Vous voyez en consultation de pédiatrie générale un nourrisson de 12 mois pour un changement de comportement. La maman vous explique que depuis environ trois mois son enfant a le sommeil agité, se tortille volontiers et semble plus fatigué. La journée, il est irritable et continue de se tortiller dans tous les sens. Cela a été mis sur le compte d’une colique du nourrisson. Pourtant, cela ne passe toujours pas. Son enfant a par ailleurs souvent la peau sèche et la maman a remarqué il y a maintenant un mois des plaques rouges sur les cuisses et au niveau de l’ombilic pour lesquelles elle ne s’était pas inquiétée, pensant que cela passerait tout seul.

Vous examinez l’enfant et constatez les lésions suivantes :



 

La maman a souffert d’asthme durant son enfance et son adolescence, et nécessite de temps à autres la prise de Ventoline, principalement au printemps. Elle est d’ailleurs systématiquement mise sous Desloratadine (Aerius ®) tous les ans pendant quelques mois, et cela depuis très longtemps. Sans cela, elle a le nez qui coule et les yeux qui rougissent. Elle n’a pas eu d’autre problème de santé. Le papa n’a pas d’antécédent personnel.

Le nourrisson est né à terme par voie basse non instrumentale ; il a eu une excellente adaptation à la vie extra-utérine. Il a été allaité au sein exclusivement jusqu’à l’âge de 6 mois. La diversification s’est bien déroulée. Vous récupérez les courbes suivantes :
Question 1 : La localisation des lésions cutanées de ce nourrisson peut évoquer :
Espaces interdigitaux, face antérieure des poignets, coudes et emmanchures antérieures, ombilic, fesses, face interne des cuisses, organes génitaux externes
Plutôt le siège chez le nourrisson (à cause des couches)
voir photo
Plutôt au niveau des plis
Sur le visage
Dans la dermatite atopique, la localisation évolue avec l’âge :

 
Question 2 : L’aspect des lésions retrouvées sur le nourrisson vous fait évoquer : 
Fond érythémateux, squames, vésicules, voire bulles ; en relief. S’associent des lésions de grattage
Vésicules++ et lésions de grattage
Papules, vésicules et lésions de grattage
Taches érythémato-squameuses bien limitées, arrondies, ovalaires ou polycycliques multiples, symétriques
Lésions infiltrées non en relief
La croissance staturopondérale du nourrisson vous est présentée.

 
Question 3 : Vous en déduisez que :
La courbe de poids du nourrisson casse à partir de l’âge de 7 mois. La courbe de taille reste quant à elle uniforme, à -1 DS ; il est fort à parier que sans prise en charge la taille va à son tour casser sa courbe. La croissance du périmètre crânien sera intéressante pour vérifier l’absence d’anomalie (3e courbe du carnet de santé).
Question 4 : Vous concluez de tout cela :
La cassure de la courbe de poids peut le faire évoquer, mais il est impossible de l’affirmer
Écoulement nasal clair, prurit et rougeur oculaires pendant le printemps chez la maman à rhinoconjonctivite allergique (pollens++)
L’allaitement au sein diminue le risque d’allergie mais ne l’élimine pas
L’ensemble du tableau fait évoquer une pathologie chronique, qui peut tout à fait être responsable d’une cassure de la courbe de poids
Ce n’est pas nécessaire d’avoir toutes les atteintes de la marche atopique pour être allergique !
Question 5 : Quel diagnostic posez-vous ?
Critères diagnostiques de la dermatite atopique :
Critère obligatoire : dermatose prurigineuse ou parents rapportant que l’enfant se gratte ou se frotte.
Associé à trois ou plus des critères suivants :
1. Antécédents personnels de dermatite des plis de flexion (fosses antécubitales, creux poplitée, face antérieure des chevilles, cou) et/ou des joues chez les enfants de moins de 10 ans.
2. Antécédents personnels d’asthme ou de rhume des foins (ou antécédents de maladie atopique chez un parent au premier degré chez l’enfant de moins de 4 ans).
3. Antécédents de peau sèche généralisée au cours de la dernière année.
4. Eczéma des grands plis visible ou eczéma des joues, du front et des convexités des membres chez l’enfant au-dessous de 4 ans.
5. Début des signes cutanés avant l’âge de 2 ans chez l'enfant de plus de 4 ans
Question 6 : La prise en charge de la dermatite atopique :
Le risque de surinfection fatale explique le caractère urgent de la prise en charge de la DA, mais ce n’est pas une urgence vitale
Il n’y a pas nécessairement d’hyperéosinophilie dans la DA ; elle serait de toute manière peu élevée, en tout cas pas toxique
Une dermatite atopique non traitée peut avoir un retentissement sur le développement staturopondéral de l’enfant. Par ailleurs, il y a un risque accru de troubles psychiatriques (schizophrénie, dépression, anxiété) et de troubles attentionnels chez les enfants atteints de DA
Il est montré que le traitement rapide d’une DA permet une diminution du risque d’asthme allergique
Le traitement par corticoïdes topiques permet une disparition du prurit et des lésions en quelques jours seulement.
Question 7 : Quel bilan prévoyez-vous ?
3 cas de figure nécessitent au contraire un bilan allergologique :
- la DA sévère (échec du traitement)
- la DA avec cassure pondérale (c’est le cas ici)
la Dao associée à des signes évocateurs d’allergie alimentaire, respiratoire ou de contact
Ce sont les examens de première intention dans l’atopie
La valeur des IgE totales n’apporte pas d’élément pour le traitement ou le diagnostic
Aucun intérêt non plus
Il n’y a pas de signe de surinfection, donc pas d’intérêt à un prélèvement
Question 8 : Vous expliquez à la maman le traitement que vous mettez en place : 
L’application d’émollients doit se faire au long cours. C’est la base du traitement de fond, permettant de restaurer la barrière cutanée
Il s’agit du traitement des poussées
Au contraire, il faut traiter les lésions du visage et il n’y a pas d’alternative en première intention aux corticoïdes topiques
Les effets indésirables sont extrêmement rares, notamment les effets indésirables systémiques. Il est admis qu’une application de moins de 30 g par jour de dermocorticoïdes n’expose à aucun effet indésirable
Les deux topiques peuvent être administrés en même temps
La dermatite atopique est une hypersensibilité retardée liée à des protéines. Deux facteurs interviennent dans les poussées : une lésion de la barrière cutanée et l’allergie. Les émollients permettent de remplacer la barrière cutanée défectueuse et sont donc fondamentaux dans la prise en charge de la DA, qui est une urgence thérapeutique.
Les dermocorticoïdes doivent être appliqués 1 fois par jour, jusqu’à disparition des lésions cutanées.
Vous revoyez le nourrisson en consultation à l’âge de 18 mois en plein hiver.
Depuis trois jours, il présente une rhinite importante et des difficultés à respirer. Sa maman parle de respiration sifflante. Il a vomi deux fois ce jour.
À l’examen clinique, l’enfant est fébrile à 38,1 °C, l’auscultation vous rapporte des sibilants et des sous-crépitants diffus. Il y a un tirage intercostal modéré et un discret balancement thoraco-abdominal qui s’amende après une désobstruction rhino-pharyngée. Il n’y a pas d’otite.
Le reste de l’examen clinique est normal. Vous notez par ailleurs une bonne prise de poids, notamment une reprise normale depuis la mise sous dermocorticoïdes.
La maman vous rapporte que les plaques ont disparu en une semaine, et qu’elle applique des dermocorticoïdes dès qu’elles réapparaissent, ce qui est arrivé deux fois en six mois.
Question 9 : Concernant le tableau aigu, vous pouvez dire…
Les pneumopathies bactériennes à cet âge sont rares ; les pneumopathies sont alors plutôt virales. Il n’y a pas d’argument clinique de gravité pouvant faire suspecter un pneumocoque ni de notion de contage pouvant faire évoquer un mycoplasme. Il n’y a pas de foyer de crépitants. Enfin, l’énoncé exprime qu’on est en hiver, on souligne le risque d’épidémie de bronchiolite aiguë virale
Il s’agit du premier épisode de dyspnée sifflante, il est impossible de parler d’asthme du nourrisson. Ses antécédents vous font suspecter cette pathologie, d’origine asthmatique dans le cadre du cas clinique
Toute dyspnée sifflante de l’enfant de plus de 6 mois doit être traitée par bronchodilatateur de courte durée d’action (salbutamol)
Question 10 : Quel lien faites-vous avec la dermatite atopique de ce nourrisson ?
La définition de l’asthme du nourrisson est 3 dyspnées sifflantes avant 36 mois. Le fait que le nourrisson ait une dermatite atopique impose la prudence : il est à risque de faire un asthme allergique. Mais celui-ci survient généralement plus tardivement (vers 3-4 ans)
La maman a bien compris que les poussées de dermatite atopique sont des urgences thérapeutiques et elle a bien raison d’administrer des dermocorticoïdes rapidement
Il s’agit du premier épisode de dyspnée sifflante, en contexte viral (fièvre, hiver). Il n’y a pas d’indication à mettre des CTC inhalés, malgré l’antécédent de dermatite atopique
Tous les éléments de la marche atopique (allergie alimentaire, dermatite atopique, asthme allergique, rhinite et conjonctivite allergiques) ne sont pas nécessairement retrouvés. Par ailleurs, on revient de plus en plus sur cette notion de marche atopique
Deux semaines après, alors que l’épisode respiratoire s’est résolu en cinq jours, l’enfant fait à nouveau une poussée de dermatite atopique traitée par corticoïdes topiques. Mais deux jours plus tard, les lésions n’ont pas diminué, l’enfant se gratte mais semble également douloureux et devient grognon. Il ne s’alimente plus. La maman vous amène donc l’enfant.
Vous retrouvez un enfant fatigué, dont l’état général semble clairement dégradé. Il est fébrile à 39 °C, présente de discrets signes de lutte respiratoire, quelques sibilants discrets, mais un murmure vésiculaire bien présent. L’abdomen est souple, il n’y a pas de diarrhée. Vous ne retrouvez pas d’otite. En revanche, vous retrouvez les lésions suivantes sur le visage de l’enfant :

 
Question 11 : Que recherchez-vous à l’interrogatoire de la maman ?
LA grande complication de la dermatite atopique est la surinfection à HSV
Le grand diagnostic différentiel chez le nourrisson présentant des lésions nécrotiques est le purpura fulminans. La localisation diffère cependant, de même que l’extension qui n’est pas aussi rapide dans la surinfection à herpès
L’application d’émollient est au contraire grandement indiquée sur les lésions de dermatite atopique
Un patient souffrant de dermatite atopique n’a pas besoin de modification de son environnement pour faire une poussée. Par ailleurs, le problème n’est actuellement pas là…
Question 12 : Quel est le diagnostic le plus probable ?
Le SJS est une dermatose allergique responsable de décollements cutanés
Le Lyell est une dermatose le plus souvent d’origine médicamenteuse responsable de rash cutanés et d’une altération de l’état général
Il s’agit de la forme sévère d’une surinfection de lésion de DA par le virus herpès
On aurait des croûte mélicériques et pas de lésion nécrotique
Question 13 : Quelle prise en charge mettez-vous en place au cabinet ?
Il n’y a pas d’argument dans l’énoncé en faveur d’un choc
Il s’agit d’une urgence thérapeutique nécessitant une prise en charge réanimatoire avec aciclovir IV
L’aciclovir IV ne peut pas être administré au cabinet ; la perfusion est longue, nécessite une surveillance hospitalière et une perfusion concomitante de sérum physiologique pour éviter la toxicité rénale
À l’arrivée du SAMU, le nourrisson présente subitement des convulsions tonico-cloniques de l’hémicorps droit et une perte de connaissance.
Question 14 : Quelle complication redoutez-vous ?
LA complication du Kaposi-Juliusberg est la méningo-encéphalite herpétique.
Question 15 : Devant l’ensemble du tableau, quel va être le traitement mis en place en réanimation ?
Les dermocorticoïdes sont contre-indiqués en cas de surinfection herpétique
Il n’y a pas d’indication, en aigu d’une méningo-encéphalite herpétique et d’un Kaposi-Juliusberg, à la corticothérapie systémique. Cela peut se discuter une fois l’infection maîtrisée, pour diminuer plus rapidement l’inflammation et limiter les conséquences neurologiques. Mais leur intérêt n’est pas clairement établi
Deux raisons :
- l’aciclovir est néphrotoxique
- les lésions cutanées peuvent être responsables d’une perte en eau et en sel importante
Il y a une indication à un traitement de fond anticonvulsivant. Mais les benzodiazépines ne sont pas indiquées en première intention

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