Vous êtes neurologue de garde. Les urgences vous appellent à 00h30 pour des céphalées chez une femme de 30 ans. Vous descendez l’interroger et elle vous explique que sa céphalée, difficilement localisable, est apparue très rapidement vers 23h15, sans facteur déclenchant. Elle diffère de ses céphalées habituelles. L’interrogatoire est compliqué et son amie vous apprend qu’elle est fumeuse, n’a pour antécédent que des migraines sous bêtabloquants et triptans, et qu’elle ne prend aucun autre traitement (elle n’a pas de contraception). Elle est apyrétique, nauséeuse, confuse.

À l’examen neurologique, vous ne retrouvez pas de déficit sensitivomoteur, les réflexes ostéotendineux sont intègres, la patiente n’a pas de syndrome cérébelleux.

Elle ne se plaint d’aucune autre douleur que sa céphalée, son auscultation cardiopulmonaire ne retrouve pas d’anomalie, ses pouls sont palpables dans l’ensemble du corps. Son abdomen est souple, indolore et dépressible à la palpation. L’inspection cutanée ne relève rien d’anormal.
Question 1 - Devant cette symptomatologie, le premier diagnostic à évoquer est :
L’AVC entraîne le plus souvent une symptomatologie « négative », c’est-à-dire avec une perte de fonction. Or ici on ne retrouve pas de déficit. Un AVC peut être la cause de céphalées et confusions et on ne peut pas l’écarter, mais ce n’est pas ici la première cause que l’on doit évoquer.
L’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) a une symptomatologie qui est très importante à connaître, pour les ECNi comme pour la pratique. On retrouve une céphalée BRUTALE, d’emblée maximale (une heure précise d’arrivée est un signe évocateur).
Sans fièvre ni déficit, ce n’est pas le premier diagnostic évoqué devant des céphalées.
La patiente dit que sa douleur est inhabituelle, il faut alors l’explorer. Les migraines ont globalement une prévalence de 15 %, et tout ce monde n’est pas à l’abri de céphalées d’une autre cause.
On aurait plutôt une cervicalgie uni- ou bilatérale, accompagnée possiblement d’un syndrome de Claude Bernard-Horner, d’acouphènes pulsatiles ou de paralysie du XII.
Il y a des signes inconstants associés à l’hémorragie sous-arachnoïdienne : vomissements en jet, nausées, photophobie et phonophobie, trouble de la vigilance, raideur de nuque.
Le score pour classifier l’hémorragie sous-arachnoïdienne est le WFNS (World Federation of the Neurosurgical Societies), de 1 à 6, qui évalue le pronostic fonctionnel à 6 mois. Il dépend du score Glasgow et de la présence ou non de déficit moteur.
Question 2 - Vous évoquez une hémorragie sous-arachnoïdienne. Le premier examen à faire en urgence est :
Pas le premier. Il sera potentiellement fait plus tard à visée étiologique.
C’est l’examen recommandé en première intention pour l’hémorragie méningée.
Il faut une hyperdensité SPONTANÉE pour confirmer le diagnostic. L’injection n’est donc pas nécessaire.
En deuxième intention, seulement si l’imagerie est normale.
Pas le premier. Il sera potentiellement fait plus tard à visée étiologique.
Devant une suspicion d’hémorragie méningée, l’examen est le scanner non injecté, qui affiche une hyperdensité spontanée si présence de saignement aigu. Il est efficace dans 90 % des cas, et en cas d’imagerie normale avec une forte suspicion, on fait une ponction lombaire (après 6 h du début de la céphalée, sinon elle n’est pas interprétable). À la ponction, on retrouvera alors une pression élevée du liquide céphalorachidien, un liquide uniformément rouge et NON coagulable (contrairement à une ponction lombaire traumatique, où le sang retrouvé est lié à la ponction en elle-même. On fait la différence grâce au liquide qui devient de plus en plus clair au long des prélèvements car le saignement se tarit, et par le fait que le liquide recueilli est coagulable).
Vous recevez les résultats du scanner :
Figure 1 (Source : Lipothymia)
Question 3 - À propos de cette image :
 
Figure 2 (Source : Lipothymia)

Ici, on retrouve une coupe axiale (= transversale) du cerveau passant par les citernes de la base. On voit un rehaussement spontané des citernes, ce qui montre un saignement récent sous-arachnoïdien, le diagnostic d’hémorragie méningée est donc confirmé.
Les citernes ne sont pas des ventricules. Alors que la pie-mère adhère à la surface du cerveau, en suivant de près les contours des gyri et des sillons, l’arachnoïde reste superficielle sans s’insinuer. Cela laisse des espaces larges entre la pie-mère et l’arachnoïde, dans lesquelles du liquide céphalorachidien circule, appelés citernes.
Le saignement n’est pas parenchymateux, un AVC hémorragique ne correspond pas à cette image.
Les ventricules ont ici la densité du liquide, sans saignement. On note cependant un léger élargissement de la portion visible des ventricules, montrant une hydrocéphalie.
En attendant la prise en charge de cette hémorragie, vous approfondissez votre examen neurologique. Vous vous rendez compte qu’à l’examen des paires crâniennes, la patiente a une diplopie binoculaire, et vous retrouvez une ophtalmoplégie de son œil droit vers le haut, le bas, la gauche et la droite. Vous mettez également en évidence un ptosis de ce même œil. La patiente vous explique qu’effectivement cela fait plusieurs mois que sa paupière est tombante et qu’elle tourne la tête plutôt que son œil pour regarder autour d’elle.
Question 4 - Devant ces nouvelles informations, votre/vos hypothèse(s) étiologique(s) est/sont la/les suivante(s) :
L’atteinte du nerfs III, dans ce contexte d’hémorragie méningée qui plus est, doit faire penser à un anévrysme de la carotide interne (que l’anévrysme compresse dans le sinus caverneux).
Il y a en effet un déficit du VI ici, mais cela ne fait pas penser spécifiquement à une malformation artérioveineuse.
Dans ce tableau, ce n’est pas à l’hypertension intracrânienne qui doit faire penser à l’atteinte du nerf III.
Le nerf VI est un nerf très long et donc plus fragile, il est sensible aux modifications de pression intracrânienne (positive ou négative). Son atteinte doit donc faire évoquer, dans le cas d’une hémorragie, une hypertension.
Possible. Si l’anévrysme est assez large, alors dans le sinus caverneux il peut compresser également le nerf VI.
Il y a trois paires crâniennes oculomotrices :
– le III (nerf oculomoteur commun), qui permet l’innervation des muscles donnant le regard en dedans, en haut, et en bas, mais qui permet aussi l’innervation du muscle releveur de la paupière, ainsi que l’innervation parasympathique de la pupille, donnant un myosis ;
– le VI (nerf abducens), qui permet le regard en dehors ;
– le IV (nerf trochléaire), qui permet le regard en bas et en dedans (pour lire, descendre les escaliers…).
Plus de 4 hémorragies sous-arachnoïdiennes sur 5 sont dues à des ruptures d’anévrysme. Il y a une majoration du risque de rupture selon la taille, la vitesse de croissance, la localisation sur le polygone de Willis, notamment la communicante antérieure.
La rupture d’anévrysme est une urgence diagnostique et thérapeutique. L’occlusion de l’anévrysme dans les 48 heures par embolisation à l’aide de la mise en place de coils métalliques, au cours d’une artériographie cérébrale réalisée en radiologie interventionnelle, est la technique la plus couramment utilisée (85 %). En cas d’échec de cette technique endovasculaire, une prise en charge chirurgicale par clipping de l’anévrysme peut être proposée.
L’exploration étiologique retrouve effectivement un anévrysme de la carotide interne droite.
La patiente reçoit un traitement par radiologie interventionnelle, avec succès.
Cinq jours après, alors que votre patiente est surveillée en soins intensifs, on la retrouve confuse, avec une réascension des céphalées, un déficit moteur fluctuant du côté droit, et une hyperthermie.
Question 5 -  Votre/vos hypothèse(s) diagnostique(s) est/sont la/les suivante(s) :
Il faut bien sûr évoquer le resaignement, mais le déficit moteur et l’hyperthermie n’y font pas penser en premier lieu. De plus, il arrive plutôt après une semaine post-traitement, avec un risque maximal entre J 7 et J 11.
Ici on pense à un vasospasme, qui est une vasoconstriction sévère et prolongée. Il survient dans 50 % des cas d’hémorragie méningée grave par rupture d’anévrysme, généralement entre J 4 et J 10, qui mène à l’AVC ischémique dans un tiers des cas.
Le diagnostic se fait par angio-TDM, artériographie ou écho-Doppler, et le traitement par anglioplastie mécanique (ballonnets) ou vasodilateurs in situ et/ou intraveineux.
La prévention se fait par le maintien de la normovolémie et les vasodilatateurs (nimopidine, qui est un dilatateur calcique) avec une surveillance par Doppler transcrânien.
Le traitement de son vasospasme permet un retour à la normale. L’urgence passée, vous approfondissez l’interrogatoire pour rechercher une cause possible à cet anévrysme chez une femme de 30 ans.
Elle a un indice de masse corporelle à 24, n’a pas d’hypertension artérielle ni d’hypercholestérolémie. Elle a toujours été très sportive, et a notamment toujours été très forte en gymnastique car elle est spectaculairement souple.
Il n’y a pas d’antécédent médicalement notable du côté de sa famille maternelle ; en revanche, vous apprenez que sa grand-mère paternelle est décédée en couches d’une hémorragie utérine et que son père a fait une dissection de l’aorte à 40 ans.
Question 6 - Devant ces éléments, votre/vos hypothèse(s) diagnostique(s) est/sont la/les suivante(s) :
Le syndrome de Prader-Willi est une maladie génétique rare. Ce syndrome est notamment caractérisé à la naissance par une hypotonie sévère, un trouble de la croissance, suivis par l’apparition d’une hyperphagie pendant l’enfance, qui, sans prise en charge adaptée, peut conduire au développement d’une obésité morbide.
Le syndrome de Klinefelter (ou 47, XXY) est une aneuploïdie qui se caractérise par un chromosome sexuel X supplémentaire. L’individu a 47 chromosomes au lieu de 46.
L’individu est alors de caractère masculin, mais infertile.
Aussi appelé syndrome de délétion 22q11.2. Les enfants porteurs de cette mutation ont des malformations cardiaques dans 75 % des cas, et des anomalies de la partie supérieure de la bouche dans 70 % des cas.
L’association dans une même famille de rupture d’artères utérines, de dissection aortique et d’anévrysme doit faire penser à une maladie génétique du collagène. La maladie de Marfan comme le syndrome d’Ehlers-Danlos rentrent dans ce cas de figure.
Les prévalences estimées pour la maladie de Marfan sont de 1/5 000, et pour la maladie d’Ehlers-Danlos de 1/20 000.
Une recherche génétique familiale est faite, et un syndrome d’Ehlers-Danlos est en effet diagnostiqué chez la patiente, son père, son frère et ses nièces. Une surveillance adaptée est alors mise en place.
Deux mois après sa sortie de l’hôpital, la patiente revient vous voir : elle qui était sortie sans séquelle a l’impression depuis quelques jours qu’elle a du mal à marcher, n’arrive plus à se retenir d’uriner, et a des difficultés pour parler : elle cherche souvent ses mots.
Question 7 - Ce tableau à distance d’une hémorragie méningée vous fait plutôt penser à :
Complication possible, mais la symptomatologie ne fait pas évoquer un resaignement ici.
Complication possible, mais on n’évoque pas une localisation neurologique précise devant ce tableau.
Ici on retrouve la triade de Hakim et Adams : troubles de la marche, troubles sphinctériens et syndrome démentiel.
Le déficit du sphincter est le seul symptôme de la triade du syndrome de la queue de cheval qu’on retrouve, et ce n’est pas une complication courante de l’hémorragie méningée.
Complication tardive d’hémorragie méningée, mais pas la symptomatologie.
L’hydrocéphalie chronique est une complication tardive de l’hémorragie sous-arachnoïdienne, par un feutrage des voies de drainage du liquide céphalorachidien par les séquelles du saignement. On la traite par dérivation ventriculaire.

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