit, sans irradiation. Il n’a pas pris sa température mais signale des sueurs nocturnes depuis dix jours. Il a également constaté une faiblesse des membres inférieurs lorsqu’il marche longtemps, l’obligeant à s’arrêter, sans douleur. Il n’a pas de trouble sphinctérien à l’interrogatoire.
Question 1 - Parmi les syndromes suivants, vous évoquez le(s) suivant(s) à l’interrogatoire du patient :
Oui, incomplet.
Oui, démasqué par l’effort.
Oui (dorsalgies).
Oui (atteinte pyramidale probable).
Le tableau est celui de dorsalgies inflammatoires, associées à des sueurs nocturnes et à des symptômes neurologiques évoquant une claudication médullaire.
Il faut donc évoquer une pathologie rachidienne inflammatoire/infectieuse/tumorale avec syndrome de compression médullaire partiel se traduisant uniquement par une claudication médullaire : celle-ci correspond à un syndrome pyramidal, démasqué par l’effort.
Votre examen clinique montre une raideur rachidienne prédominant au niveau du rachis dorsal, avec une reproduction de la douleur à la mobilisation et à la palpation, l’absence de déficit sensitif ou moteur notamment aux membres inférieurs, des réflexes ostéotendineux normaux et symétriques, ainsi que des réflexes cutanés plantaires en flexion. Vous notez une diminution du murmure vésiculaire en base droite sans autre anomalie auscultatoire. La température est à 38 °C, les autres constantes sont normales.
Une radiographie thoracique est réalisée (figure 1).
Figure 1 (source : É. Crickx)
Question 2 - Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
Un épanchement pleural peut être douloureux, mais n’explique pas une raideur rachidienne et une douleur reproduite à la palpation/mobilisation.
Non, car le syndrome pyramidal peut n’être démasqué qu’à l’effort (claudication médullaire).
La radiographie montre un épanchement pleural droit (on voit la ligne de Damoiseau). L’aspect n’est pas celui d’une atélectasie, il n’y a pas de déviation médiastinale.
Correction figure 1 (source : É. Crickx)

 
Devant les anomalies retrouvées à l’examen et à la radio, vous prescrivez un scanner thoracique (figures 2A et 2B).
Figure 2A (source : É. Crickx)
Figure 2B (source : É. Crickx)
Question 3 - Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont visibles sur les coupes de scanner ?
Le scanner sur la figure 2B confirme l’épanchement pleural droit (densité hydrique confirmant sa nature). Il existe également une ostéolyse vertébrale en rapport avec une structure paravertébrale antérieure de densité également hydrique et présence d’une paroi rehaussée par l’injection. La coupe sagittale (figure 2A) montre une ostéolyse en miroir des corps vertébraux T9-T10 très évocatrice de spondylodiscite évolutive.
Correction figure 2A (source : É. Crickx)
Correction figure 2B (source : É. Crickx)

 
Question 4 - À ce stade, vous demandez le(s) examen(s) paraclinique(s) suivants.
Oui, car il existe un doute sur la présence d’une compression médullaire (épidurite ?), mal visible en règle générale sur le scanner.
Oui, à visée étiologique.
Oui, pour documentation microbiologique.
Inutile car on dispose déjà d’une imagerie thoracique. L’épanchement pleural est trop abondant pour un épanchement d’embolie pulmonaire
Oui, car probable spondylodiscite.
Vous réalisez une IRM rachidienne pour compléter les données du scanner (figures 3A, 3B et 3C).
Figure 3A (source : É. Crickx)
Figure 3B (source : É. Crickx)
Figure 3C (source : É. Crickx)
Question 5 - Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont visibles sur les coupes IRM ?
Pas de fracture visible (le scanner est d’ailleurs plus adapté pour le diagnostic de fracture).
Oui, visible en antérieur en hypersignal T2 sur la figure 3C (et déjà présent sur la coupe de scanner).
Oui, épidurite T9-T10 modérée mais refoulant le cône médullaire (figures 3A et 3B).
Oui, hypersignal de T9 et T10 bien visible sur la coupe 3A (après gadolinium).
L’IRM confirme l’aspect de spondylodiscite T9-T10 avec abcès paravertébral antérieur et début d’épidurite postérieure.
Correction figure 3A (source : É. Crickx)
Correction figure 3B (source : É. Crickx)

 
Question 6 - À partir des données cliniques et radiologiques, le(s) diagnostic(s) suivant(s) sont compatibles avec le tableau clinique actuel :
L’aspect IRM et scanner est très évocateur de spondylodiscite bactérienne ou tuberculeuse. La lyse osseuse en miroir est peu évocatrice de cancer solide ou de myélome.
Le diagnostic le plus probable reste une tuberculose étant donné la présence d’un épanchement pleural associé et le caractère subaigu.
Vous réalisez une ponction-biopsie discovertébrale qui revient stérile, l’examen anatomopathologique montre un granulome épithéloïde avec nécrose caséeuse. Le lendemain, le patient signale des difficultés pour mobiliser ses jambes. Votre examen montre l’apparition d’un syndrome pyramidal des membres inférieurs permanent avec un déficit moteur coté a 4/5.
Question 7 - Parmi les propositions suivantes, quelles mesures devez-vous envisager de prendre le jour même ?
Le diagnostic retenu est une spondylodiscite tuberculeuse avec probable majoration de l’épidurite postérieure.
Il s’agit d’une urgence neurochirurgicale, devant une probable compression médullaire. Il faut refaire l’imagerie si le délai le permet, et prévoir une décompression chirurgicale en urgence. Le traitement médicamenteux devra associer une corticothérapie à un traitement antituberculeux.

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