Interne en médecine générale, vous effectuez une garde aux urgences un 31 décembre. Vous vous apprêtez à prendre en charge M. B., 53 ans.

Ce jour, M. B. a eu une oppression thoracique brutale au moment de sortir faire des courses, avec des palpitations et une difficulté croissante à respirer. Une sensation de vertige associée à des tremblements a particulièrement inquiété sa femme qui l’a amené aux urgences. M. B. a eu très peur de mourir au point d’avoir l’impression d’en devenir fou.

Les symptômes décrits n’ont duré qu’une vingtaine de minutes et ne sont plus présents actuellement. L’examen clinique, et plus particulièrement l’examen neurologique, sont normaux.

M. B. a pour seuls antécédents un trouble du comportement alimentaire associé à une pratique sportive excessive durant ses années d’études et un adénome prostatique diagnostiqué il y a trois mois, non traité mais symptomatique (dysurie). Il n’a jamais vécu d’épisode similaire auparavant. Son père est décédé d’un « problème au cœur » à 86 ans et son oncle maternel serait schizophrène.

Le patient pèse 80 kg pour 1,83 m, la température est à 36,9 °C et la pression artérielle à son arrivée est à 140/60 mmHg pour 75/m de fréquence cardiaque, 19/min de fréquence respiratoire et une saturation en oxygène en air ambiant à 98 %.
Question 1 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) demandez-vous en première intention ?
Il n’est pas nécessaire d’attendre que le patient soit à jeun pour réaliser une glycémie.
L’EEG et l’IRM cérébrale ne sont pas à prescrire en première intention.
L’ECG est en revanche indispensable.
L’EEG et l’IRM cérébrale ne sont pas à prescrire en première intention.
Il n’existe pas de point d’appel clinique pour réaliser une BU.
Il n’est pas nécessaire d’attendre que le patient soit à jeun pour réaliser une glycémie. L’EEG et l’IRM cérébrale ne sont pas à prescrire en première intention devant une oppression thoracique avec palpitation, sans déficit neurologique ni perte de connaissance. Il n’existe pas de point d’appel clinique pour réaliser une BU. L’ECG est cependant indispensable. La tension artérielle et la fréquence cardiaque seront à recontrôler pour diminuer l’effet blouse blanche.
Les examens paracliniques demandés ont permis d’éliminer une cause organique à cet épisode. L’ECG est normal avec un QT corrigé = 420 ms. Le bilan biologique est normal. Vous vous apprêtez à annoncer le diagnostic d’attaque de panique à M. B. et sa femme.
Le patient sursaute à votre entrée dans la pièce, mais reste calme le long de l’entretien. Il n’est pas surpris par ce diagnostic : il explique avoir « perdu sa joie de vivre » depuis plusieurs semaines, avec des insomnies à l’endormissement du fait de ruminations anxieuses et des réveils nocturnes en lien avec des cauchemars. Sa famille le trouve irritable, il ne supporte plus d’entendre ses enfants jouer et devient agressif verbalement. Il a du mal à se projeter dans l’avenir avec une forte dépréciation. À l’interrogatoire, vous retrouvez pour facteur déclenchant un licenciement (boulanger de formation) il y a trois semaines avec un accident de voiture en rentrant chez lui le jour même. Ses souvenirs de ce jour-là sont très confus, il aurait cru pendant plusieurs heures avoir tué la conductrice de l’autre véhicule accidenté.
Ce jour, c’est à l’idée de reprendre le volant que ces symptômes ont commencé. Il n’a toujours pas reconduit depuis. Venir aux urgences dans la voiture de sa femme a été une première depuis trois semaines, trajet qu’il a ressenti comme irréel avec l’impression d’être observateur de la réalité.
Vous ne constatez pas d’incurie. Le discours fait remarquer une tachyphémie avec une note digressive. La pensée est organisée.
Question 2 - Quel est votre diagnostic principal ? (grade B)
Absence de syndrome de répétition ou d’évitement mais peut compliquer un trouble de stress aigu (TSA) ou état de stress post-traumatique (ESPT).
Absence de syndrome de répétition ou d’évitement.
> 1 mois après l’événement traumatique.
Pas d’argument en faveur.
3 jours à 1 mois après le début des troubles.
Événement à potentiel traumatogène :  accident sur la voie publique (AVP) avec menace de mort.
Symptômes envahissants : cauchemars répétés.
Humeur négative : incapacité persistante d’éprouver des émotions positives (anhédonie, perte de réactivité émotionnelle).
Symptômes dissociatifs : altération de la perception de la réalité (déréalisation en voiture), trouble mnésique de l’événement traumatique.
Symptômes d’évitement : efforts pour éviter les rappels externes qui réveillent les souvenirs associés à l’événement.
Symptômes d’éveil/hyperactivité neurovégétative : hypervigilance avec sursaut exagéré, irritabilité, trouble du sommeil.
Durée : 3 semaines.
Détresse clinique significative (retentissement sur la vie familiale, ne peut plus effectuer des tâches du quotidien car ne peut plus se véhiculer).
Pas de substance décrite et bilan biologique normal.
=> Trouble de stress aigu
Le patient rapporte en effet avoir eu des souvenirs envahissants de l’accident avec l’impression de revoir la scène se dérouler devant ses yeux. Les cauchemars traumatiques alimentent ses nuits, le rendant réticent à aller dormir. Il n’arrive pas à rechercher un emploi dans ce contexte-là, épuisé et sans moyen pour se déplacer. Il vous demande un traitement pour l’apaiser.
Question 3 - Que prescrivez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ? (grade B)
Antidépresseur : inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA). En cas d’épisode dépressif caractérisé (EDC), traitement par inhibiteur spécifique du recaptage de la sérotonine (ISRS) en première intention. Pas d’introduction aux urgences, traitement à prendre au long cours avec un suivi médical rapproché.
Somnifère apparenté aux benzodiazépines : ordonnance sécurisée de maximum 4 semaines. De plus, mieux vaut éviter d’altérer l’architecture du sommeil et donc l’encodage mnésique après un traumatisme.
Antihistaminique antagoniste des récepteurs H1 : alternative des plus intéressantes ici, mais la prescription est contre-indiquée du fait d’un adénome de prostate (risque de rétention aiguë d’urine).
Benzodiazépine : contre-indication relative dans les événements traumatiques, altère l’encodage mnésique et fort risque de dépendance.
Anxiolytique non benzodiazépinique : seule proposition acceptable pour ce cas clinique.
Quatre mois plus tard, vous revoyez par hasard M. B. lors d’un remplacement en cabinet de médecine générale. M. B. a développé un stress post-traumatique en lien avec l’accident de voiture de décembre. Il n’a pas pu retrouver d’emploi et reste en grande difficulté pour prendre sa voiture. Son sommeil reste une des plaintes principales avec de nombreux cauchemars. Il s’est mis à boire deux bières le soir pour s’apaiser et faciliter l’endormissement. Il prend double dose de benzodiazépines (alprazolam 0,5 mg x 2) matin, midi et soir, traitement qu’il juge partiellement efficace. Il consulte aujourd’hui pour obtenir un renouvellement d’ordonnance. L’examen clinique est normal. 
Question 4 - Que prescrivez-vous en première intention (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Non nécessaire en première intention, la faible efficacité de l’anxiolytique est en lien avec un phénomène de tolérance. Le surdosage s’évalue cliniquement (symptôme d’intoxication aiguë).
L’anxiolytique est déjà donné à dose suprathérapeutique, de plus l’ajout d’un sédatif majoré à l’alcool risque d’aggraver les troubles du sommeil. Il existe la possibilité d’un syndrome de sevrage durant la nuit majorant les réveils nocturnes anxiogènes.
Idem que réponse précédente, de plus on ne doit jamais associer benzodiazépine et apparenté (inutile).
Oui, protocole de sevrage à mettre en place avec le patient.
Non, pas d’arrêt brutal de benzodiazépine, risque de syndrome de sevrage à l’arrêt.
Se référer aux items 72 et 75 du Collège de psychiatrie.
Le patient accepte d’essayer une décroissance progressive dans l’objectif de se passer des benzodiazépines. Il est en demande d’aide, tant pour son addiction que pour traiter les symptômes de l’état de stress post-traumatique.
Question 5 - Parmi les propositions suivantes, laquelle ou lesquelles lui recommandez-vous ? (grade B)
Prise en charge du traumatisme spécifiquement.
La thérapie systémique est une thérapie familiale, une telle prise en charge globale n’est actuellement pas la priorité pour M. B.
Accompagnement du traumatisme et de l’addiction possible.
Prise en charge du traumatisme spécifiquement.
Prise en charge du traumatisme et de l’addiction possible.
Pour le stress post-traumatique, l’EMDR, la TEP et la TCC ont un niveau de preuve équivalent et peuvent être recommandés dans le cadre d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). La prise en charge sociale et juridique du traumatisme peut se faire à travers des associations spécialisées et des groupes d’entraide. Les groupes d’entraide s’appuient sur le principe de la « pair-aidance » en valorisant le soutien mutuel et facilitant le lien social. Ils sont aussi très courants dans les troubles addictifs, dont le plus connu est sans doute les Alcooliques anonymes.
Une thérapie systémique peut être proposée quand le trouble psychiatrique est en lien avec des facteurs de risque et de maintien en rapport avec des facteurs de stress liés aux interactions familiales, ou un trouble nécessitant une implication familiale (notamment chez le mineur). Un trouble lié à l’usage de substance peut répondre à cette problématique. Dans cette situation l’urgence reste tout de même de prendre en charge individuellement le TSPT du patient, principale cause décrite du mésusage médicamenteux.
Vous revoyez M. B. un mois et demi plus tard. Il n’était pas venu à votre consultation de suivi à deux semaines qui faisait suite à un objectif de diminution des prises d’alprazolam. Vous n’avez pas pu lui renouveler son ordonnance. Il explique que, quelques jours après ce rendez-vous manqué, il a passé une nuit blanche avec beaucoup d’angoisse, accompagné de tremblements et maux de tête. Ne supportant plus cet état et n’ayant plus de benzodiazépine à portée de main, il consomma de l’alcool. Depuis, sa consommation n’a fait que croître, notamment pour essayer de diminuer les symptômes de reviviscences traumatiques.
Question 6 - Pour évaluer sa consommation d’alcool (une ou plusieurs réponses exactes) :
Évaluation de la dépendance tabagique.
Consommation déclarée d’alcool (CDA).
Utile aux urgences, mais sans intérêt durant une consultation en cabinet.
Inutile pour évaluer sa consommation.
Alcohol use disorders identification test.
Vous perdez de vue M. B. et le recroisez aux urgences quelques semaines plus tard, amené par les pompiers. Sa femme a appelé les secours car il a depuis plusieurs heures une agitation psychomotrice avec des propos incohérents. À l’examen clinique, le patient est tachycarde avec une fièvre à 38,2 °C et des sueurs profuses. Il se plaint que son box d’hôpital est envahi d’araignées et pour cela menace de fuguer. Son épouse vous explique que cela fait deux jours qu’il avait décidé d’arrêter tout alcool. La glycémie est à 5 mmol/L.
Question 7 - Quelle est votre prise en charge immédiate (une ou plusieurs réponses exactes) ? (grade B)
Ici zoopsie typique d’un délirium tremens, il faut traiter la cause en priorité !
Il faut d’abord supplémenter en vitamine B1 par voie intraveineuse ! Risque d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke si glucosé seul. La glycémie n’est pas inquiétante (limite basse).
Oui, même si antécédent de trouble de l’usage, le patient est déjà en délirium tremens.
Syndrome de sevrage avec délirium tremens et zoopsie : prise en charge urgente !

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