Vous voyez en consultation M. P., 66 ans, pour troubles du bas appareil urinaire. Il est originaire du Congo, en France depuis l’âge de 22 ans. Il est retraité du bâtiment. Il a comme antécédent une hypertension artérielle. Il a également fait deux embolies pulmonaires non provoquées à 32 puis 40 ans pour lesquels il prend de l’apixaban au long cours à doses curatives. Il est marié et père de deux enfants. Il a du mal à uriner, avec des efforts de poussée abdominale et une sensation de vidange incomplète malgré un traitement par tamsulosine (alpha-bloquant) et dutastéride (inhibiteur de la 5-dihydrotestostérone [DHT]).
Question 1 - Vous proposez de le revoir avec un bilan comprenant (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il n’y a aucun cas où l’on ne doit pas doser le PSA dans le bilan d’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) de l’homme jeune. Sauf : prostatite récente, geste sur la prostate (PSA artificiellement très augmenté).
Bilan première intention devant une probable HBP :
– évaluer le retentissement sur la fonction rénale : créatinine ;
– rechercher une prostatite : examen clinique et examen cytobactériologique des urines (ECBU) ;
– évaluer objectivement le jet : débit-métrie ;
– avoir une idée standardisée de la taille de la prostate : échographie.
Attention ! ne pas confondre ECBU et cytologie urinaire = examen anatomopathologique.
Vous le voyez avec le bilan que vous avez prescrit. L’échographie montre une prostate de 130 cc, le PSA est à 14 ng/mL. La débit-métrie montre un Qmax à 6 mL/s. L’ECBU montre une hématurie microscopique sans leucocyturie ni bactériurie.
Question 2 - Dans ce contexte (une ou plusieurs réponses exactes) :
Chez un homme jeune, en l’absence de rétention urinaire ou de prostatite, un seul dosage suffit.
Fait partie du bilan d’hématurie macroscopique.
Faire l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avant les biopsies de prostate.
La valeur du PSA dépend de la taille de la prostate. Mais, chez un homme avec une grosse prostate, ne pas arrêter les investigations.
Recommandations du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (CCAFU) : Urofrance. Recommandations du CCAFU - actualisation 2022-2024 : cancer de la prostate - diagnostic et prise en charge de la maladie localisée.
Les facteurs à prendre en compte dans l’interprétation du PSA :
– valeur du PSA ;
– valeur du PSA par rapport à la taille de la prostate ;
– cinétique du PSA ;
– interrogatoire : facteurs d’augmentation du PSA.
Chez l’homme de plus de 75 ans, ne pas confondre :
– dépistage : qui n’est plus indiqué ;
– syndrome de masse, métastase sans primitif retrouvé…
L’âge n’est pas une contre-indication au dosage de PSA.
Vous revoyez le patient avec une IRM prostatique qui montre une lésion PI-RADS 4 (prostate imaging-reporting and data system) paramédiane droite. Vous expliquez au patient la nécessité de réaliser des biopsies. Il vous reste justement un créneau dans quelques heures.
Question 3 - Quelle est votre attitude (une ou plusieurs réponses exacte) ?
Les biopsies ne peuvent pas être réalisées sous apixaban.
Dans les suites on constate : hématurie, hémospermie, rectorragie.
Il peut exister une dysfonction érectile transitoire en post-biopsie.
En l’absence de rétention ce n’est pas systématique.
La préparation rectale ne réduit pas les infections et n’améliore pas le rendement des biopsies.
Biopsies de prostate, les pièges :
– Anticoagulants
• aspirine : oui
• aspirine + autre antiagrégant : non
• anticoagulation préventive : oui
• anticoagulation curative : non
– Antibiotiques
• transrectal : pas d’ECBU + fluoroquinolone en systématique
• transpérinéal : pas d’ECBU + pas d’antibiotique en systématique
– Antisepsie : dans tous les cas à povidone iodée
Intérêt de la voie transpérinéale :
– discordance IRM / biopsie transrectale ;
– détection des cancers de la zone antérieure ;
– moins de risque d’infection.
Vous avez donc programmé à distance les biopsies prostatiques avec un arrêt des anticoagulants avant le geste. M. P. consulte aux urgences le soir de la réalisation des biopsies pour rétention aiguë d’urine (RAU).
Question 4 - Dans ce contexte, quelle(s) étiologie(s) vous parai(ssen)t probable(s) pour expliquer cette rétention ?
Par translocation des germes rectaux.
Si atteinte de l’urètre lors des biopsies.
Trop récent par rapport à la biopsie.
N’est pas une complication de la biopsie, on passe en transrectal de façon volontaire.
N’est pas connu pour donner des RAU.
La rétention est d’évolution spontanément favorable et le patient est sevré de sa sonde vésicale.
Vous le revoyez en consultation avec les résultats d’anatomopathologie qui montrent : 6/18 biopsies positives à droite dont 4 au niveau de la cible et 2 au niveau du même cadran. Toutes les biopsies sont Gleason 6.
Question 5 - Vous évaluez à partir de ces données le risque de rechute biologique après traitement local et vous concluez qu’il vous faut effectuer comme bilan d’extension (une ou plusieurs réponses exactes) :
L’IRM de prostate couvre les aires ganglionnaires pelviennes, pas besoin de refaire une autre IRM.
Cette imagerie nucléaire fixe spécifiquement les cellules cancéreuses avec surexpression du PSA, elle est donc très spécifique mais aussi très coûteuse. Elle est donc réservée aux situations métastatiques et de récidive.
Dans les risques intermédiaires la scintigraphie osseuse est indiquée uniquement s’il existe du Gleason 7 (4+3).
Il est indiqué uniquement dans les hauts risques.
Pour savoir quel bilan faire, il faut calculer le score de D’Amico :
– PSA ;
– TNM (tumeur, ganglions lymphatiques [nodes], métastases) ;
– Gleason.
Ici, PSA compris entre 10 et 20 ng/mL, T1c (puisque détecté sur une augmentation du PSA), Gleason 6.
Il s’agit donc d’un risque intermédiaire sans Gleason 7 (4+ 3), l’IRM constitue donc le seul bilan d’extension.
Pour en savoir plus : Association française d’urologie (AFU). Recommandations du comité de cancérologie de l’association française d’urologie – actualisation 2022-2024 : cancer de la prostate – diagnostic et prise en charge de la maladie localisée.
Vous êtes donc en possession du bilan d’extension complet de ce cancer de risque intermédiaire.
Question 6 - Vous discutez avec lui des options thérapeutiques, vous pouvez lui proposer (une ou plusieurs réponses exactes) :
La surveillance active est réservée aux cancers de prostate de faible risque, donc impossible ici. Elle consiste à refaire PSA, IRM et biopsies à intervalles réguliers. À ne pas confondre avec la surveillance simple qui ne comprend aucun schéma spécifique, on ne fait que surveiller le PSA en cas de modification de la symptomatologie.
Aucune technique chirurgicale n’a démontré sa supériorité en termes de contrôle oncologique, il est donc licite de toutes les proposer. La voie robot-assistée améliore simplement la continence postopératoire par rapport à la voie ouverte.
Le choix de la technique chirurgicale se fait en fonction des compétences du centre.
Risque intermédiaire.
Tous les traitements sont possibles :
– radiothérapie/curiethérapie seule ou avec hormonothérapie (anti-androgène seul, pas de double hormonothérapie avec hormonothérapie nouvelle génération) ;
– chirurgie ;
– surveillance active possible mais critères précis très restrictifs : pas à connaître.
Le patient a finalement opté pour la prostatectomie radicale robot-assistée avec curage ganglionnaire. Il est opéré et vous le revoyez à une semaine de la chirurgie pour ablation de la sonde vésicale protégeant l’anastomose vésico-urétrale. Il se plaint de difficultés à la marche depuis la chirurgie.
Question 7 - Vous suspectez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il peut être lésé mais cause des anomalies de la sensibilité de la face antérieur de la cuisse.
Nerf de l’abduction de cuisse.
Le nerf génito-fémoral repose sur le psoas mais n’est pas un nerf moteur.
Elle peut comprimer le nerf obturateur.
Le patient est en décubitus dorsal dans la position de Trendelenburg pour cette intervention, ce qui ne met pas en danger ce nerf.
L’anatomie de la zone peut être demandée mais pas les territoires du curage.
Les zones du curage correspondent aux niveaux vasculaires qu’elles entourent : le pédicule obturateur, les pédicules iliaques internes et externes.
Le type de curage ne fait pas consensus, on ne remonte en général pas au-dessus de la bifurcation iliaque. On enlève soit le tissu ganglionnaire en regard des vaisseaux (G2a) ou la gaine lymphatique des vaisseaux G2b, plus complet mais plus à risque de saignement. L’indication du curage est calculée avec des scores qui prennent en compte les biopsies, le PSA et l’âge (figure).
Figure (Gabrielle Tissot, La Revue du Praticien)

 

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