Interne en urologie, vous êtes appelé au service d’accueil des urgences (SAU) pour M. A., 67 ans, qui consulte pour une douleur abdominale intense depuis maintenant quatre heures. Il est déjà suivi pour une cardiopathie ischémique stentée en 2017 et une hypercholestérolémie. Ses traitements habituels comprennent : atorvastatine 10 mg, Kardegic 75 mg et irbésartan 150 mg. Il n’est pas marié et n’a pas d’enfant. Il est retraité, anciennement ingénieur dans une raffinerie angolaise pendant trente-cinq ans.

Depuis plusieurs années, il a des hématuries intermittentes.

À l’arrivée au SAU : pression artérielle = 114/72 mmHg ; fréquence cardiaque = 75 bpm ; température = 36,5 °C.

Il consulte pour une douleur hypogastrique apparue progressivement ce jour, très intense, non soulagée par les antalgiques de paliers I et II.
Question 1 - Devant ce tableau de douleur hypogastrique, quelle étiologie de douleur abdominale évoquez-vous en priorité (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Douleur hypogastrique, sans autre signe d’appel, le globe est fréquent, le diagnostic clinique, et la dérivation des urines soulage immédiatement la douleur, à évoquer en priorité.
Pas de fièvre, en l’absence de signes fonctionnels urinaires, ce n’est pas le premier diagnostic à évoquer ici.
Pas de cystite sans prostatite chez l’homme ; pas de signes fonctionnels urinaires rapportés.
Pas de syndrome occlusif décrit ici.
Ne pas évoquer ce diagnostic en priorité en cas de douleur aiguë.
Comment éviter de découvrir un globe sur le scanner ?
– Le globe est un diagnostic clinique, qui se caractérise par une voussure hypogastrique douloureuse avec ou sans douleur lombaire selon qu’il existe un reflux des urines dans l’uretère et dans le rein.
– L’anurie n’est pas forcément complète, il existe souvent des mictions par rengorgement qui n’éliminent pas le diagnostic.
– Ce diagnostic peut être difficile chez les patients obèses. Ne pas hésiter à faire un bladder/une échographie de débrouillage. Attention ! Le bladder peut quantifier l’ascite, donc préférer une échographie chez les patients chez qui ce diagnostic est évoqué.
À l’examen clinique, vous palpez effectivement un volumineux globe. À l’interrogatoire, le patient dit ne pas avoir réellement uriné depuis vingt-quatre heures en dehors de l’extériorisation de caillots de sang. Vous constatez qu’un scanner abdomino-pelvien a été réalisé aux urgences.
Figure (Source : Gabrielle Tissot, La Revue du Praticien)
Question 2 - Quel(s) élément(s) constatez-vous sur le scanner ?
Une fois la capacité vésicale maximale atteinte, la valve anti-reflux entre la vessie et l’uretère est forcée et les urines remontent vers le rein. L’hyperpression cause une dilatation des cavités.
Non visible ici, la morphologie rénale semble normale. Ce serait un argument pour une insuffisance rénale chronique.
Elle témoigne plutôt d’une inflammation qu’on retrouve dans les pyélonéphrites ou dans les obstructions d’origine urétérale (calcul).
Une jonction témoigne d’un obstacle sur l’uretère. Au contraire, dans un globe l’uretère est dilaté sur toute sa longueur et de façon bilatérale.
Non visible ici, mais non attendu en cas de globe vésical.
Vous avez finalement réussi à sonder le patient. Son bilan biologique montre : créatinine = 699 µmol/L ; potassium = 5,3 mmol/L ; sodium = 132 mmol/L. Au moment du sondage, vous récupérez 1,5 L d’urine.
Question 3 - Quelles sont les mesures à mettre en œuvre en priorité (une ou plusieurs réponses possibles) ?
L’hyperkaliémie n’est pas majeure, pas en première intention ici.
Il faut compenser la perte d’urine pour favoriser la récupération de l’insuffisance rénale aiguë.
Le Ringer comporte du potassium, or le patient a une hyperkaliémie.
Aucune indication, risque d’être délétère dans le contexte d’insuffisance rénale aiguë.
Le clampage régulier permet d’éviter l’hémorragie a vacuo qui viendrait s’ajouter au problème déjà présent.
Devant une hématurie caillotante avec globe :
– sondage premier avec une sonde vésicale double courant de bon calibre permettant de faire des lavages vésicaux continus ;
– le décaillotage peut être réalisé au lit du malade s’il n’existe pas un trop volumineux caillot intravésical, sinon un passage au bloc peut être nécessaire. Un geste de coagulation en cas de saignement vésical ou prostatique actif peut être réalisé dans le même temps.
Vous hospitalisez le patient dans le service d’urologie. Le lendemain, ses constantes sont : pression artérielle = 103/63 mmHg ; fréquence cardiaque = 115 bpm ; température = 36,5 °C. La sonde vésicale est productive à 1,5 L depuis l’arrivée dans le service, les urines sont rosées avec les lavages. Vous consultez son bilan de contrôle : potassium = 4,3 mmol/L ; créatinine = 500 µmol/L ; hémoglobine = 7,7 g/dL ; plaquettes = 270 G/L ; leucocytes = 5,1 G/L ; examen cytobactériologique des urines (ECBU) = leucocytes 105/mL ; bacilles à Gram négatif à l’examen direct.
Question 4 - Dans ce contexte, vous prescrivez (une ou plusieurs réponses exactes) :
La récupération de la fonction rénale est amorcée, il n’y pas d’hyperkaliémie ni aucun autre critère de dialyse en urgence.
Ce patient a une anémie sur hémorragie active, la tolérance semble moyenne (tachycardie, hypotension) chez un patient avec cardiopathie ischémique, et il n’aura pas de régénération active étant donné l’insuffisance rénale aiguë, il est donc logique de le transfuser.
Le patient a une cause évidente de rétention, pas de fièvre, pas de syndrome inflammatoire biologique. La colonisation urinaire est fréquente chez des patients de cet âge avec une obstruction prostatique à bas bruit et des résidus post-mictionnels élevés chroniques.
La kaliémie est normale, pas de supplémentation systématique pour prévenir le syndrome de levée d’obstacle, on s’adapte à l’ionogramme.
Dans le contexte d’insuffisance rénale aiguë en cours de récupération il faut temporiser la reprise des inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Après quarante-huit heures de lavage, les urines s’éclaircissent. Après transfusion, le patient n'a pas de nouvelle déglobulisation. La fonction rénale continue de s’améliorer et se stabilise à 150 µmol/L. Vous parvenez à désonder le patient, avec des résidus post-mictionnels qui restent élevés. Il sort à domicile après soixante-douze heures d’hospitalisation.
Question 5 - Vous prévoyez de le revoir dans un mois en consultation, quels examens lui demandez-vous de réaliser dans ce délai (QRM) ?
Pour apprécier le volume prostatique, le résidu post-mictionnel élevé traduit une obstruction sous-vésicale.
Permet de rechercher des cellules malignes évocatrices de tumeur de vessie.
Permet de rechercher la présence de tumeur vésicale.
Permet de rechercher une lésion du haut appareil urinaire.
Quelle est la différence entre cystoscanner et uroscanner ?
Cystoscanner :
– injection de produit de contraste via une sonde directement dans la vessie ;
– recherche de reflux vésico-urétéral ;
– recherche de fistule/fuite vésicale. 
Uroscanner :
– injection de produit de contraste puis de furosémide et hélice au temps tardif ;
– bilan d’hématurie macroscopique ;
– recherche de lésion de l’arbre urinaire.
Lors de la consultation de contrôle le patient arrive avec le bilan demandé. La cytologie est négative. L’échographie montre une prostate de 60 cc avec un résidu post-mictionnel à 180 cc. La fonction rénale est stable. À la cystoscopie, la prostate est obstructive avec lobe médian bombant en intravésical. L’uroscanner ne montre pas de lésion particulière.
Question 6 - Dans ce contexte, vous proposez au patient comme thérapeutique (QRU) :
Devant ce tableau d’hypertrophie bégnine de prostate (HBP) découverte devant une hématurie ayant nécessité une transfusion et une hospitalisation, il existe une indication opératoire d’emblée.
Pas de lésion vésicale décrite, pas d’indication à faire des biopsies systématiques dans le cadre d’une hématurie.
Il existe une indication opératoire et la technique chirurgicale est adaptée à ce volume prostatique.
L’adénomectomie se discute pour des gros volumes prostatiques, au-delà de 90 cc.
L’IPSS est utile au suivi de l’HBP mais ne permet pas de poser d’indication opératoire, c’est un score fonctionnel qui ne prend pas en compte les complications.
Vous proposez une résection transurétrale de prostate. L’opération se déroule bien et le patient sort d’hospitalisation à J2. Il vous rappelle une semaine plus tard car il urine jusqu’à dix fois par jour avec des brûlures mictionnelles. Il est apyrétique et les urines sont claires. Il n’a pas de douleur par ailleurs.
Question 7 - Dans ce contexte vous préconisez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Les symptômes irritatifs sont très fréquents en phase postopératoire et traduisent une phase de cicatrisation du tissu prostatique réséqué. Il faut effectivement faire un ECBU mais la prostatite n’est pas le diagnostic principal.
On traitera éventuellement de façon ciblée si les symptômes persistent et que l’ECBU est positif. On ne traite de façon probabiliste que s’il existe de la fièvre.
Ici pas de fièvre, pas d’urine trouble, on n’évoque pas la prostatite en premier lieu.
Permet d’éliminer d’éventuels caillots qui pourraient se former en post-résection.
Il s’agit du processus normal de cicatrisation, on est trop proche de la chirurgie pour évaluer le résultat fonctionnel.

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