M. H., 82 ans, maître-nageur retraité, vous consulte car il a remarqué depuis huit mois l’apparition d’une lésion un peu au-dessus de son sein droit. Elle évolue progressivement du noir vers le blanc par endroits. Il ne rapporte aucun traumatisme en regard.

Figure (Antoine Bertolotti, La Revue du Praticien)
Question 1 - Votre description clinique de la lésion est : 
Lésion dont toute la bordure est pigmentée.
L’aspect n’est pas en faveur d’une lésion nodulaire. Cliniquement, l’impression est à première vue celle d’une lésion maculo-papuleuse.
Cliniquement, une ulcération est une zone dépourvue d’épiderme, voire de derme. L’aspect est alors rouge bourgeonnant, blanc fibrineux ou noir nécrotique. Ce n’est pas le cas sur cette photo. Cela n’empêche pas d’avoir une ulcération éventuellement à l’anatomopathologie, mais celle-ci est distincte de la clinique.
Sur la zone centrale de la lésion, on observe une hypochromie qui correspond vraisemblablement à une zone de régression du mélanome.
Il n’y a pas de vésicule sur cette photo.
Question 2 - Votre principale hypothèse diagnostique est la suivante :
La zone de régression centrale n’est pas compatible avec la kératose séborrhéique qui est généralement plus en relief et moins grande.
Il pourrait s’agir d’un large carcinome basocellulaire superficiel tatoué, mais la zone de régression centrale n’est pas typique, la taille non plus, et l’aspect pigmenté doit faire évoquer en priorité un mélanome.
Les nævi de cette taille sont des nævi congénitaux. Ils sont donc connus depuis l’enfance. Ils n'ont pas de régression centrale.
Un angiome thrombosé est une lésion rouge violacé, généralement plus petite et sans signe de régression.
On voit ici un mélanome avec une zone de régression centrale. Le contexte de lésion pigmentée d’apparition récente doit faire évoquer ce diagnostic jusqu’à preuve du contraire.
Question 3 - Vous évoquez un mélanome. À l’examen clinique vous réalisez une : 
Présence de facteurs de risque communs avec le mélanome : la photo-exposition.
Il n’y a pas lieu de rechercher spécifiquement un cancer mammaire dans ce contexte. Certains terrains génétiques prédisposants peuvent dans quelques cas le justifier, lors d’antécédents familiaux spécifiques. Par contre, l’examen doit comporter une palpation de la lésion pour estimer son infiltration localement et une palpation régionale pour identifier des métastases en transit.
Oui, pour rechercher des métastases en transit qui pourraient passer inaperçues au scanner thoraco-abdomino-pelvien si vous ne précisez pas leur recherche.
Le syndrome des ongles jaunes est une pathologie rare en lien avec une anomalie lymphatique qui n’a pas de rapport avec le mélanome.
Question 4 - Comment confirmez-vous le diagnostic ?
Le diagnostic de mélanome est anatomopathologique.
L’anatomopathologiste ne pourra pas se prononcer sur un fragment d’une lésion mélanique. La biopsie peut être proposée avec cartographie, lors de lésions pigmentées larges dont l’exérèse complète entraînerait un risque fonctionnel et esthétique important (par exemple le mélanome de Dubreuilh à distinguer d’un simple lentigo de la face).
Effectivement vous confirmerez le diagnostic, mais les marges ne doivent être envisagées que dans un second temps selon l’indice de Breslow (0,5 mm/1 mm/2 mm). Si finalement il s’agissait d’une kératose séborrhéique, le patient pourrait se retourner contre vous, pour avoir réalisé une cicatrice beaucoup plus grande.
Question 5 - Vous réalisez l’exérèse. Quel résultat de l’examen anatomopathologique est le plus important ? 
Il est moins précis que le Breslow.
L’anatomopathologiste examinera avec attention l’indice de Clark, l’index mitotique, l’ulcération et la présence d’emboles vasculaires. Cependant l’indice de Breslow est le principal critère pronostique sur lequel reposent toutes les études actuelles.
L’examen anatomopathologique rapporte alors un mélanome d’exérèse complète, de Breslow 2,5 mm, Clark III, non ulcéré. Vous réalisez un nouvel examen clinique qui est normal.
Question 6 - Votre prise en charge est la suivante :
La dernière recommandation propose pour les mélanomes à Breslow > 1 mm de réaliser un ganglion sentinelle en l’absence de localisation secondaire. En cas de positivité, un curage n’est pas réalisé, mais une thérapie adjuvante est en revanche préconisée (thérapie ciblée ou immunothérapie).
Dans tous les cas il faut pouvoir voir tout le corps, y compris la tête. Certaines équipes proposent aussi une tomographie par émission de positons couplée à un scanner (TEP-scan) +/- imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale.
Au scanner thoraco-abdomino-pelvien et cérébral, plusieurs métastases sont identifiées aux ganglions axillaires, au poumon et au foie.
Question 7 - Quel(s) type(s) de prise en charge thérapeutique pourra(ont) être discuté(s) en réunion de concertation pluridisciplinaire ?
Compte tenu de son âge, une évaluation oncogériatrique sera proposée et une discussion pourra être entamée avec lui et la famille dans l’évaluation bénéfice-risque de l’utilisation des traitements face à d’éventuelles comorbidités. Devant la relative bonne tolérance des traitements il est possible que cette option ne soit pas retenue en première instance.
Il n’y a pas d’indication à une corticothérapie pour traiter ces métastases. Celle-ci peut être indiquée en cas de métastases cérébrales.
Ces thérapies ciblées, généralement employées en association, ont permis de voir évoluer une survie sans progression médiane de 13 à 17 mois et un taux de survie à 3 ans d’environ 45 %. Le mélanome du patient doit cependant être porteur de la mutation BRAF V600E/K.
Idem.
Les immunothérapies inhibitrices des points de contrôle (check point) immunologiques par anti-PD1 et +/-anti-CTLA4 ont permis d’observer une survie sans progression médiane de 13 mois environ ; un taux de survie à 2 ans d’environ 50 % pour les inhibiteurs de PD-1 en monothérapie ; et un taux de survie à 2 ans d’environ 60 % pour les associations d’inhibiteurs de PD-1 et d’inhibiteur de CTLA-4.

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