Vous êtes interne de garde aux urgences, il est 20 h 30, quand un homme de 63 ans vous est amené par le SMUR. Alors qu’il nettoyait sa maison cet après-midi, il a soudain été pris de vertiges, avec impossibilité de rester debout, et a eu des vomissements à répétition.

Le SMUR lui ayant administré un Tanganil et du Zophren, les nausées et vomissements se tarissent et un interrogatoire est possible.

Il a dans ses antécédents une hypertension artérielle, une hypertrophie bénigne de la prostate, un diabète de type 2 non insulino-dépendant.

Son traitement habituel comporte du Ramipril 5 mg le soir, du Lercan 10 mg le soir, de la Tamsulosine LP 0,4 mg 1/j, et du Seresta 10 mg qu’il prend le soir si besoin.

Il vous rapporte un tabagisme évalué à 20 paquets-années (1/2 paquet par jour depuis 40 ans), une consommation alcoolique occasionnelle.

Il n’a pas d’allergie connue, n’a pas consommé dans sa vie de drogue particulière.

Il a mangé au repas du midi la même chose que son conjoint et trois autres ami(e)s, personne d’autre que lui n’a de symptôme particulier.

À l’examen clinique il est orienté et vigilant, n’a pas de déficit moteur ni sensitif des membres. Il a cependant une ataxie majeure bilatérale et un nystagmus, plus marqué à gauche, et une paralysie faciale centrale gauche, sans aphasie. Les autres nerfs crâniens sont intègres, il n’a pas d’acouphènes.

L’examen cardiorespiratoire est sans anomalie, l’abdomen est souple, dépressible mais sensible en hypochondre, il n’a pas d’arrêt des matières et des gaz.
Question 1 - Devant ce tableau, vous évoquez un diagnostic de (une seule réponse attendue) :
Un vertige sévère d’apparition soudaine durant plusieurs heures peut effectivement faire penser à une maladie de Ménière, mais ici la paralysie faciale et l’absence de signes auditifs (présents la plupart du temps dans le vertige de Ménière, à type d’acouphènes, de sensations d’oreille pleine) nous obligent à faire rapidement une imagerie cérébrale.
Les vomissements ici sont vraisemblablement dus aux vertiges, et non à un trouble digestif, d’autant plus que le patient n’a pas d’arrêt des matières et des gaz.
Les vertiges et le nystagmus peuvent effectivement faire évoquer un VPPB, mais la durée > 60 secondes et la présence d’autres signes neurologiques comme la paralysie faciale écartent le diagnostic.
Un ou plusieurs déficits neurologiques (ataxie cérébelleuse, paralysie faciale) d’apparition soudaine (et le plus souvent d’emblée maximale), focale (tous les signes peuvent ici être expliqués par l’atteinte d’un seul territoire artériel) doivent faire évoquer le diagnostic d’AVC, et doivent conduire à une imagerie cérébrale rapidement.
La définition de la TIAC implique au moins deux personnes malades après le même repas, or ici il est précisé qu’il est le seul.
Vous évoquez un AVC, et vous demandez une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale à votre patient, effectuée à 00 h 00, qui retrouve cette lésion (figures 1 et 2).
Figure 1 (Léa Peiger, La Revue du Praticien)
Figure 2 (Léa Peiger, La Revue du Praticien)


Le reste de l’examen est sans anomalie particulière, notamment l’IRM des troncs supra-aortiques qui n’ont pas de sténose. La lésion n’apparaît pas en séquence d’écho de gradient.
Question 2 - Par rapport à ces images, vous concluez (une ou plusieurs réponses possibles) :
Le tronc cérébral est intact.
L’hypersignal en diffusion (gauche) et la restriction en ADC (apparent diffusion coefficient) (droite) traduisent une ischémie avec un œdème cytotoxique. De plus, l’écho de gradient sans anomalie permet d’écarter la présence de saignement anormal.
Le traitement d’urgence de recanalisation des artères (la thrombolyse) ne s’envisage pas si la lésion est hyperintense en FLAIR, marquant une nécrose pour laquelle une thrombolyse d’urgence, en plus de ne pas être efficace, pourrait être dangereuse.
Ici il touche le vermis et les lobes périphériques.
Le cervelet est irrigué par les artères vertébrales et basilaires, et donc ne rentre pas dans la vascularisation par le polygone de Willis en situation physiologique.
Il s’agit donc d’un AVC cérébelleux.
La séquence FLAIR revient positive, la thrombolyse n’est pas envisageable ici. Le patient est traité par un bolus initial de 250 mg en injection intraveineuse directe (IVD) d’acide acétylsalicylique, qui sera poursuivi par la suite à la dose de 160 mg per os par jour. Sa tension artérielle systolique est maintenue < 220 mmHg, un traitement par héparine de bas poids moléculaire préventif est débuté, l’électrocardiogramme (ECG) d’entrée retrouve un rythme sinusal, sans hypertrophie ventriculaire ni atriale, sans trouble de la conduction ni de la repolarisation.
Question 3 - Il faut chercher une étiologie à cet AVC, votre bilan initial comprendra (une ou plusieurs réponses possibles) :
Seulement si le bilan initial ne retrouve pas de cause.
Devant un ECG normal on ne peut pas éliminer un trouble du rythme emboligène paroxystique. Si le scope ECG ne permet pas d’expliquer l’accident vasculaire, alors un Holter ECG sera demandé, pouvant être étendu sur plusieurs jours.
Les AVC ischémiques sont principalement dus à l’athérosclérose (30 %) et les embolies cardiaques (20 %), le reste des étiologies se partagent en 20 % d’AVC lacunaires, 25 % de causes inconnues et 5 % de causes autres (mutation thrombophile, infections, malformations des artères intracérébrales…).
On recherche des signes indirects comme les hypertrophies auriculaires, les troubles de la conduction/repolarisation qui peuvent faire penser à des troubles supraventriculaires…
Le bilan initial ne retrouve qu’une hypertrophie auriculaire gauche qui vous fait évoquer le diagnostic de fibrillation auriculaire paroxystique, mais l’ECG comme le Holter ECG ne retrouvent pas de troubles du rythme, et votre patient sort d’hospitalisation avec une récupération complète des déficits, NIHSS 0.
Quatre ans plus tard, M. L. retourne aux urgences à 16 h 30 car, vers 14 h 00 environ, il est apparu de façon aiguë un déficit moteur du membre supérieur droit coté 2/5, un déficit moteur du membre inférieur droit coté 4/5, un déficit sensitif à tous les modes de l’hémicorps droit, une paralysie faciale centrale droite avec une dysarthrie, et une aphasie non fluente (aphasie de Broca). Il a une ataxie marquée du membre supérieur droit, pas de nystagmus. Les réflexes ostéotendineux sont présents et symétriques.
Étant donné les antécédents du patient vous évoquez immédiatement un nouvel AVC, et demandez une imagerie.
Question 4 - Si un AVC est retrouvé, vous suspectez que le territoire lésé sera : 
Ici l’ataxie est probablement proprioceptive devant le déficit sensitif, et non due à un syndrome cérébelleux.
Le territoire de la face et le fait que le déficit soit plus marqué au membre supérieur qu’au membre inférieur fait évoquer le territoire sylvien plutôt qu’antérieur (voir homonculus de Penfield). L’aphasie est également le plus souvent due à une atteinte sylvienne de l’hémisphère gauche.
Voici l’IRM cérébrale alors réalisée à 17 h 00 (figures 3 et 4).
Figure 3 (Léa Peiger, La Revue du Praticien)
Figure 4 (Léa Peiger, La Revue du Praticien)


Celle-ci retrouve un AVC ischémique sylvien gauche, avec un thrombus frais dans la portion M1 de l’artère cérébrale moyenne gauche. Le patient bénéficie d’une thrombolyse et d’une thrombectomie, qui permettent une récupération presque totale de ses déficits, avec pour séquelle une paralysie faciale minime.
Le bilan étiologique est renouvelé et retrouve cette fois une fibrillation auriculaire avec un rétrécissement mitral. Devant cette FA valvulaire avec un score CHA2DS2-VASc élevé, un traitement par Previscan est mis en place, avec un INR (international normalized ratio) cible à 2,5.
Trois mois plus tard, M. L. vous est amené une nouvelle fois par le SMUR à la suite de convulsions. Son compagnon vous décrit qu’il a d’abord eu, alors qu’ils discutaient, des « secousses » du bras gauche, avant de perdre totalement connaissance et d’avoir des convulsions des quatre membres. L’épisode, terminé depuis 20 minutes, aurait duré 1 minute. Il prend apparemment correctement son traitement anticoagulant.
À l’interrogatoire M. L. est hypovigilant mais facilement réveillable, il n’y a pas eu de morsure de la langue, mais il y a eu une perte des urines lors de l’épisode.
À l’examen clinique vous retrouvez un déficit moteur du membre inférieur droit coté 3/5, sans déficit sensitif. Les autres membres n’ont aucun déficit. Les réflexes du membre inférieur droit sont atténués. Il n’y a pas de syndrome cérébelleux, pas de trouble du langage, pas de paralysie faciale.
Question 5 - Dans ce contexte (une ou plusieurs réponses attendues) :
Les AVC ischémiques sont le plus généralement pourvoyeurs d’un « défaut » de fonction. Devant des symptômes comme des douleurs, des clonies ou des paresthésies, il ne faut bien sûr pas éliminer l’hypothèse d’un AVC ischémique, mais il faudra rechercher d’autres causes possibles en premier lieu.
Cette symptomatologie fait évoquer une lésion frontale droite, donc dans un territoire différent des deux AVC connus de ce patient. Dans ce contexte, on ne peut pas se permettre de laisser rentrer ce patient au domicile sans une imagerie cérébrale.
Des clonies peuvent tout à fait être dues à une lésion hémorragique, de plus chez ce patient sous anticoagulants au long cours, ce diagnostic doit s’imposer jusqu’à preuve du contraire.
Il faut également se rappeler que, lors d’une atteinte du système nerveux central, les réflexes peuvent être abolis pendant en général quelques semaines avant la rigidité et l’hyperréflexie du syndrome pyramidal.
Le déficit postcritique toujours présent après 20 minutes et le début des clonies de type focal font plutôt pencher vers une étiologie épileptique aux convulsions. Attention ! la perte d’urine ou la morsure de langue ne permettent en aucun cas de faire la part des choses entre syncope et épilepsie.
Un déficit moteur sans clonie avec des réflexes atténués ne fait pas évoquer un état de mal en premier lieu. Ici il faudra faire une imagerie cérébrale en urgence avant un EEG.
Voici le résultat du scanner cérébral réalisé (figure 5).
Figure 5 (Léa Peiger, La Revue du Praticien)


Le bilan biologique revient sans anomalie en dehors d’un INR à 6,5.
Question 6 - La prise en charge à prévoir ici est (une réponse attendue) :
La prise en charge des surdosage en AVK est différente selon la clinique : si elle est symptomatique, découverte sur un INR de contrôle, alors les recommandations de la Haute Autorité de santé sont claires et la prise en charge diffère selon l’INR retrouvé.
Dans le cadre d’hémorragie grave, comme c’est le cas ici, la prise en charge est déterminée par cet algorithme (figure 6).
Figure 6 (HAS. Prise en charge des surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier. avril 2008.)
Votre patient est pris en charge en réanimation neurologique pour surveillance de cet AVC hémorragique sous AVK, avec un INR stabilisé.
Trois jours plus tard, vous êtes alerté(e) par votre infirmier devant l’état de M. L. : vous le retrouvez, lui qui était stable malgré un spot hémorragique toujours actif à la tomodensitométrie (TDM) cérébrale de contrôle à 48 heures, avec une hypovigilance marquée et un score de Glasgow coté 9 (les yeux ne s’ouvrent qu’à la douleur, ses propos sont incompréhensibles, et la réponse motrice semble orientée à la douleur).
Il a une anisocorie avec une mydriase droite, et une hémiparésie de l’hémicorps gauche, pas de clonie.
Question 7 - Dans ce contexte vous craignez (une ou plusieurs réponses possibles) :
Dans ce contexte de saignement intracrânien récent, une persistance d’un saignement actif entraînant une hypertension intracrânienne est à craindre. Une hypertension intracrânienne peut elle-même être la cause d’un engagement cérébral, c’est-à-dire d’une « hernie » du tissu cérébral à travers les ouvertures des barrières intracrâniennes rigides (souvent la faux du cerveau, la tente du cervelet ou le trou occipital).
Un engagement cérébral est classé en fonction du tissu cérébral touché et des structures qu’il traverse. 
Ici, la clinique fait évoquer un engagement transtentoriel du lobe temporal droit, avec une compression du troisième nerf crânien et du pédoncule cérébral homolatéral.
Un engagement amygdalien, le plus souvent dû à une hydrocéphalie aiguë, entraîne des mouvements oculaires déconjugués, un nystagmus, une hypertonie des membres, éventuellement un ralentissement du rythme cardiaque (par compression du tronc cérébral) et peut aller rapidement jusqu’à l’arrêt respiratoire.
L’engagement cérébral, quel qu’en soit le type, menace le pronostic vital. Il est à diagnostiquer rapidement afin de pouvoir envisager une prise en charge neurochirurgicale la plus rapide possible.

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