Vous recevez aux urgences un patient âgé de 55 ans, tabagique chronique à 15 paquets-années, qui consulte pour douleur abdominale d’apparition brutale, extrême, généralisée depuis plusieurs heures, accompagnée de nausées, vomissements, arrêt des matières, sans arrêt des gaz. Il a pris plusieurs comprimés d’aspirine pour céphalées.

À l’examen clinique : patient stable sur le plan hémodynamique et respiratoire, avec une légère fébricule ; contracture abdominale généralisée.

Le bilan biologique objective une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Le reste du bilan (CRP, lipasémie, glycémie à jeun, urée et créatinine, ionogramme sanguin, TP-TCK et troponine ultrasensible) est normal. ECG sans anomalies.

Vous demandez un abdomen sans préparation (ASP) en urgence.
Quel est votre diagnostic ?
Il s’agit de la péritonite. Voir explication ci-dessous.
La symptomatologie d’une occlusion intestinale aiguë repose sur une triade : douleur abdominale ; vomissements ; arrêt des matières et des gaz. La visualisation des niveaux hydro-aériques à l’ASP confirme le diagnostic.
Le diagnostic positif est clinico-biologique : épigastralgie aiguë et lipasémie : 3 × la normale.
Dans sa forme abdominale : survient sur un terrain athéromateux. L’ECG et les enzymes cardiaques (troponine ultrasensible) ont un grand intérêt.
Réflexe : tout patient qui consulte pour des douleurs abdominales aiguës doit bénéficier d’un ECG, d’autant plus s’il a des facteurs de risque cardiovasculaire.
Il faut toujours l’évoquer devant des troubles digestifs majeurs (syndrome de cétose) et réaliser une glycémie capillaire systématique à l’admission : si glycémie > 2,5 g/L, on complète par bandelette urinaire à la recherche de corps cétoniques.
La péritonite désigne une inflammation aiguë, localisée ou généralisée, de la fine membrane qui tapisse les organes présents dans l’abdomen, le péritoine. Sa cause est le plus souvent une infection liée à une perforation d’un organe abdominal dans le péritoine. Du fait du risque de septicémie, la péritonite est une urgence chirurgicale mettant en jeu le pronostic vital, dont les signes typiques sont, en plus des signes septiques, des douleurs intenses et la contracture localisée ou généralisée des muscles abdominaux. Causes les plus fréquentes : la perforation d’un ulcère ou d’un diverticule du côlon sigmoïde, une appendicite compliquée.1
Chez ce patient, c’est une péritonite par perforation d’ulcère gastro-duodénal (UGD). Le diagnostic est avant tout clinique. Le début de la douleur (< 12 h) est épigastrique, puis devient diffuse. À l’interrogatoire, on retrouve généralement les antécédents d’UGD ou la prise d’AINS. Au début, il n’y a pas de sepsis, ce qui explique l’absence du syndrome infectieux. La présence du pneumopéritoine à l’ASP (croissant gazeux) est pathognomonique de perforation d’organe creux. Mais son absence n’élimine pas le diagnostic.
ATTENTION : la suspicion d’ulcère perforé est une contre-indication absolue à l’endoscopie œsogastroduodénale ! (risque d’aggravation du pneumopéritoine par l’insufflation +++).2
 
Références :
1. Joubert H. Péritonite. SNFGE novembre 2020.
2. Zeitoun JD, Chryssostalis A, Lefevre J. Hépatologie, gastro-entérologie, chirurgie viscérale. Paris: VG éditions, 2022.
 
Par le Dr Fatima Oulhouss, médecine interne, CHP Inezgane, Maroc.

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